Fillette fauchée à Trappes, policiers tués dans le Nord: la consommation de stupéfiants au volant est-elle en hausse?

Le bébé d'une femme enceinte tué dans un accident impliquant Pierre Palmade, contrôlé positif à la cocaïne, le 10 février, trois policiers percutés mortellement par un conducteur qui roulait à contresens et sous l'emprise de l’alcool et de stupéfiants, le 21 mai, et une fillette de sept ans décédée ce mardi après avoir été fauchée par une automobiliste qui avait consommé du cannabis... Ces derniers mois, les accidents mortels impliquant une consommation de stupéfiants reviennent régulièrement dans l'actualité.

Et pour cause, la consommation de stupéfiants est la troisième cause d'accidents mortels en France (13%) - à égalité avec l'inattention -, derrière la vitesse excessive ou inadaptée (30%) et la consommation d'alcool (22%), selon le bilan 2021 de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).

L'étude révèle d'ailleurs que pour un accident mortel sur cinq, le conducteur est testé positif aux stupéfiants, une part qui monte à un sur trois le week-end, plus accidentogène.

Moins de circulation pendant le Covid

Pourtant, selon le bilan de l'ONISR, la tendance est quand même à la baisse. Entre 2010 et 2019, le nombre de personnes tuées dans un accident avec stupéfiant a diminué de 0,6% par an, et à la baisse atteint même 6,1% chaque année, entre 2019 et 2021.

Dans le détail, en 2021, sur 2123 personnes tuées dans un accident de la route - où un dépistage a été réalisé -, 436 l'ont été dans un accident avec présence de stupéfiants, soit 21%. C'est moins qu'en 2012, par exemple, où 522 morts sur 2016 l'ont été dans un accident avec présence de stupéfiants, soit 26%.

Pour Jean-Pascal Assailly, psychologue honoraire, expert pour le Conseil National de la Sécurité Routière (CNSR), et auteur du livre Homo Automobilis ou l'Humanité routière (Imago), si la tendance est légèrement à la baisse, c'est que les chiffres se calent sur ceux de la consommation de la population. "Ces dernières années, la consommation de cannabis est à la baisse, notamment chez les 15-25 ans. S'il y a moins de cannabis dans la société, forcément, il y en a moins au volant", nous explique-t-il.

Pour autant, il faut prendre ces chiffres avec des pincettes, ajoute l'expert: "En 2020 et 2021, avec l'épidémie de coronavirus, les gens roulaient beaucoup moins, donc assez logiquement, il y a eu moins d'accidents et moins de drogue au volant. Ca ne veut pas dire que les gens consomment moins en roulant". "Il faudra attendre le rapport de 2022 pour voir si on peut vraiment parler d'une baisse", ajoute le psychologue.

Des chiffres sous-évalués

Jean-Yves Lamant, président de la Ligue contre la violence routière, estime même que les chiffres seraient bien supérieurs à ceux affichés. "Les chiffres sont nettement sous-évalués, car les contrôles de stupéfiants au volant sont encore très peu nombreux et ils sont loin d'être fiables, notamment sur la détection du cannabis. Ca ne reflète pas la réalité", estime-t-il auprès de BFMTV.com, qualifiant la consommation de stupéfiants "de fléau pour la société et sur les routes".

Le président de l'association pointe également du doigt le gouvernement. "Le gouvernement a lâché l'affaire sur la sécurité routière. En relâchant les efforts et la communication, ils ont encouragé les Français à se relâcher aussi", analyse Jean-Yves Lamant.

Il estime également que les dernières mesures prises par le gouvernement sur la consommation de drogue, comme l'amende forfaitaire mise en place pour l'usage de stupéfiants, ont participé à la "banaliser". "La consommation est banalisée dans les rues, par ricochet, elle l'est aussi sur les routes", poursuit-il.

Vers un renforcement des sanctions

Pourtant, les conducteurs testés positifs aux stupéfiants risquent jusqu’à deux ans d'emprisonnement et 4500 euros d'amende, jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende en cas d'accident corporel. La peine peut monter jusqu'à sept ans et 100.000 euros d’amende en cas d’accident mortel.

Après l'accident impliquant Pierre Palmade, mi-février, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé plusieurs mesures pour lutter contre ce fléau, dont le retrait immédiat du permis pour toute personne testée positive aux stupéfiants et le renforcement des contrôles par les forces de l'ordre.

Sur Twitter, le locataire de Beauvau avait également annoncé vouloir rendre obligatoire "la visite médicale de tout consommateur avéré de drogue pour qu'il soit autorisé à conduire s'il se soigne".

Et les peines actuelles pourraient bien s'alourdir. Le ministre de l'Intérieur avait également indiqué qu'il travaillait "avec Eric Dupond-Moretti pour renommer en 'homicide routier' les accidents mortels dus à la drogue et à l'alcool".

Article original publié sur BFMTV.com