EDF participe à « Neom », projet de mégalopole futuriste en Arabie saoudite, et se met des salariés à dos
ENVIRONNEMENT - Pour EDF c’est un projet « écolo », pour certains de ses salariés c’est un « écocide ». Une enquête fouillée de la cellule d’investigation de Radio France raconte ce vendredi 1er mars la colère de certains employés d’EDF après que l’entreprise a annoncé construire une centrale hydroélectrique au cœur de la future mégalopole futuriste « Neom », située en plein milieu du désert saoudien.
Ce projet évalué à plusieurs centaines de milliards de dollars, porté par le prince Mohammed ben Salmane, doit sortir de terre en 2030. Il s’étale sur plus de 25 000 km2, et comporte, entre autres, une station de ski qui doit accueillir les jeux asiatiques d’hiver de 2029, une île de luxe sur la mer Rouge, ou encore The Line, une « ville immeuble » de 500 m de haut, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessous.
Parmi ces contradictions, cette ville géante s’engage à être entièrement piétonne, « zéro carbone », et à respecter 95 % de la nature aux alentours du site, mais devrait accueillir dans le même temps l’un des plus grands aéroports du monde.
Le paradoxe d’une station hydroélectrique dans le désert
C’est sur ces promesses « écolos » que surfe le plus grand fournisseur d’électricité et de gaz français pour justifier sa participation à Neom. « The Line est censée fonctionner uniquement avec des énergies renouvelables, le vent et le soleil », indique à cet égard un membre d’EDF à nos confrères de Radio France.
Concrètement, EDF va construire une STEP (station de transfert d’énergie par pompage), un type de centrale hydroélectrique qui permet de produire de l’électricité et d’en stocker, et donc de se prémunir des coupures de courant. Autre avantage de cette technologie : elle émet très peu d’émissions de gaz à effet de serre, et s’inscrit donc parfaitement dans la volonté des Saoudiens de construire la ville du futur « zéro émission ».
Sauf que la production hydraulique est certes peu polluante, mais nécessite de l’eau. Or, dans le désert, c’est une ressource qui manque. Dans l’offre soumise par EDF à Neom Company, signée début 2024, que franceinfo a pu consulter, il est précisé que « l’eau sera prélevée dans le grand pipeline d’adduction d’eau dessalée situé à proximité », et qu’une usine de dessalement sera construite « près de la mer Rouge ». Une installation très coûteuse et très gourmande en énergie.
« Ce n’est pas notre EDF »
« On capte de l’eau pour un projet qui ne bénéficiera pas à la population générale », dénonce un syndicaliste. « Neom nous gêne parce que c’est un projet pharaonique (...) pour faire du tourisme de luxe au milieu du désert. Et ça, ce n’est pas du tout durable », conteste, lui, Jean-Yves Ségura, représentant du personnel et délégué Force Ouvrière (FO) à EDF Hydro, à France info.
Le syndicat FO a d’ailleurs lancé un sondage auprès des 860 salariés d’EDF Hydro en novembre dernier. Résultat : « 73 % d’entre eux souhaitent qu’EDF quitte le projet. 17 % considèrent qu’EDF doit continuer », rapporte Jean-Yves Ségura.
« Ce n’est pas notre EDF. C’est un paradoxe de demander la sobriété en France et de s’impliquer dans un projet à ce point délirant à l’étranger », se désole également un ingénieur chez EDF Hydro, qui assure que pour empêcher la construction de la STEP « toutes les voies de recours disponibles en interne ont été activées, sans succès ».
Pire, les salariés assurent que l’entreprise les oblige à ne pas trop se rebeller. « La direction est ferme sur Neom. On nous dit que si cela nous pose trop de problèmes de travailler sur ce projet, il faut quitter l’entreprise », raconte un agent, qui dit « éviter d’aborder le sujet à la pause déjeuner ». De son côté EDF dément, assurant qu’elle a « laissé le choix aux salariés de ne pas contribuer au projet s’ils le souhaitaient ».
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