Féminicide à Paris: des collectifs féministes alertent sur les policiers auteurs de violences conjugales

Commissariat de police (illustration) - JACQUES DEMARTHON / AFP
Commissariat de police (illustration) - JACQUES DEMARTHON / AFP

"Le plus souvent, c'est déjà difficile pour des femmes victimes de porter plainte. C'est inacceptable qu'elles soient reçues par des policiers ou des gendarmes condamnés pour violences conjugales". Pour Fabienne El-Khoury, porte-parole du collectif Osez le Féminisme, le récent meurtre de la compagne d'un policier à Paris est le signe d'un nouvel échec des pouvoirs publics en matière de lutte contre les violences faites aux femmes: "C'est tout un système qui n'a pas réussi à la protéger", explique-t-elle sur BFMTV.com.

Depuis vendredi, un policier fait l'objet de recherches poussées, alors que le corps de sa compagne a été retrouvé dans leur appartement, sans vie. Soupçonné d'être à l'origine du meurtre, l'homme avait déjà été condamné en 2019 pour des faits des violences conjugales.

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Sur les réseaux sociaux, à la suite de ce nouveau féminicide, plusieurs associations féministes s'interrogent. "Comment un policier connu pour des faits de violences est-il toujours en fonction?!", tweetait samedi le collectif #NousToutes.

Une pétition pour recenser les policiers violents

Quelques mois plus tôt, plusieurs associations lançaient une pétition signée par plus de 26.000 personnes pour demander le "recensement des policiers et gendarmes violents envers les femmes et/ou enfants". Cette requête faisait suite à la mise au jour de nombreux dysfonctionnements dans la prise en charge de la plainte de Chahinez Daoud, tuée par son ex-conjoint à Mérignac en mai dernier.

En juillet, à la suite de cette publication, le Canard Enchaîné révélait que le policier qui avait pris la plainte de la victime avait lui-même été condamné à huit mois de prison avec sursis pour des violences intra-familiales.

"Pourtant, la protection des femmes victimes de violences conjugales passe aussi par la garantie qu'elles ne seront jamais en contact avec des policiers et gendarmes agresseurs", affirmaient alors les associations à l'origine de la pétition.

Six mois plus tard, "on en est encore très loin", commente pour BFMTV.com Fabienne El-Khoury. "Le risque, c'est qu'ils peuvent avoir de l'empathie envers les agresseurs et que les violences soient banalisées."

"Omerta" chez les forces de l'ordre

"Pour les compagnes de policiers ou de gendarmes, déposer une plainte, c'est encore plus le parcours du combattant que pour les autres femmes", déclare à BFMTV.com Sophie Boutboul. En 2019, la journaliste publie Silence, on cogne, un livre à propos de l'omerta autour des membres des forces de l'ordre auteurs de violences conjugales, au sein même de leur environnement de travail.

Deux ans d'enquête durant laquelle elle rencontre une trentaine de compagnes de gendarmes ou de policiers qui lui racontent les difficultés qu'elles ont rencontrées pour déposer une plainte contre leur conjoint violent.

"Ces policiers recevaient des traitements de faveur de la part de leurs collègues en garde à vue, certaines pièces de procédure disparaissaient ou étaient effacées...", émunère Sophie Boutboul.

Mieux protéger les victimes

Pour elle, ce nouveau féminicide met en lumière la persistance d'un "problème structurel".

"Ces violences sont ignorées par les pouvoirs publics, et cela a un impact sur la réception des plaintes. Comment peut-on bien traiter les plaintes pour violences conjugales alors qu'on est soi-même auteur de ces faits?", analyse la journaliste, qui précise que de nouvelles femmes continuent de la contacter pour témoigner de leur expérience. 876450610001_6294576299001

Depuis plusieurs années, des associations de lutte contre ces violences demandent la mise en place d'une centralisation des données concernant les auteurs de violences conjugales, à l'image du système informatique "VioGen" développé en Espagne depuis 2007.

"Ça fait longtemps que l'on demande ça. Ça permettrait d'évaluer le risque que court une victime de violences conjugales, et donc de mieux les protéger", estime Fabienne El-Khoury.

Article original publié sur BFMTV.com