Failles sécuritaires, inertie de Trump: le Washington Post fait de nouvelles révélations sur l'assaut du Capitole

Des partisans de Donald Trump devant le Capitole à Washington, le 6 janvier 2021. - ALEX EDELMAN © 2019 AFP
Des partisans de Donald Trump devant le Capitole à Washington, le 6 janvier 2021. - ALEX EDELMAN © 2019 AFP

"Le siège du Capitole, le 6 janvier, n'était ni un acte spontané ni un événement isolé". Une enquête monumentale du Washington Post lève le voile sur de nombreux éléments advenus avant, pendant et après l'attaque du Congrès des Etats-Unis du 6 janvier dernier, après la défaite de Donald Trump à l'élection présidentielle.

Ce jour-là, plusieurs centaines de militants en faveur du président déchu ont assailli le Capitole alors que les élus du Sénat et de la Chambre y certifiaient la victoire de Joe Biden. Cinq personnes sont mortes et près de 140 policiers ont été blessés.

Pendant cinq mois, plus de 60 journalistes du Washington Post ont épluché des milliers de pages de documents et ont mené plus de 230 entretiens. Ils révèlent que si le monde a pu être surpris de l'assaut du 6 janvier, les prémices de l'insurrection avaient été repérées à bien des niveaux. L'enquête met également en lumière des défaillances dans les services de sécurité et l'inaction, voire la complicité, du camp Trump.

Des menaces ignorées par le FBI

Dès le printemps 2020, Donald Trump lance d'innombrables attaques contre l'intégrité du système de vote dans le pays. Selon le Washington Post, ce sont ces doutes qu'il a longtemps cultivé, ajoutés à la remise en question du résultat de l'élection du 3 novembre, qui ont mené à l'attaque du 6 janvier.

Plusieurs semaines avant la date fatidique, le FBI, principal service fédéral de renseignement intérieur, a reçu de nombreux avertissements. Des alertes ont été lancées par des fonctionnaires locaux, des informateurs, des sociétés de médias sociaux, d'anciens responsables de la sécurité nationale, des chercheurs ou des législateurs.

Toutefois, le FBI a estimé que ces informations n'étaient pas crédibles ou réalistes. L'enquête montre, à cet égard, que l'agence a reçu une note le 20 décembre 2020 expliquant que les partisans de Trump préparaient, en ligne, des attaques contre des législateurs de Washington, y compris contre le sénateur Mitt Romney.

L'informateur affirme également que les militants discutaient de la manière d’introduire des armes dans la capitale. D'après les mots du Washington Post, il s'agit de "l'une des plus grandes défaillances en matière de sécurité de l'histoire du pays".

Inquiétudes au plus haut niveau

La longue enquête dévoile également que le Pentagone avait de fortes craintes sur le risque de violences généralisées dans le contexte autour de l'élection. Le département de la Défense redoutait que Donald Trump n'utilise les forces militaires pour se maintenir au pouvoir. Face à la menace, les hauts responsables du Pentagone ont ainsi mis en place des garde-fous au déploiement de la Garde nationale. C'est notamment cette situation qui a contribué au retard dans la mobilisation des soldats lors de l'attaque du Capitole le 6 janvier.

Les chefs de la Défense américains n'étaient pas les seuls inquiets. Quarante-huit heures avant l'attaque, le chef du renseignement de la Sécurité intérieure du pays, Donell Harvin, a sommé le Département de la santé de Washington de se préparer à un accident de masse.

"Videz les urgences et remplissez vos banques de sang", a urgé Donell Harvin le 4 janvier.

Failles sécuritaires

L'enquête du Washington Post met également en lumière des impréparations notables. Au sein des services de police du Capitole, on savait depuis des semaines que les menaces étaient sérieuses. Dès le 3 janvier, il était clair que les partisans de Donald Trump seraient prêts à tout pour renverser l'élection et que le "Congrès lui-même" serait la cible. Toutefois, une mauvaise communication et un manque d'organisation ont empêché les informations de parvenir jusqu'aux décideurs.

Le jour de l'assaut, les signes d'escalade de violences étaient bien visibles. Le matin, des heurts entre militants pro-Trump et la police ont eu lieu ailleurs dans la capitale américaine. De plus, l'étude du Washington Post montre que des piles de sacs avaient été laissées par ces derniers à plusieurs points stratégiques autour du Capitole. Un phénomène dont les forces de sécurité savaient en amont qu'il pouvait être le signe de la présence d'armes dissimulées, estime le journal.

Les trois heures d'inaction de Donald Trump

En début d'après-midi, le 6 janvier, Donald Trump donne un meeting à l'arrière de la Maison Blanche. Il appelle la foule à marcher sur le Capitole, demandant à ses partisans de "se battre de toutes [leurs] forces". Il ajoute également: "Vous ne reprendrez jamais notre pays avec faiblesse. Vous devez montrer de la force et vous devez être fort". Selon le Washington Post, après cette prise de parole, le président s'enferme dans la salle à manger de la Maison Blanche.

Peu après, les hostilités débutent. Toutefois, Donald Trump ne réagit pas. Et ce pendant plus de trois heures. 187 minutes très précisément. Le président déchu reste devant son poste de télévision, observant ses partisans envahir le Capitole en son nom.

Pendant ce temps, les sénateurs sont barricadés à l'intérieur du bâtiment. Kevin McCarthy, le leader de la minorité républicaine à la Chambre des Représentants, appelle Donald Trump pour lui demander de réagir, mais le président reste inerte.

Pressions sur Mike Pence

Le 6 janvier, le Capitole accueille la cérémonie où représentants de la Chambre et du Sénat certifient les résultats de l'élection présidentielle. C'est Mike Pence, le fidèle vice-président de Donald Trump, qui est chargé de la présider. L'enquête dévoile l'ampleur des pressions que ce dernier a reçu pour qu'il fasse en sorte que les résultats soient rejetés.

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Les pressions remontent à bien avant l'assaut du Capitole. Toutefois, alors même que Mike Pence se cache dans le sous-sol du bâtiment avec sa fille, sa femme et son conseiller, le camp Trump intensifie les menaces. Le vice-président continue de recevoir des messages l'accusant d'être à l'origine des violences car il n'a pas souhaité bloquer la validation de la victoire de Joe Biden.

C'est à ce moment que Donald Trump tweete: "Mike Pence n’a pas eu le courage de faire ce qui aurait dû être fait pour protéger notre pays et notre Constitution", désavouant ainsi totalement son vice-président.

Après l'attaque

La longue enquête du quotidien américain se clôt sur un chapitre révélant les conséquences de l'attaque du 6 janvier. Les journalistes expliquent que la remise en cause de l'élection a continué directement après l'assaut. Elle est même devenue la force motrice d'une large frange du parti républicain. Les agents électoraux d'au moins 17 États ont reçu collectivement des centaines de menaces depuis le 6 janvier, en majorité dans les six États où Donald Trump a concentré ses attaques sur les résultats des élections.

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Enfin, l'enquête met en lumière les répercussions de cet événement sur les protagonistes, notamment les forces de l'ordre. De nombreux membres de la police du Capitole ont subi d'importantes blessures physiques. De plus, certains souffrent de cauchemars et de forte anxiété. "La normalité a disparu", résume ainsi Carneysha Mendoza, une policière blessée le 6 janvier.

Article original publié sur BFMTV.com