"Féministes" et "positifs", les podcasts érotiques veulent "réinventer le désir"

"C'est un renouveau", s'enthousiasme Mélanie. Cette infirmière de 30 ans est abonnée depuis un an à Voxxx, une plateforme de podcasts érotiques. "Un cheminement", explique-t-elle, depuis la lecture de textes féministes à la découverte de la masturbation comme moyen de connaissance et d'épanouissement personnels.

"Je trouve que ces podcasts rendent la sexualité plus accessible, plus féministe et plus éthique. Ils montrent que les femmes peuvent aimer le sexe et que ce n'est pas vulgaire".

Pas question pour la jeune femme de regarder des sites pornographiques, notamment en raison des affaires de violences sexuelles dans le secteur, récemment épinglé dans un rapport du Sénat. Tout le contraire des podcasts que Mélanie écoute qui mettent en scène des corps différents sans les normes du porno ni l'image "dégradante" des femmes que ces vidéos véhiculent, juge-t-elle.

"Chorégraphier" les désirs

C'est justement l'ambition de Constance Parpoil, responsable éditoriale Europe de Storytel, une plateforme de livres audio, qui lance ce mardi un nouveau podcast érotique, Steamy, réalisé par le studio Louie Media. Son objectif: proposer de nouvelles représentations de la sexualité, loin des schémas éculés et stéréotypés.

"On avait envie de mettre les femmes au centre de l'histoire", assure-t-elle à BFMTV.com. "On avait aussi envie de leur accorder des désirs, leurs désirs qui sont encore trop peu représentés."

La série Steamy comprend dix épisodes écrits par des autrices et romancières. "Les désirs féminins ont longtemps été atrophiés, comme s'il fallait les taire", note Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media, interrogée par BFMTV.com. Avec Steamy, elle souhaitait ainsi "chorégraphier" ces désirs "de manière joyeuse".

"L'idée, c'est de brosser une palette la plus large possible pour donner à voir et à entendre ces désirs", explique-t-elle. "Pour faire de l'érotisme de qualité et donner ses lettres de noblesse au genre."

Empowerment féminin

À l'heure du "mummy porn" façon Cinquante nuances de Grey ou Chronique des Bridgerton, ces podcasts destinés aux femmes promettent ainsi de "réinventer le désir", souligne Constance Parpoil, de Storytel. "On n'a plus honte de parler d'érotisme."

Une analyse partagée par Ludi Demol, chercheuse doctorante à l'Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, qui souligne l'évolution des mœurs, dans la droite ligne des mouvements d'empowerment féminin: le podcast érotique s'inscrit dans un contexte favorable à la légitimation de la sexualité et des désirs féminins. "Il n'aurait sans doute pas été possible ni entendu il y a vingt ans, même si la technologie existait", remarque
cette experte de la consommation pornographique chez les jeunes.

Mais cela tient aussi au format: pour cette spécialiste de la construction du genre et de la sexualité, la littérature comme le podcast érotiques permettent davantage de distance. "C'est plus facile d'écouter un podcast érotique que de regarder du porno", estime-t-elle.

"Les femmes ont l'idée que le porno, ce n'est pas pour elles. Que c'est trop cru, qu'il y a quelque chose d'illégitime."

Le podcast paraît ainsi plus adapté. "Dans le porno classique, les femmes ne rescriptent pas, elles ne s'approprient pas les images", assure la spécialiste. "Le son permet de contourner beaucoup de choses et de construire un plaisir féminin."

Un marché porteur

Ces dernières années, l'offre de podcasts érotiques s'est multipliée. Une efferverscence portée par le succès global des podcasts natifs: entre 2019 et 2021, le marché a gagné 11% d'audience, selon une étude du CSA. Au total, un Français ou Française sur trois en écoute.

Femtasy, une plateforme de podcasts érotiques réservés aux femmes, a ainsi été lancée en France il y a un an. Au total, ce sont 300 histoires, sessions de masturbations guidées ou "vrais sons du sexe" qui sont proposés. Sarah Herbain, responsable du site en France, évoque ainsi pour BFMTV.com un "grand éventail" de contenus, tant du point de vue de la diversité que de l'intensité.

"On s'adresse aux femmes et à toutes celles qui s'identifient comme femme, qu'elles soient en couple ou célibataires, et quelle que soit leur orientation sexuelle, hétéro ou queer."

Ce qui fonctionne le mieux sur Femtasy: les contenus BDSM, plans à trois et voyeuristes. "Beaucoup de femmes se servent de notre plateforme pour expérimenter des choses qu'elles n'ont jamais faites dans la vie réelle", pointe Sarah Herbain.

Du BDSM "valorisant"

Car ces podcasts sont aussi "un bon outil pour explorer sa sexualité sans se mettre en danger", note la chercheuse Ludi Demol. Ce que confirme Alexis Himeros, le fondateur du podcast Le Son du désir. Lui aussi voulait proposer une offre "positive", "plus saine" et avec des valeurs "féministes", loin d'un porno "phallocrate".

Il propose plusieurs catégories de podcasts, dont "Les 7 leçons du désir" qui suit les aventures érotiques d'une jeune femme "qui décide après un échec sentimental de reprendre le dessus sur sa vie, sur les hommes, et sur sa sexualité"; des épisodes intitulés "Allô ma chérie", aventures "dans lesquelles vous êtes au centre de l'histoire" ; ou encore "Odyssée BDSM". Il évoque justement une curiosité de son audience pour ce type de pratiques sexuelles.

"Dans nos histoires BDSM, la femme est placée dans un contexte sécurisant", détaille-t-il pour BFMTV.com. "Mais aussi valorisant. Elle n'est pas qu'un objet qui va servir à la satisfaction de son partenaire."

Si 80% de ses auditeurs sont des auditrices, Alexis Himeros remarque que ce sont souvent des femmes "dans un parcours d'émancipation" ou "dans une démarche de réappropriation de leur corps".

Beaucoup d'écoutes, peu d'abonnées

Laisser de la place à l'imagination, c'est pour cela qu'Enora, une jeune diplômée de 25 ans, apprécie ce genre de podcasts. "C'est un peu comme une application de méditation, ça m'aide à me vider la tête, à m'évader", confie-t-elle à BFMTV.com.

Mais la jeune femme n'est pas prête à s'abonner à l'une de ces plateformes. Les femmes semblent souvent frileuses et réticentes à l'idée de payer pour des podcasts érotiques: si le podcast Le Son du désir cumule 2 millions d'écoutes gratuites, il n'enregistre par exemple qu'un millier d'abonnés.

Plusieurs explications à cela. L'universitaire Ludi Demol évoque leur peu de moyens financiers, un certain biais culturel qui les pousse à privilégier les besoins de leurs proches plutôt que les leurs mais aussi un tabou à payer pour se faire plaisir.

"Souvent, elles préfèrent payer un abonnement à une plateforme vidéo pour toute la famille. Et pourtant, c'est une manière de prendre soin de soi, comme d'aller se faire les ongles ou chez l'esthéticienne."

Article original publié sur BFMTV.com