Dortmund-Real Madrid: pourquoi Jude Bellingham a laissé une image contrastée au Borussia
Le destin a réservé un cadre idyllique pour des retrouvailles au sommet. Un peu plus d’un an après son dernier match avec le Borussia Dortmund, Jude Bellingham (20 ans) va croiser le chemin de son ancienne équipe avec le Real Madrid, samedi (21h) en finale de la Ligue des champions à Wembley (Londres). La partie du stade réservée aux supporteurs allemands devrait lui réserver des applaudissements respectueux. Sans rancœur mais peut-être sans trop d’effusion non plus.
Des brouilles avec Schulz, Witsel et Emre Can
Dans la Ruhr, Bellingham a lancé sa carrière au plus haut niveau après son transfert de Birmingham contre 30 millions d’euros à seulement 17 ans. Et s’il y a confirmé son énorme potentiel jusqu’à son transfert contre 105 millions d’euros l’été dernier, l’international anglais (29 sélections, 3 buts) a aussi laissé une image mitigée en raison d’un ego un peu trop développé dans un vestiaire très attaché à la notion de groupe. En trois ans, les crispations n’ont pas manqué.
En 2022, il avait, selon le média allemand Sport1, vertement reproché les errements de son équipier Nico Schulz après un match de Ligue Europa contre les Glasgow Rangers. Quelques semaines plus tard, il avait envoyé balader Axel Witsel, de 14 ans son ainé, quand ce dernier lui donnait des consignes de pressing à la mi-temps d'un match de Bundesliga contre Augsbourg. Le BvB traversait alors un exercice 2021-2022 plombé par les blessures et des leaders relégués sur le banc, poussant l’Anglais à ses prises de paroles… mal perçues. Marco Rose, alors entraîneur, était monté au créneau pour le défendre.
La saison dernière, il avait publiquement affiché son mécontentement après une défaite contre le Bayern Munich (4-2), provoquant un échange tendu avec le capitaine Emre Can sur la pelouse. "Jude est encore jeune et il encore beaucoup à apprendre", avait déclaré ce dernier à ESPN. "Ici, sur le terrain, devant 70.000 à 80.000 personnes, il y a peu de choses que l'on peut faire, il faut être là et avoir un bon langage corporel lorsqu'un coéquipier fait une erreur ou ne vous voit pas. C'est aussi ce que nous devons apprendre en tant qu'équipe."
"Personne n'ose dire quoi que ce soit de peur de le contrarier"
Une sorte d’impunité dénoncée par certains consultants comme Dietmar Hamann, ancien du Bayern et de Liverpool notamment. "Au Borussia Dortmund, il peut faire ce qu'il veut", avait-il lancé sur Sky Sport Allemagne. "Personne n'ose dire quoi que ce soit de peur de le contrarier. Si vous l'avez comme coéquipier, vous aurez un problème. S'il ne fait rien en attaque et en défense, que fait-il alors?"
"Edin Terzic avait une tendance à le protéger par rapport aux anciens parce que c’était un talent brut et à l’époque le Borussia souhaitait le conserver", acquiesce Polo Breitner, spécialiste du football allemand pour RMC Sport.
"C’est le problème du joueur supérieur à la moyenne de l’équipe."
"C’était un joueur fantastique avec un ego démesuré", ajoute-t-il. "Il avait une fierté souvent mal placée. Le joueur était exceptionnel mais il voulait surjouer pendant certaines rencontres." Il lui voyait un certain individualisme et une propension à éviter les réunions du groupe hors des terrains. "Je me rappelle de certains papiers en Allemagne qui faisaient comprendre que Bellingham n’était pas complètement intégré à l’équipe", ajoute Polo Breitner.
Dans l’ombre des performances exceptionnelles d’Erling Haaland lors de ses deux premières saisons en Allemagne (2020-2022), Bellingham a gagné en influence sur le terrain lors de son dernier exercice en 2022-2023 avec une activité plus remarquée et des statistiques plus imposantes (14 buts en 42 matchs). Celle-ci s’était achevée très douloureusement avec la perte du titre en Bundesliga lors de la dernière journée face à Mayence (2-2). Touché au genou, il n’était pas entré en jeu lors de cette rencontre. Ce qu'il n'avait pas digéré, selon Polo Breitner.
"Il n’a pas supporté de perdre le titre lors de la dernière journée sans pouvoir jouer."
Il a quitté la Ruhr sur cette défaite insupportable pour lui, le compétiteur-né aux codes bien affirmés pour devenir une star. Dortmund n’a pas vraiment profité d’un effet libérateur dans le jeu à son départ malgré cette qualification inespérée en finale de Ligue des champions, mais une cinquième place en-deça des attentes en Bundesliga (qualificative toutefois pour la prochaine Ligue des champions). Après avoir frôlé le titre avec lui en Bundesliga la saison dernière, les supporteurs salivent désormais de ce rendez-vous en C1 sans lui. De quoi faire passer sans trop de problème l’amertume d’un départ qui semblait inéluctable. "Ce n’est pas un mec qui a trahi. Il n’y a rien du tout, il a permis à Dortmund de presque gagner", conclut Polo Breitner. L'Allemagne du football se passionne beaucoup plus pour les adieux à Dortmund et ceux de Toni Kroos, légende du Real Madrid, au football.