Ex-numéro 2 de la PJ, "loyal", "froid" : qui est Frédéric Veaux, patron de la police au cœur de la polémique ?

Les propos de Frédéric Veaux apportant son soutien à un policier marseillais incarcéré ont provoqué une vaste polémique. Une sortie publique rare pour cet homme de l'ombre qui a fait toute sa carrière dans la maison police.

Son arrivée à la tête de la maison police est intervenue en 2020 dans un contexte de crise et dans une institution affaiblie. Son maintien le 28 juin dernier à son poste de directeur général de la police nationale s'inscrit dans un climat tout aussi tendu après des semaines de mobilisation des forces de l'ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites au printemps puis lors des émeutes qui se sont produites début juillet partout en France.

En apportant son soutien au policier marseillais placé en détention provisoire après avoir été mis en examen pour des soupçons de violences à l'encontre d'un jeune homme dans la nuit du 1er au 2 juillet, Frédéric Veaux a crée la polémique. "Un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail", a déclaré le patron de la police dans une interview au Parisien. Une "atteinte aux principes fondamentaux de notre État de droit", se sont insurgées de nombreuses voix.

"Homme de l'ombre"

"Homme de l'ombre", "réservé", "peu expressif" ou encore peu rompu aux interventions publiques, Frédéric Veaux est à la tête des 150.000 policiers de France depuis 2020. À l'époque, sa nomination par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Christophe Castaner, était saluée par le monde policier. "On est satisfait que ce soit un policier, c'est un signal très fort", se félicitait notamment David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN).

"Il avait le profil parfait pour arriver à la direction générale de la police nationale en cochant tous les passages obligés", souligne un ex-député de gauche, bon connaisseur des questions de sécurité sous François Hollande.

En janvier 2020, Frédéric Veaux, 63 ans, succède alors à un haut-fonctionnaire, le préfet Éric Morvan. Si lui-même a intégré le corps préfectoral en 2016, d’abord en Mayenne puis dans le département des Landes, il a fait l’essentiel de sa carrière dans la police nationale. Après des affectations à Lille, Nice puis Marseille, en 1998, le natif de Talence en Gironde, prend la tête en 2001 de l’office antistupéfiants avant de devenir chef de la division nationale anti-terroriste (DNAT). C’est dans le cadre de ces fonctions qu’il participera à l’arrestation d’Yvan Colonna.

Frédéric Veaux va cumuler les hautes fonctions au sein de la DCPJ (Direction centrale de la police judiciaire), sous-directeur de la lutte anti-terroriste puis en charge de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. En 2010, il devient numéro 2 de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI devenue DGSI) jusqu’en 2012. Il est alors l’adjoint du sulfureux Bernard Squarcini. Ce dernier a été condamné pour l'affaire dites des "fadettes", dans laquelle son service à chercher à identifier les sources de journalistes du Monde qui travaillait sur l'affaire Bettencourt. Frédéric Veaux a, lui, évité les poursuites.

Un grand professionnel

En 2013, Frédéric Veaux revient à la DCPJ en tant que numéro 2. "C'était un très bon sous-directeur, il sait de quoi il parle, un garçon très agréable qui sait ce qu'il veut", se souvient pour BFMTV.com l'ex-député La République en marche Jean-Michel Fauvergue, qui l'a côtoyé quand il dirigeait le Raid. "Il était très respecté de la part des magistrats", insiste encore l'ex-policier, balayant la polémique actuelle qui, dit-il, est le seul fruit de "l'extrême-gauche". Sa force lors de sa nomination apparaît être celle de la maîtrise des sujets.

"Sur les trois directeurs généraux de la police nationale qui se sont succédés ces neuf dernières années, c'est celui qui connaît le mieux la maison", confirme Philippe Dominati, sénateur apparenté LR, et rapporteur spécial de la commission des Finances sur la sécurité.

Quand Frédéric Veaux est nommé à la tête de la direction générale de la police nationale, Christophe Castaner salue "un homme qui connaît la police pour l’avoir servie aux plus hautes responsabilités (…), qui connaît le terrain et le danger, pour avoir traité les affaires les plus sensibles et préparer quelques-uns des grands défis de notre sécurité". L'un de ces défis sera la notamment douloureuse réforme de la police nationale.

