Eurovision: les pays conservateurs préfèrent les numéros traditionnels, selon une étude

Les liens entre Eurovision et géopolitique ne sont pas un secret. De nombreux chercheurs ont notamment mis en exergue l'existence de blocs de pays qui se soutiennent mutuellement au moment de distribuer les points. Une nouvelle étude réalisée entre deux universités néerlandaises va plus loin, en suggérant que les pays où les partis populistes de droite ont le plus de poids ont tendance à attribuer leurs votes aux numéros de musiques traditionnelles.

Dirigée par les universités d'Amsterdam et de Tilburg et publiée le 7 novembre dans la revue Springer, Populisme pop: l'ethno-traditionalisme au-delà des frontières nationales et la droite radicale populiste cherche à répondre à une question: un pays où l'hostilité envers l'immigration est forte va-t-il soutenir les autres pays qui présentent un attachement à leurs propres traditions? Pour cela, l'étude analyse les votes du Concours européen de la chanson entre 1999 et 2019, soit vingt éditions consécutives et 767 chansons.

"Notre enquête montre que le soutien pour les chansons présentant des aspects ethno-traditonnels - c'est à dire l'utilisation de la langue nationale et la présence d'éléments (...) tels que des musiques, des danses, des costumes ou des instruments traditionnels - augmente significativement en fonction de la présence des partis de droite radicale dans le pays qui distribue les points", peut-on ainsi y lire.

Plusieurs critères retenus

Comme le résume le Guardian, l'étude souligne que 28% des candidats de l'Eurovision, de 1999 à 2019, présentaient au moins l'un des éléments suivants: un morceau chanté dans leur langue nationale plutôt qu'en anglais, des costumes traditionnels, des instruments anciens ou des musiques folkloriques. Et que leur utilisation influençait les votes venus de pays où la présence des partis de droite radicale était importante.

Le média britannique cite notamment l'exemple des Buranovskiye Babushki (littéralement, "les mamies de Buranovo"), représentantes de la Russie en 2012, un groupe de femmes âgées vêtues de tenues traditionnelles et chantant dans une langue régionale. Mais aussi les candidats irlandais de 2007 ou polonais de 2014:

"En mettant face à face les votes atttribués à ces chansons et le pourcentage de députés issus de partis populistes de la droite radicale dans les pays votants, nous avons trouvé une augmentation des votes dans les pays où les populistes de droite ont un nombre supérieur de sièges au Parlement", déclare Alessandro Nai, co-auteur de l'étude, au quotidien britannique.

Il cite comme exemples les votes attribués à ces numéros par la Hongrie, la Serbie, la Macédoine du Nord et la Turquie. Et suggère: "Dans la vision du monde isolationniste attribuée aux populistes de la droite radicale, l'expression d'ethno-nationalisme dans les pays étrangers fait de ces derniers des alliés".

Concours progressiste

Les auteurs de l'étude invitent cependant à prendre ces conclusions avec des pincettes, en rappelant que leur analyse ne se base pas sur les penchants politiques des individus votant à l'Eurovision. Et estime même "probable" que le télé-crochet international soit moins plébiscité par des téléspectateurs aux idées conservatrices, le concours diffusant des valeurs d'inclusion des minorités ethniques, religieuses et sexuelles.

La finale de l'Eurovision 2023 se déroulera le 13 mai prochain à Liverpool. Elle fera suite à la victoire des Ukrainiens du groupe Kalush Orchestra avec leur chanson Stefania. La tradition veut que le pays vainqueur accueille l'édition suivante mais, en raison de la guerre qui sévit toujours en Ukraine, les organisateurs lui ont préféré le Royaume-Uni (arrivé deuxième en 2022 avec Space Man de Sam Ryder).

Article original publié sur BFMTV.com