Donald Trump absent du débat des républicains: quel candidat peut en profiter?

Une déclaration tonitruante qui en chasse une autre. L'ancien président américain et actuel candidat à la Maison-Blanche Donald Trump a confirmé qu'il ne participerait pas au premier débat des primaires du Parti républicain organisé ce mercredi dans le Wisconsin. Pour la simple et bonne raison qu'il juge ne pas en avoir besoin, déjà conforté par les chiffres dans sa course à la présidentielle.

Malgré ses nombreux déboires judiciaires, le milliardaire républicain bénéficie de 62% des intentions de vote aux primaires républicaines, selon un sondage réalisé par YouGov pour le média CBS. Soit loin devant le gouverneur de Floride Ron DeSantis qui arrive en deuxième position avec 16% des intentions de vote.

Si la tendance est flagrante, les sondages ne restent que des prévisions susceptibles d'être renversées. L'absence de Donald Trump au débat peut faire bouger les lignes, en profitant à ses adversaires ou au contraire en magnifiant son image.

Ron DeSantis, en chute libre

Face à Donald Trump, douze candidats se sont lancés dans la course à l'investiture mais seulement sept d'entre eux pourront monter sur scène à Milwaukee pour tenter de convaincre les électeurs républicains.

Parmi eux, Ron DeSantis, le gouverneur du Dakota du Nord Doug Burgum, l'ancien vice-président de Donald Trump Mike Pence, son ancienne ambassadrice à l'ONU Nikki Haley, le sénateur de Caroline du Sud Tim Scott, l'homme d'affaires Vivek Ramaswamy et l'ancien gouverneur du New Jersey Chris Christie.

Pour participer au débat, il faut en effet satisfaire aux exigences du Comité national républicain: avoir au moins 1 % dans trois sondages nationaux de qualité et un minimum de 40 000 donateurs, dont 200 dans 20 États ou plus.

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis a longtemps été considéré comme le principal rival de Donald Trump mais "le ballon n'a pas pris et s'est dégonflé", commente Marie-Christine Bonzom, politologue, journaliste et spécialiste des États-Unis à BFMTV.com. L'ancien marine continue de dégringoler dans les sondages.

"On n'est qu'au début de la campagne, mais DeSantis n'est pas parvenu, pour le moment, à faire la transformation entre un politicien régional gouverneur de Floride et un homme politique qui aspire à la présidence des États-Unis, un homme politique national", souligne la journaliste qui a couvert cinq présidents américains, de George Bush père à Donald Trump.

Elle ajoute: "Dans les campagnes présidentielles américaines, il faut aller au contact des électeurs. Il va falloir qu'il serre beaucoup plus de mains, qu'il embrasse beaucoup plus de bébés et surtout qu'il arrive à traduire son message dans la vie des gens. Pour le moment, il n'y est pas parvenu."

En l'absence de Donald Trump, le débat peut toutefois être une aubaine pour le gouverneur. Il va être placé sous les feux des projecteurs: c'est contre lui que se focaliseront les attaques des autres candidats. Et il s'y prépare relève l'Associated Press. "M. DeSantis participe au moins une fois par semaine à des séances de questions-réponses liées au débat et a fait appel à Brett O'Donnell, stratège expérimenté en la matière, pour l'assister."

Dans l'Iowa, le premier État à voter pour les primaires républicaines le 15 janvier prochain, Ron DeSantis, hostile à la communauté LGBT et au droit à l'avortement, est vu comme une option envisageable par les électeurs républicains. 20 % des personnes susceptibles de participer aux caucus de l'Iowa l'ont choisi comme deuxième choix selon NBC News, suivi de Tim Scott et de Vivek Ramaswamy.

"La course pourrait être plus serrée qu'il n'y paraît à première vue", a affirmé J. Ann Selzer, la sondeuse de l'Iowa.

En 2016, cet État du nord du pays n'avait pas pardonné à Donald Trump son absence à un débat: il y avait été battu aux primaires républicaines par le sénateur texan Ted Cruz.

Vivek Ramaswamy, le "Trump 2.0"

Un autre candidat, qui participera au débat, émerge depuis quelque temps: Vivek Ramaswamy, un businessman de 38 ans qui a fait fortune dans la biophamarcie. Sans expérience politique, il a commencé à se faire connaître grâce à son livre dénonçant l'idéologie "woke" qui figure sur la liste des livres les plus vendus aux États-Unis, selon le classement du New York Times.

Celui qui s'imagine en "Trump 2.0" veut "pousser le programme de ce dernier encore plus loin". Les intentions de vote en sa faveur ne font qu'augmenter et atteignent désormais 7%.

"Il bénéficie de la dégringolade de Ron DeSantis", note Marie-Christine Bonzom.

