ENTRETIEN RMC SPORT. Les confidences de Jean-Pierre Papin sur son rôle à la tête de la réserve de l’OM

Pour Jean-Pierre Papin, un nouveau chapitre a débuté le 30 novembre dernier. Nommé entraîneur de l’équipe réserve de l’OM (National 3), l’ancien Ballon d'or est parvenu à redresser une formation en cruel manque de résultats en début de saison. Au moment de son arrivée, l’OM était était dans la zone rouge et est depuis remonté à la 8e place, Papin s’appuyant notamment sur le retour au club de Stéphane Sparagna et Kassim Abdallah, deux anciens joueurs professionnels à l’OM.

Au micro de RMC Sport, dans une interview réalisée avant la nomination de Jean-Louis Gasset sur le banc de l’équipe première, l’ancien attaquant reconnaît que l’adrénaline du terrain lui manquait et n’exclut pas, à l’avenir, de replonger au poste d'entraîneur à un plus haut niveau. Alors que certains observateurs ont regretté que l’OM ne lui a pas proposé l’intérim après le départ de Gennaro Gattuso, Papin avait déjà coupé court à la polémique en affirmant "être bien avec ses gamins" et que le "choix de Jean-Louis Gasset est très bon pour redonner confiance à l’équipe grâce à son expérience".

Jean-Pierre, pourquoi ce choix d’entraîner l’équipe réserve? Etait-ce votre choix?

Oui, c’est mon choix. Dans les péripéties du club, on regarde bien évidemment l’équipe première mais aussi la réserve. Et l’équipe réserve, elle était mal en point. Le coach était parti quinze jours avant. Je suis allé voir Pablo (Longoria) et en discutant avec lui, je lui ai demandé s’il pouvait me donner ce rôle qui m’intéressait au plus haut point.

Pourquoi?

Je sortais de Chartres (où il a entraîné entre 2020 et 2022, NDLR). A Chartres, on avait eu une expérience très intéressante car on a failli monter en National. J’avais besoin de cette adrénaline du terrain. Cette adrénaline me manquait et comme le rôle était vacant, j’ai demandé au président de me le donner.

Sans aucun doute de votre part? National 3, l’OM était relégable… Vous ne vous êtes pas dit 'Dans quel bourbier je vais me mettre'?

Non, parce que je les ai vus jouer plusieurs fois et je trouvais qu’ils avaient beaucoup de talent, qu’il ne manquait peut-être pas grand-chose pour essayer de leur redonner cet allant nécessaire pour se sauver. J’ai pris cette mission à bras le corps et avec ces joueurs-là, on a rectifié le tir très vite puisqu’on a gagné trois fois. Il y a ensuite eu une défaite contre Lucciana car on n’était pas spécialement au point sur ce match-là. En travaillant bien, on a rectifié le tir à Rocheville. Il reste 11 matchs. Notre mission est de ne pas descendre. Je pense qu’on est capable de réussir notre mission sans aucun problème.

Pablo Longoria était-il surpris quand vous êtes allé le voir?

Non, je crois qu’il n’était pas surpris. Dès que je suis arrivé, je lui ai dit que si j’avais l’opportunité d’y retourner un jour, j’aimerais bien pouvoir le faire. Et il a accepté tout de suite, il n’y a pas eu de soucis.

Quelle est cette adrénaline? Concrètement, que manque-t-il au quotidien?

C’est difficile à expliquer. Ce qui nous manque, c’est le terrain, l’odeur du vestiaire, les discussions, le football comme on aime le voir sur le terrain… J’ai du mal à le vivre quand on est en dehors. Le football m’a accompagné toute ma vie. Sans ce football-là, je ne me sens pas très bien.

Même à un niveau plus bas, en National 3, on retrouve cette adrénaline?

On doit l’avoir! La National 3 à l’OM, c’est quand même l’OM de demain. Il faut leur faire passer le message, leur faire comprendre les choses. Quand on a eu la chance de faire le parcours que j’ai eu durant ma carrière pro, ces petits conseils sont souvent les bienvenus pour eux.

On a vu passer une vidéo où vous insistez beaucoup sur la responsabilité et l’importance de porter le maillot de l’OM. C’est primordial? Faut-il rabâcher ce message?

C’est primordial dans n’importe quel club. A partir du moment où on joue pour un club, on doit respecter son blason. L’OM est encore plus particulier, car c’est un club qui est tellement à part dans la vie des Français. Quand on a la chance de faire partie de ces jeunes-là, pour aller là où ils veulent aller, c'est-à-dire une des équipes les plus cotées en France, il y a des messages à faire passer.

Les jeunes sont-ils encore réceptifs à ça? Est-ce qu’ils vous regardent avec des grands yeux en se disant 'c’est l’ancien Ballon d’or, l’ancien serial buteur de l’OM'?

Je pense. Je n’ai pas eu de retour négatif par rapport à ça. Je pense qu’ils sont fiers que ce soit moi qui sois avec eux, qui les coache. Ils prennent les conseils plein fer. C’est tout bénef pour tout le monde.

Est-ce qu’ils viennent parfois vous demander des anecdotes sur des matchs joués avec l'OM ou le Milan?

Je n’attends pas qu’ils me demandent, je leur dis. Je pense qu’ils préfèrent que je leur dise plutôt qu’ils me demandent. Je leur dis comment ça se passe sur certains matchs, quelle pression il y a, comment on doit réagir… Je pense que ce sont les petits détails qui sont très importants pour eux.

