Fin de vie : euthanasie, suicide assisté… Les mots pour comprendre le débat

173 citoyens ont entamé la phase de « rencontre et d’appropriation de leur mission » : débattre et rendre des conclusions sur la manière d’accompagner la fin de vie en France.
kupicoo / Getty Images 173 citoyens ont entamé la phase de « rencontre et d’appropriation de leur mission » : débattre et rendre des conclusions sur la manière d’accompagner la fin de vie en France.

DÉBAT - La deuxième session de travail des citoyens de la Convention sur la fin de vie s’ouvre ce week-end au Conseil Économique, Social et Environnemental (Cese). Au programme : poursuivre l’apprentissage autour du sujet, en recevant des représentants de différents cultes et en rencontrant des acteurs de terrain, notamment des soignants. Et aussi, en développant les connaissances des participants des notions et enjeux du débat.

La question qui leur est posée est la suivante : « Le cadre d’accompagnement de fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » Mais entre euthanasie, suicide assisté, sédation, directives anticipées… Il est parfois difficile d’y voir clair sur un sujet aussi sensible que technique. Le HuffPost vous propose de clarifier les termes du débat, avec un petit lexique pratique de la fin de vie.

Aujourd’hui, en France, c’est la loi Claeys-Leonetti qui encadre la fin de vie des malades incurables. Adoptée en 2016, après une première version en 2005, elle interdit l’euthanasie et le suicide assisté, mais permet une « sédation profonde et continue jusqu’au décès », dans des cas précis.

Sédation profonde et continue

Cette loi prévoit l’arrêt des traitements en cas « d’obstination déraisonnable », c’est-à-dire d’acharnement thérapeutique : si le patient le souhaite, les traitements peuvent être « suspendus » lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision est prise par les médecins de façon « collégiale ».

Cela revient donc à endormir définitivement les malades incurables et en très grande souffrance qui le souhaitent, si leur pronostic vital est engagé « à court terme ». Pour cela, on injecte au patient du midazolam en intraveineuse. Ce médicament de la famille des benzodiazépines est puissant et son action rapide.

Avec l’arrêt simultané de l’hydratation et de l’alimentation, les spécialistes estiment que la mort survient aux alentours d’une semaine. Les organes cessent petit à petit de fonctionner. En raison de l’insuffisance rénale, le potassium s’accumule dans le sang et finit par provoquer l’arrêt du cœur. L’équipe soignante se doit d’accompagner le patient jusqu’au bout.

Cette loi est toutefois compliquée à appliquer, notamment faute de moyens : en France, les soins palliatifs, des soins faits pour soulager la douleur d’un patient qui ne pourra pas guérir, sont totalement insuffisants. Près de deux tiers des Français n’y ont pas accès et seulement 30 % des personnes qui en ont besoin peuvent réellement en bénéficier, selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Vingt-six départements sont ainsi totalement dépourvus d’unités dédiées à ces soins.

Directives anticipées

Pour éviter de laisser les médecins prendre la décision d’une sédation profonde ou non, il existe pour le patient la possibilité de rédiger des directives anticipées. Ce sont des instructions écrites permettant d’indiquer à l’avance ses volontés sur les décisions médicales à prendre au cas où l’on arriverait en fin de vie et que l’on ne serait plus capable de s’exprimer, à cause d’un accident ou d’une maladie grave par exemple.

Elles permettent de stipuler qu’on s’oppose à l’acharnement thérapeutique. Elles « s’imposent au médecin », selon la loi Claeys-Leonetti, qui leur a donné plus d’importance. Il est possible aussi de désigner « une personne de confiance » dont l’avis prévaudra.

Mais ces dispositions sont peu connues du grand public et non contraignantes pour les médecins, qui peuvent passer outre si elles « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Une décision du Conseil constitutionnel a confirmé cette possibilité en 2022.

Euthanasie et suicide assisté

La loi actuelle n’autorise ni l’euthanasie, ni le suicide assisté. Selon la définition retenue par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans un avis de 2013, l’euthanasie est un « acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable ». La Belgique est l’un des cinq pays au monde à proposer une euthanasie active - le médecin injecte directement au malade un produit létal dans l’intention de provoquer sa mort -, avec la Colombie, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Espagne depuis 2021.

Lors d’un suicide assisté, à la différence de l’euthanasie, c’est la personne elle-même qui accomplit l’acte fatal, et non un tiers. Dans le langage commun, cela désigne ce que les spécialistes appellent en fait une « assistance au suicide ». « L’assistance au suicide consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même. Dans ce cas, la personne réalise elle-même son suicide en absorbant un produit létal qui lui a été préalablement délivré », selon la définition du CCNE.

Le suicide assisté est notamment dépénalisé en Suisse depuis 1942. Il est accessible aux personnes atteintes d’une maladie qui permet de considérer que la fin est proche, capables de discernement et formulant un désir de mourir de manière libre, mûrement réfléchie et persistant. Le geste létal doit être accompli par le patient, après qu’un médecin a attesté de sa capacité de discernement et qu’un autre a prescrit le barbiturique.

« Aide active à mourir »

Ces deux termes peuvent être considérés comme des déclinaisons de la notion d’« aide active à mourir ». En 2022, le CCNE a, pour la première fois, considéré que la loi actuelle pouvait être modifiée pour introduire la possibilité d’une « aide active à mourir ». Mais il y a mis de nombreuses conditions, comme le renforcement, dans un premier temps, des mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs.

Le CCNE souhaite la mise en place de repères éthiques avec notamment un accès légal à une assistance au suicide ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme.

De même, le Comité précise qu’une telle demande devrait être exprimée par « une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée, analysée dans le cadre d’une procédure collégiale. » Enfin, le médecin en charge du patient et les autres professionnels de santé participant à la procédure collégiale devraient pouvoir bénéficier d’une clause de conscience.

Huit des 45 membres du Comité ont toutefois exprimé une réserve quant à une éventuelle évolution législative sur la fin de vie. Selon un sondage Ifop publié le 12 octobre 2022, 78 % des Français souhaitent au contraire voir la loi changer et l’euthanasie ou le suicide assisté être légalisés. C’est l’objet de la Convention citoyenne qui a démarré ses travaux le 9 décembre et rendra ses conclusions le 19 mars.

La première ministre Élisabeth Borne, qui a ouvert la Convention, a cependant bien stipulé que si ces réflexions constitueraient « un éclairage majeur » pour le gouvernement, le rôle de ces 173 citoyens tirés au sort n’était en aucun cas de « légiférer ».

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