EACOP : ils veulent empêcher ce projet de TotalEnergies en s’attaquant aux banques

ENVIRONNEMENT - 9 milliards d’euros : c’est la somme dont TotalEnergies a besoin pour financer son projet pétrolier EACOP. L’entreprise veut construire un oléoduc géant de 1443 kilomètres qui traversera l’Ouganda et la Tanzanie. Alors que TotalEnergies doit présenter sa stratégie climat à ses actionnaires ce 26 mai lors d’une Assemblée générale, des centaines de chercheurs dénoncent la « bombe climatique » que représente EACOP.

En effet, si ce projet aboutit, ce seront plus de 34 millions de tonnes de CO2 qui seront émis chaque année alors que nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre, si nous voulons faire face à l’urgence climatique. Mais avant d’en arriver là, TotalEnergies doit trouver les investissements nécessaires pour mener à bien son projet. Une tâche qui s’avère de plus en plus difficile, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article.

La pression de la société civile

Les conclusions de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) et du rapport du Giec sont claires : aucun nouveau projet pétrolier et gazier ne doit sortir de terre si l’on ne veut pas dépasser l’objectif de 1,5 degré de réchauffement, par rapport à l’ère préindustrielle, fixé par l’Accord de Paris. Alors à New York, Bruxelles, Londres ou Paris, les manifestations se multiplient pour s’opposer à ce projet pétrolier.

En manifestant directement devant les banques, l’objectif est de mettre la pression pour qu’elles acceptent de ne pas contribuer au projet EACOP. À terme, les militants misent sur le désinvestissement, c’est-à-dire qu’ils espèrent que TotalEnergies ne puisse pas à réunir les fonds nécessaires pour que le projet aboutisse.

Parmi les militants, Baraka Lenga, scientifique tanzanien spécialisé dans le climat que Le HuffPost a rencontré début mai. Il était à Berne fin avril, pour protester contre les financements de la Banque nationale suisse à TotalEnergies. Cette stratégie commence à porter ses fruits selon lui : « L’une des plus grosses banques de Londres [Standard Chatered, ndrl] était censée donner 5 milliards de dollars américains [à TotalEnergies]. Il y a quelques jours, ils ont publié un communiqué expliquant qu’ils ne vont finalement pas financer ce projet. Donc c’est une belle victoire pour nous. »

Actuellement, ce sont 25 banques qui ont finalement refusé de participer à EACOP, dont les françaises BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale. Pour Baraka Lenga, il ne faut pas s’arrêter là. « Nous continuons à contacter les banques, à leur demander de retirer leur financement de ce projet. Et même si 25 banques ont annoncé qu’elles ne le feront pas ça n’a pas été un travail facile, ça n’a pas été une tâche facile. Nous avons travaillé dur ».

Une pression suffisante ?

Mais la réalité est souvent bien plus complexe et ce n’est pas parce qu’une banque s’engage à ne pas financer EACOP, qu’elle ne va pas soutenir TotalEnergies d’une autre manière. C’est d’ailleurs ce que dénoncent des ONG de défense de l’environnement, comme l’explique cet article des Échos, datant de mai 2022. Ces associations accusent notamment BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole d’avoir accordé un prêt de 8 milliards de dollars à TotalEnergies.

« C’est vrai qu’il y a une forme d’hypocrisie », dénonce Antoine Laurent, responsable plaidoyer France chez l’ONG Reclaim Finance. « Il faut être honnête, lorsqu’on s’engage à ne pas financer EACOP, c’est bien parce que les banques reconnaissent que le projet est négatif sur le plan social, climatique, écologique, environnemental. Mais quand elles continuent d’envoyer des milliards dans les caisses de TotalEnergies qui en plus continue de faire des profits monstrueux, ça n’empêche pas TotalEnergies de financer ce projet et d’autres à travers le monde. »

Par ailleurs, toutes les banques ne sont pas sensibles à l’argumentaire des militants écologistes et l’intérêt financier prime. « Quand on va voir les banques, elles nous disent : “ Vous savez, si moi je sors du projet, une autre banque va le prendre et en plus ce sera un concurrent ”, donc ça les embête parce qu’elles perdent des parts de marché », explique le responsable de Reclaim Finance.

« À cela, nous répondons que pour des raisons climatiques, il faut qu’on arrête de financer ces nouveaux projets et qu’on se débarrasse des énergies fossiles chez nous. Il faut qu’on évite à des pays en Afrique de devenir dépendants des énergies fossiles comme nous le sommes devenus. Il faut tout faire pour que les économies se développent autrement qu’avec les énergies fossiles. Et là-dessus, les banques peuvent être des alliées. Aujourd’hui malheureusement, elles ne jouent leur rôle que partiellement », regrette-t-il.

« Tout ce qui leur importe, c’est l’argent »

Si la mobilisation contre EACOP se concentre aujourd’hui sur les banques, c’est aussi parce que les gouvernements d’Ouganda et de Tanzanie ont autorisé la construction de cet oléoduc controversé. Une décision très critiquée par Baraka Lenga : « Ces gouvernements se fichent du changement climatique. Pour eux, tout ce qui compte c’est l’argent. Ils se fichent de la planète, ils se fichent des gens, ils se fichent des écosystèmes, ils se fichent de la biodiversité et de l’environnement. Tout ce qui leur importe, c’est l’argent. »

Antoine Laurent, lui, reste plus mesuré : « Quand on regarde la question climatique, il ne faut surtout pas oublier le passé. La responsabilité des pays africains dans le passé est très largement inférieure à la responsabilité qui incombe les pays du Nord, qui sont d’ailleurs les principaux destinataires de ce pétrole qui va sortir de Tanzanie. Ni le pétrole, ni le gaz ne sont des énergies d’avenir ».

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