"C'est un très bon orateur, très éloquent qui sait très bien se servir des médias. Cet ancien chef d'entreprise qui est très jeune va faire valoir son âge, soit directement soit indirectement, pour se comparer de manière positive, vis-à-vis de Trump par exemple."

Elle ajoute: "Il n'a pas véritablement une équipe de spécialistes de la politique qui pourrait le propulser très loin mais il représente quelque chose d'intéressant, il séduit au sein du parti républicain mais aussi au sein des indépendants".

Les autres candidats dans un mouchoir de poche

Le peloton se resserre ensuite entre l'élu républicain à la ligne chrétienne et conservatrice Mike Pence, le seul sénateur républicain afro-américain des États-Unis Tim Scott et la seule femme dans la course républicaine Nikki Haley.

L'ancien vice-président de Donald Trump, qui a eu du mal à récolter les donateurs nécessaires pour s'assurer une place au débat, aurait participé à plusieurs séances de préparation, dont une au cours de laquelle un ancien conseiller de campagne proche de l'ancien président jouait son rôle, écrit Associated Press. À voir si cet entraînement sera suffisant pour le faire décoller de ses 5% d'intentions de vote.

Tim Scott, quant à lui, pourrait voir en ce débat le moment fort pour lancer sa campagne. Dans Iowa, l'ultraconservateur récolte 9% des intentions de vote et 29% des électeurs républicains ne ferment pas la porte à un vote en sa faveur. Au niveau national, il est à 3%.

"Dans le camp républicain, les rivaux de Donald Trump sont écrasés par sa stature et ils sont pour le moment dans l'incapacité de se montrer crédible sur la scène nationale", affirme la spécialiste des États-Unis, qui a été l'une des rares analystes à avoir entrevu la victoire du milliardaire en 2016.

L'ancienne ambassadrice à l'ONU de 2017 à 2018 nommée par Donald Trump, Nikki Haley, a multiplié les événements de campagne dans les États où les premiers votes se dérouleront.

"Elle a un CV très solide, une ancienne gouverneure de Caroline du Sud qui a été également ambassadrice des États-Unis à l'ONU. Elle est un peu plus connue que d'autres candidats au niveau national, dans les milieux politiques à Washington et dans les médias, observe Marie-Christine Bonzom. Mais elle ne s'est pas encore connectée à quelque chose de pregnant au sein de l'électorat républicain."

Un débat qui doit voir plus loin que Donald Trump

Si les républicains sur la ligne de départ veulent profiter de l'absence de Donald Trump pour lancer une dynamique lors de ce débat, ils doivent porter une attention particulière aux attentes des électeurs. Ces derniers ne veulent pas que la discussion porte sur l'ancien président des États-Unis et ses imbroglios judiciaires. Ils attendent pour 91% d'entre eux que les candidats présentent leurs atouts plutôt que de taper sur la tête du milliardaire.

Les électeurs républicains veulent que le débat porte sur la lutte contre l'inflation (86%), la lutte contre la criminalité (83%) ou contre l'immigration illégale (81%), selon le sondage CBS News/YouGov.

"Tous ces candidats ont été interrogés non-stop" sur ses affaires, "il fera donc partie du débat, qu'il soit là ou non", a toutefois déclaré Bret Baier, l'un des deux animateurs de Fox News chargé de la modération du débat au Milwaukee Journal Sentinel.

Près de la moitié des électeurs républicains, qui envisagent de choisir quelqu'un d'autre que Donald Trump, disent attendre de voir le débat. 68% gardent leurs options ouvertes et pour quatre électeurs sur dix, le fait que l'ancien président soit "controversé" est une raison d'envisager d'autres candidats.

Les responsables du Parti républicain à Washington espèrent quant à eux voir une figure émergée, car contrairement à la base d'électeurs républicains, "ils ne veulent plus de Trump et cherchent désespérément quelqu'un d'autre" commente Marie-Christine Bonzom, qui a été en poste à Washington pendant près de trente ans.

Mais rien n'est moins sûr. La base de Donald Trump reste très solide: 99% de ses électeurs pensent que les choses étaient meilleures lorsqu'il était au pouvoir. 71% d'entre eux disent même faire davantage confiance au milliardaire qu'à leur propre famille et amis.

L'homme politique compte encore accaparer toute l'attention médiatique. Il a en effet annoncé sa comparution ce jeudi à Atlanta en Géorgie où il sera jugé prochainement pour avoir tenté d'inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020 dans cet Etat-clé. Il sera formellement en état d'arrestation mais grâce à la caution de ses avocats, il évitera la détention provisoire.

Cette saga judiciaire, décortiquée et commentée dans les moindres détails par toute la presse américaine, braque une nouvelle fois les projecteurs sur le milliardaire et place ses rivaux dans l'ombre.

Article original publié sur BFMTV.com