Même si l’expérience est maintenant un peu lointaine, c’est donc important de raconter son passé de grand joueur?

Ce n’est pas l’importance du passé, c’est l’importance de l’expérience. Ce qui leur manquait, c'était quelques petites anecdotes sur ce qu’on doit faire, ce qu’il ne faut pas faire et quand on doit le faire.

Il y a eu certains débats dans lesquels on entendait que c’était un manque de respect pour vous, que le National 3 était trop petit pour vous. Vous répondez quoi à ça?

Je suis heureux, je fais ce que j’aime. Ma mission est très simple: sauver cette équipe-là dans cette division-là. Mais ma mission est pour moi beaucoup plus importante: c’est qu’il y ait trois ou quatre joueurs qui arrivent à rapidement intégrer l’effectif pro.

Le métier d’entraîneur vous a plu tout de suite quand vous êtes passé à votre après-carrière?

Ça m'a plus tout de suite. Je suis vite retombé sur mes pieds car c’était peut-être même allé un peu trop vite. Il aurait peut-être fallu passer par un rôle d’adjoint. Je me suis trompé quelques fois mais il n’y a que comme ça qu’on arrive à comprendre les choses. Aujourd’hui, je ne suis plus le même coach qu’il y a quelques années, donc c’est tout bénef' pour moi.

Qu’avez-vous changé?

Le fait de beaucoup plus parler, beaucoup plus regarder, faire des exercices que je ne pensais pas nécessaires. J’évolue, tout simplement.

Vous ressentez des marques d’affection tous les week-ends, avec des gens qui viennent vous voir?

Oui, tout le temps. J’ai cette chance, que les gens ici ont toujours été derrière moi et dès qu’ils peuvent me le faire sentir, ils le font.

Avec le rôle d’ambassadeur, on a l’impression que vous étiez un peu plus loin. On vous voyait proche des dirigeants mais peut-être moins du terrain…

C’est autre chose. Le rôle d’ambassadeur, on représente le club dans différents domaines. On est avec les instances, les partenaires, dans certaines conférences pour parler de son passé, de ce que représente l’OM. Ça me plaît beaucoup, car j’aime raconter des choses. Mais le foot, c’est le foot et c’est sur le terrain que ça se passe.

Vous nous confirmez que vous continuez votre rôle d’ambassadeur?

Oui, bien sûr.

Ça prend du temps?

Ça prend du temps, je suis souvent avec le président, j’essaye de l’épauler quand il a besoin de moi pour aller quelque part. Des conférences, le moment avec tous les gamins de la Provence pour les futurs journalistes, à CMA-CGM quand il y a la présentation du maillot au début de la saison... C’est très varié et très prenant. C'est deux ou trois heures à chaque fois (sourire).

Mais ce n’est pas la même adrénaline. Sincèrement, est-ce qu’on s’ennuie un petit peu parfois?

Non, ce n’est pas une question d’ennui. Mon élément, c’est évident, c’est le terrain (sourire), mais je prends ce rôle d’ambassadeur et de représentation du club très à cœur et je tiens à remercier le président pour la confiance accordée.

Quel est votre rapport aux jeunes?

J’ai toujours dit que, quand j’arrêterai, j’aimerais trouver le même que moi. Pour l’instant, je ne l’ai pas trouvé. On travaille beaucoup pour trouver au moins un qui y ressemble. Cette mission est pour moi la plus importante. C’est que, un jour, parmi ceux que j’ai aujourd’hui, il y en a deux ou trois qui puissent porter ce maillot et aller jouer au Vélodrome.

Faut-il s’appuyer de plus en plus - sur le terrain notamment - sur les anciens joueurs du club?

Je pense qu’il faut écrire l’histoire avec le passé. Le passé est un parallèle très important. Il n’y aurait pas le 'aujourd’hui' s’il n'y avait pas eu le 'hier'. Les joueurs ont des messages à faire passer. Dans un club, c’est important de respecter ses anciens. J’ai eu la chance de jouer au Bayern ou au Milan, où il y a énormément d’anciens qui sont autour. Ils ont des places plus ou moins importantes, mais ils sont là et ce sont des références.

Surtout que, en ce moment, on parle beaucoup d’exigence. On suppose que vous l’avez en vous au regard de votre parcours dans des grands clubs…

L’exigence peut s'apprendre. Quand j’ai commencé ma carrière, j’étais loin d’être exigeant. Mais à un moment, il y a des passages obligatoires où on se dit que si on ne change pas quelque chose, on n’y arrivera pas. L’exigence m’a permis d'aller m'entraîner tous les jours différemment. J’y allais tout le temps un peu plus pour faire des reprises de volée. Cette exigence m’a apporté un Ballon d’or. Donc je pense être bien placé pour savoir ce qu’est l’exigence. Faire passer le message à ces jeunes est important. Ils ne sont pas très loin… mais il faut un peu plus (sourire).

Prendre l’équipe réserve, ça a changé beaucoup de choses au quotidien? C’est maintenant un rythme effréné, le survêtement dans le sac tous les matins?

C’est un peu tout ça! Oui, ça a changé. Mais j’aime ça. Mettre ce survêtement tous les jours pour aller à l'entraînement, leur montrer comment ça se passe… C’est ce dont j’avais besoin.

C’est fatigant?

Non. C’est le match qui est fatigant. L’entraînement, ça va (rire).

Article original publié sur RMC Sport