Face à la pénurie de carburants, la réquisition est-elle une solution ?

Striking workers and unionists of the CGT gather outside Esso's oil refinery in Fos-sur-Mer, southern France, on October 11, 2022. - Around a third of France's service stations were still low on, or out of, petrol as strike action at energy giant TotalEnergies and other oil majors entered its third week and wage negotiations were stalling. (Photo by Nicolas TUCAT / AFP)

CARBURANTS - Plusieurs raffineries à l’arrêt, un tiers des stations-service en manque de carburant, une grève reconduite chez les salariés de TotalEnergies et d’Esso-ExxonMobil… Face aux blocages qui se poursuivent et à l’intransigeance de la CGT qui réclame des hausses de salaires, le gouvernement a tapé du poing sur la table ce mardi 11 octobre.

« Un désaccord salarial ne justifie pas de bloquer le pays […] . J’ai demandé aux préfets d’engager, comme le permet la loi, la procédure de réquisition des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts » d’Esso-ExxonMobil, où un accord sur les salaires a été trouvé lundi, a annoncé la Première ministre Élisabeth Borne.

La situation rappelle l’épisode des grèves du printemps 2010 contre la réforme des retraites, sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Il y a douze ans, un mouvement social d’ampleur avait accueilli le projet du Premier ministre François Fillon de relever l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. Après plusieurs mois de manifestations, les syndicats du secteur pétrolier avaient rejoint la bataille à l’automne.

Un précédent en 2010 avec la réforme des retraites

Comme aujourd’hui, des stations-service s’étaient retrouvées à sec après l’arrêt des raffineries. Des dépôts de carburant étaient également inaccessibles. Le gouvernement avait alors déployé la police pour débloquer les sites et ordonné la réquisition de personnels, via les préfets, pour assurer un service minimum et mettre fin à la paralysie. En cas de refus, les salariés s’exposaient à des sanctions pénales et des amendes.

Un épisode encore douloureux dans la mémoire des syndicalistes, pour qui le gouvernement avait purement cassé la grève des salariés de l’industrie pétrolière. Le Code des collectivités territoriales prévoit que le préfet de chaque département peut « réquisitionner tout bien ou service » en cas d’atteinte  « au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique ».

Après l’épisode de la rentrée 2010, un contentieux autour de la réquisition avait toutefois été porté devant l’Organisation internationale du travail (OIT), n’a pas manqué de rappelé Emmanuel Lepine, secrétaire général de la Fédération professionnelle de pétrole de la CGT, interrogé sur franceinfo ce mardi. « La France a été condamnée en 2011, soit un an après, car elle a enfreint le Convention de 1987 de l’OIT », a-t-il souligné.

La réalité est plus nuancée. Dans son avis, l’Organisation internationale du travail estimait qu’« en cas de paralysie d’un service non essentiel (...) comme peut l’être le transport de passagers et de marchandises, l’imposition d’un service minimum peut se justifier », donnant raison à l’État.

« Ça sera la guerre »

Cependant, l’organisation a aussi recadré la France en lui demandant « de privilégier à l’avenir, devant une situation de paralysie d’un service non essentiel mais qui justifierait l’imposition d’un service minimum de fonctionnement, la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs concernées à cet exercice, et de ne pas recourir à l’imposition de la mesure par voie unilatérale ».

Si la méthode interroge, reste que la réquisition de 2010 a mis un terme à la dizaine de jours de blocages total dans les raffineries et permis un retour progressif à la normale dans les stations-service. Le gouvernement, qui n’a pas plié face à la contestation, a fait voter la loi au Sénat et à l’Assemblée nationale fin octobre, provoquant l’essoufflement du mouvement puis la fin de la grève.

Pour le conflit social qui perturbe aujourd’hui l’approvisionnement des stations-service, la menace de réquisition avait été à nouveau fraîchement accueillie par la CGT, qui a à son tour menacé d’une grève dans d’autres domaines. « Si Macron veut une extension rapide sur les autres secteurs économiques – parce que là je peux vous garantir ça sera la guerre – et bien qu’il [réquisitionne] », a prévenu ce mardi Emmanuel Lepine.

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