Enfant harceleur : quelle est la responsabilité des parents ?

Priorité “absolue” du gouvernement, le harcèlement scolaire est un “enjeu national” qui nécessite une approche plurielle.

Près d’un million de Français sont victimes de harcèlement scolaire (crédit : getty image)
Près d’un million de Français sont victimes de harcèlement scolaire (crédit : getty image)

Quelle est la part de responsabilité des parents d’enfants qui harcèlent leurs camarades à l’école ? Ces violences, qui vont de la bousculade aux insultes répétées en direct ou sur les réseaux sociaux, touchent près d’un million d’enfants en France, note le ministère de l’Education qui a dévoilé son plan de lutte mercredi. Les conséquences peuvent être tragiques pour les concernés : le nombre de tentatives de suicide chez les jeunes de moins de 15 ans a augmenté de 300% ces dix dernières années. Que peuvent faire les parents d’enfants auteurs de harcèlement et que risquent-ils ? Le point sur un sujet encore tabou.

Une responsabilité éducative

“Plus que morale, il y a une responsabilité éducative des parents, estime Bruno Humbeeck, professeur de psychopédagogie à l’Université de Mons en Belgique. Les parents ont leur rôle à jouer dans les valeurs qu’ils veulent transmettre à travers l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants.” L’idéal est, selon lui, d’agir en amont en sensibilisant les enfants au harcèlement scolaire ou en réagissant vite à ces comportements.

Selon l'auteur de l’ouvrage “Le harcèlement scolaire, guide pour les parents” (éd Odile Jacob), les enfants se divisent en trois grands groupes : les dominants, les dominés et les flottants. “Naturellement, les parents ont tendance à considérer comme positif le fait que leur enfant soit un dominant, nous explique-t-il. Or les parents d’un enfant qui appartient au groupe dominant et qui harcèle doivent s’inquiéter parce que son avenir peut être compromis par ce comportement, aussi bien dans sa trajectoire personnelle que professionnelle.” Le psychopédagogue pointe l’importance de l’intelligence émotionnelle, soit le fait de percevoir et de comprendre ses émotions et celles des autres, dans la vie de couple d’un adulte et dans le cadre du travail, notamment pour évoluer au sein d’une équipe.

Les signaux d’alerte

Il n’est pas toujours facile d’agir, surtout quand les parents n’ont pas conscience du problème. “Ils découvrent souvent le harcèlement par un appel de la vie scolaire, mais certains signaux peuvent tout de même alerter”, poursuit le spécialiste. C’est le cas par exemple si un enfant se moque d’un de ses camarades devant ses parents ou s’il manifeste de l’indifférence face aux émotions des autres. “Les parents peuvent réagir face à ces comportements en ne le félicitant pas, en ne rigolant pas, mais en discutant avec lui de ce qu’il s’est passé et en éveillant son empathie.” Cela passe par des phrases comme “comment tu te serais senti si la situation avait été inversée ?”.

Le plan du gouvernement prévoit à la rentrée 2024 des nouveaux cours “du respect de soi et de l’autre”. Une bonne chose pour Bruno Humbeeck qui insiste sur le fait que cela sera d’autant plus efficace si “les comportements empathiques sont valorisés à la maison”. “La valorisation de comportements des dominants empathiques, comme celui d’un capitaine d’une équipe sportive qui va chercher à rassembler ses coéquipiers, est positive pour un enfant", illustre-t-il.

Sensibiliser sur certains comportements

Outre l’environnement immédiat dans lequel l’enfant évolue, le psychopédagogue alerte sur ce qu’il voit à la télévision, dans les films, les séries et les émissions. “Quand un animateur se permet de massacrer ou d’humilier des personnes en direct, les parents peuvent sensibiliser et expliquer que la bouffonnerie ne justifie pas les actes de harcèlement”, poursuit-il.

“Dans nos études sociologiques, les élèves qui déclarent avoir harcelé disent le faire pour des raisons de frime et de volonté de s’inscrire dans un groupe dominant, nous explique Sigolène Couchot-Schiex, professeure des universités en sciences de l’éducation à l’université de Cergy Paris. Dans 75% des cas, il s’agit de garçons, seul le plus souvent ou en groupe.” Mais “s’il y a un effet grisant à humilier en public, devant des spectateurs”, Bruno Humbeeck appelle “à apprendre aux enfants à ne pas s’associer à ce genre de comportements du dominant”.

Pour Sigolène Couchot-Schiex, “la responsabilité des parents est surtout d’acheter un téléphone portable aux jeunes enfants, qui font moins preuve d’empathie, sans contrôle parental”. Elle insiste sur la nécessité de former tous les personnels à l’utilisation des réseaux sociaux. Parler avec son enfant de ce qu’il regarde est finalement le meilleur moyen de le responsabiliser. Et de se responsabiliser en tant que parent. En cas de manquement, le plan interministériel prévoit des stages de citoyenneté aussi bien pour les élèves harceleurs que pour leurs parents, en fonction de la gravité des faits.

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