"Loyal"

Dans cette maison de 150.000 hommes, la légende dit que Frédéric Veaux n'a jamais digéré d'avoir vu en 2013 le poste de patron de la police judiciaire lui échapper au profit de Mireille Ballestrazzi. "Il se dit qu'il tient une rancune tenace à l'égard de la police judiciaire", explique une policière.

Elaborée sous Christophe Castaner puis reprise par Gérald Darmanin, la réforme de la police nationale impacte principalement l'organisation de la police judiciaire, celle qui travaille sur les grandes affaires criminelles ou de grand banditisme, en remettant en cause son maillage territorial. Frédéric Veaux va la défendre face à ses hommes et maintenir le cap malgré les contestations. "Il a répondu à une commande", note Philippe Dominati. "C'est quelqu'un de loyal qui fait ce qu'on lui demande."

On le dit "froid", uniquement dans le "factuel", très peu "dans la séduction". "Il est assez peu à l'aise avec l'exercice politique", tranche Jérôme Durain, sénateur socialiste qui a auditionné à plusieurs reprises Frédéric Veaux dans le cadre de la mission d’information sur l’organisation de la police judiciaire. "Il exprimait souvent une gêne marquée lors de nos questions politiques, mais il ne manque pas d'habileté, c'est un personnage surprenant."

La colère des PJistes

Dans son opposition aux PJistes, Frédéric Veaux n'hésitera pas à limoger le patron de la police judiciaire marseillaise, Éric Arella, grand flic très respecté par ses hommes devenu à lui seul symbole de cette fronde. Politiquement, il a "sacrifié" les quelque 6000 policiers de la PJ. "Il a joué le fusible de Gérald Darmanin en portant cette réforme décriée", poursuit Jérôme Durain. "C'est un exécutant fidèle." "Mais dans son entourage, il se dit qu'il n'avait pas une telle détermination à faire passer cette réforme", souffle un élu.

Car à trop faire de politique, son image de grand flic s'en est vue écornée. "Il nous a savamment méprisés, ignorés, il a toujours refusé de nous recevoir sous prétexte que ses seuls interlocuteurs sont les syndicats", déplore un membre du conseil d'administration de l'Association nationale de police judiciaire (ANPJ), créée hors des organisations syndicales pour défendre les intérêts des PJistes. Nous n'aurions peut-être pas été entendus mais au moins nous aurions été écoutés. Il est celui qui aura enterré la police judiciaire."

"Nous constatons qu'il a du temps aujourd'hui pour les collègues de la sécurité publique, mais pas pour ceux de la police judiciaire, pourtant nous exprimions nous-aussi un véritable malaise", se désole cette policière.

"Il défend ses collègues"

Samedi dernier, Frédéric Veaux s'est en effet déplacé à Marseille pour rencontrer les collègues des quatre policiers mis en examen pour des violences sur un jeune homme. Depuis, un vaste mouvement de protestation a été lancé à coup d'arrêts maladie, sans qu'il soit initié, là encore, par les syndicats. "C'est parfaitement dans la logique de son engagement policier, il défend ses collègues", se félicite Jean-Michel Fauvergue. "Ce qu'il a dit c'est qu'on est arrivé au bout d'un système et qu'il faut mieux protéger les policiers."

"Il a été nommé pour défendre les flics. C'est exactement ce qu'il fait. Quant au fait de mettre la pagaille dans les relations avec les magistrats, ce n'est vraiment pas son problème", considère cet ex-élu socialiste.

Aujourd'hui, Frédéric Veaux a atteint l'âge de la retraite. Il a été maintenu à la fin du mois de juin à son poste de DGPN, "car il n'y a pas d'autres candidats", estime un policier. La question de son avenir se pose car si Laurent Nuñez l'a soutenu publiquement, l'exécutif par la voix d'Emmanuel Macron a rappelé que "nul n'était au-dessus de la loi". "Au pire, il sert de fusible, au mieux il reste en place et il a brossé les policiers dans le sens du poil", poursuit le fonctionnaire.

Pour cet élu de gauche, la deuxième option semble privilégiée: "Sa parole avait parfaitement été validée par Beauvau, ses propos puis ceux de Laurent Nunez ne sortent pas de nulle part, ils ont protégé leur ministre."

Article original publié sur BFMTV.com

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