Donald Trump jugé à New York: la difficile sélection d'un jury impartial

À événement exceptionnel, problèmes hors du commun. Le procès de Donald Trump qui va s'ouvrir lundi 15 avril à New York sera une première dans l'histoire américaine: jamais un ancien président des États-Unis n'avait eu à comparaître au pénal. Douze jurés auront la lourde tâche de juger Donald Trump coupable ou non de falsification de documents afin de dissimuler un versement d'argent à Stormy Daniels, une ex-actrice X, pour acheter son silence en 2016. Un tel verdict, qui doit être rendu à l'unanimité, pourrait mener en prison celui qui lorgne un deuxième mandat en novembre prochain.

Pour l'accusation comme pour la défense de l'ancien locataire du Bureau ovale, la première tâche se présentant s'annonce délicate: trouver 12 personnes capables de juger en toute impartialité l'une des personnalités les plus clivantes du pays. Selon les avocats de Donald Trump, Susan Necheles et Todd Blanche, ce serait quasiment mission impossible à Manhattan, là même où leur client a bâti sa richesse et sa célébrité. Les électeurs de l'arondissement avaient ainsi voté à 86% pour Hillary Clinton en 2016 et à 84% en faveur de Joe Biden il y a quatre ans.

Des centaines de jurés potentiels

Trouver douze jurés satisfaisant les deux partis "ne sera pas tâche aisée", concède Jeremy Saland, ancien procureur de Manhattan interrogé par la BBC.

"Il n'y a personne dans ce pays qui n'a pas d'avis sur Trump dans un sens ou dans l'autre. Quant aux habitants de New York, ils ont été exposés à Donald Trump, à son père et à ses enfants depuis des générations."

Alvin Bragg, le procureur de Manhattan représentant l'accusation et en première ligne dans ce dossier, estime pour sa part "absurde pour l’accusé d’affirmer qu’il sera impossible ou irréalisable de trouver une douzaine de jurés justes et impartiaux, ainsi que des suppléants, parmi plus d’un million de personnes".

Ces douze jurés et ces suppléants, qui seront jusqu'à six, seront sélectionnés au terme d'un long processus qui pourrait s'étaler sur plus d'une semaine alors que le procès devrait durer entre six et huit semaines.

Tout a commencé par les centaines de convocations envoyées à des personnes résidant à Manhattan et qui devront se présenter au tribunal. D'après une ancienne procureur de Brooklyn, Julie Rendelman, de premiers jurés potentiels seront révoqués s'ils ne peuvent pas assister à la totalité du procès, en raison par exemple de problèmes de garde d'enfants.

Les jurés soumis à 42 questions

Le plus dur pourra alors commencer sous l'oeil attentif du juge Juan Merchan. Les personnes toujours en lice devront répondre à une série de 42 questions ayant fait l'objet de longues tractations entre accusation et avocats de Trump. Elles porteront sur leur profession ou leur éventuelle expérience préalable en tant que juré.

Mais certaines sont beaucoup plus spécifiques à cette affaire. Les jurés potentiels devront notamment répondre à la question: "Suivez-vous un compte d’une organisation ou groupe anti-Trump sur les réseaux sociaux, ou en avez-vous suivi un par le passé ?" Ils devront aussi dire s'ils ont déjà assisté à un meeting ou un événement de campagne pour Donald Trump ou s'ils soutiennent des mouvements complotistes comme la nébuleuse QAnon, le groupe suprémaciste blanc Proud Boys ou, à l'opposé du spectre, des formations antifas.

L'accusation comme les avocats de Donald Trump auront la possibilité de s'opposer à ceux qu'ils ne souhaitent pas voir faire partie du jury. Chaque camp "pourra congédier 10 jurés potentiels sans avoir à donner la moindre raison", explique l'ancienne procureure de Manhattan Diana Florence à la BBC.

En revanche, le nombre de jurés pouvant être remerciés pour une raison valable est illlimité. Des experts engagés par chaque côté devraient ainsi scruter les comptes de ces personnes sur les réseaux sociaux pour déceler les partis pris des jurés passés au peigne fin. Cela devrait permettre aussi d'identifier ceux essayant de cacher leur jeu.

Dans tous les cas, il faudra parvenir au chiffre magique de douze, quel que soit le temps que cela prendra. Le procès dans l'affaire "Le peuple de l’État de New York contre Donald Trump" pourra alors commencer.

Article original publié sur BFMTV.com