Emmanuel Macron se rend en Guyane et après la Corse, l’autonomie joue l’invitée surprise

L’accord trouvé entre le gouvernement et les élus corses ravive les velléités de ceux qui réclament une évolution du statut des territoires ultramarins.

POLITIQUE - Pourquoi eux et pas nous ? C’est en substance à cette question des élus guyanais que le président de la République Emmanuel Macron va devoir répondre entre ce lundi 25 et mardi 26 mars, en marge de son déplacement en Guyane. Car l’accord trouvé sur l’autonomie de la Corse a jeté de l’huile sur le feu au sein de la collectivité où une évolution institutionnelle est réclamée depuis plusieurs années.

Mardi 27 février, invité du journal du soir de Guyane La 1re, le président de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) Gabriel Serville se dit « extrêmement en colère ». La raison : une déclaration de Gérald Darmanin dans laquelle le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer se montrait particulièrement optimiste sur une possible réforme du statut de la Corse.

L’élu, membre du groupe GDR à l’Assemblée nationale avant son élection à la tête de la CTG, s’agace de voir l’avancée du dossier corse alors que depuis des « décennies la classe politique, tous partis confondus, se bat pour que la Guyane bénéficie d’un statut qui soit fait sur mesure ». Dans les jours qui suivent, le ministre de l’Intérieur annonce qu’un accord « vers l’autonomie » a été trouvé avec les élus de l’île de Beauté. Il ne manque désormais plus que le feu vert de l’Assemblée Corse avant le lancement par Emmanuel Macron d’une réforme constitutionnelle. La Bretagne en a profité pour saisir la balle au bond. En Guyane, on dénonce un traitement différencié.

« Deux poids deux mesures »

« Ce que la Corse demande, c’est exactement ce que la Guyane a demandé : avoir une inscription dans la Constitution pour avoir un statut particulier », s’insurge Davy Rimane, député GDR et président de la délégation Outre-mer de l’Assemblée sur Guyane La 1re après le dîner de travail fin février entre l’Intérieur et les représentants corses.

Les élus guyanais font valoir l’unanimité de leurs positions ainsi que les très nombreuses discussions (fructueuses) sur ce thème : 25 comité de pilotage, 3 Congrès, une dizaine de résolutions adoptées à l’échelle locale… Dans ce contexte, la nomination en janvier dernier par la présidence de la République de deux experts chargés d’étudier les pistes d’évolution statutaire pour l’ensemble des territoires ultramarins passe mal, « alors que nous, élus guyanais, avons validé un principe depuis des années déjà », fustige Davy Rimane.

« Des experts pour nous, mais pas d’experts pour la Corse (...) il y a deux poids deux mesures sur un même sujet », estime-t-il. Le 5 mars, dans une interview accordée à Corse Matin, Gabriel Serville renchérit : « Ce ne sont pas les dispositifs énoncés à l’issue du dîner que j’ai vécus comme une insulte, mais plutôt l’attitude du gouvernement dès lors que cela fait trop longtemps que nous exprimons nos propres revendications. (...) Nous avons le sentiment que cette parole n’est pas entendue. »

Menace de boycott de la visite faute de clarification

Le président de la CTG a donc durci le ton : fin février, il a exigé que le président de la République « annonce très clairement son intention » de faire pour la Guyane ce qui a été fait pour la Corse. La revendication a même été consignée par écrit le 16 mars lors d’une réunion avec les parlementaires et l’association des maires de Guyane. Faute de quoi, « je me réserve le droit de participer à cette visite officielle » ajoute Gabriel Serville.

La menace a-t-elle été entendue au sommet ? L’Élysée assure que le sujet fait partie des « axes » du déplacement présidentiel et que « le Président aura à cœur de prendre le temps et d’échanger sur ces questions avec les maires, avec les parlementaires et le président de la collectivité territoriale » notamment lors d’un dîner « républicain » le 25 au soir. Reste à savoir si cet échange sera suffisant pour satisfaire les élus. Car à ce stade, la présidence reste très prudente sur d’hypothétiques annonces : « Aujourd’hui le temps est à la définition du projet
avec la mission menée par les experts et avec les membres du Gouvernement »
, se borne-t-on à répondre.

Venue en Guyane une dizaine de jours en amont de la visite présidentielle, la ministre déléguée aux Outre-Mer Marie Guévenoux a tenté de rassurer : « Il n’y a pas de tabou sur ce sujet. Le président de la République l’a dit en ces termes », a-t-elle déclaré à l’AFP… avant de renvoyer la balle aux élus locaux pour exprimer leurs souhaits sur le partage des compétences en cas d’autonomie, ce qu’ils assurent eux avoir déjà fait.

Lors d’une conférence de presse, le député indépendantiste Jean-Victor Castor (GDR) assène : « Si le président ne répond pas sur l’autonomie, son déplacement n’aura pas de portée ». Ce déplacement sera le premier d’Emmanuel Macron dans les Outre-mer depuis sa réélection et l’Élysée évoque des annonces multiples sur la pêche, l’orpaillage illégal, le spatial… À condition que la question de l’autonomie ne joue pas les trouble-fêtes.

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