"On doit tenir pour nos petits": les parents de Chahinez témoignent, trois ans après le féminicide de leur fille

Chahinez Daoud, 31 ans, est morte brûlée vive par son mari avec qui elle était en train de divorcer en mai 2021, après des tirs d'arme à feu dans les jambes. Trois ans plus tard, ce sont ses parents, tous deux sexagénaires et qui vivaient en Algérie jusqu'au drame, qui s'occupent des trois enfants orphelins de leur mère.

"Il a brûlé vive notre fille et notre famille aussi. On vit avec nos souffrances, mais on doit tenir pour nos petits". Près de trois ans après la mort à 31 ans de Chahinez Daoud, tuée avec une extrême violence par son mari début mai 2021 à Mérignac (Gironde), la famille de la jeune fille prend la parole dans un article publié ce lundi 8 avril dans le journal Sud Ouest.

Le 4 mai 2021, Chahinez a été tuée par son mari Mounir Boutaa, avec qui elle était en instance de divorce. Il s'est rendu devant le domicile où la trentenaire vivait avec ses trois enfants, lui a tiré dans les jambes avec une arme à feu et lui a versé de l'essence dessus avant de mettre le feu.

Déracinés de leur "patelin" algérien

Les parents de la défunte, Djohar et Kamel Daoud, ont 64 et 68 ans. Après le meurtre de leur fille, ils sont venus s'installer en France pour pouvoir s'occuper de leurs petits-enfants, eux qui vivaient jusqu'ici dans un "patelin" d'Algérie d'où est originaire le père et où le couple vivait "au milieu de (ses) proches".

Un logement HLM leur a été attribué à Cenon, en banlieue de Bordeaux, et ils ont pu récupérer, avec la soeur aînée de Chahinez, la garde des enfants en décembre 2021. Au prix de plusieurs mois de galères administratives, entre visites médicalisées, demandes de titres de séjour et de logement.

"Chahinez souhaitait que ses enfants grandissent en France. Pour leur bonheur et par respect de sa volonté, nous les avons rejoints", explique Kamel Daoud.

Aujourd'hui, les enfants ont 15, 10 et 7 ans. "Ils aiment l’école, ont des bonnes notes et sont très attachés les uns aux autres", décrit Djohar Daoud, qui précise qu'ils continuent de consulter un psychologue. Le jour du drame, l'aîné était présent dans la maison que Mounir Boutaa, qui n'est pas son père, a tenté d'incendier après avoir tué Chahinez.

Pour la reconnaissance de la préméditation

Les parents de la victime se battent aujourd'hui pour que le meurtrier soit condamné pour "assassinat", c'est-à-dire que la dimension de préméditation soit reconnue. C'est en tout cas le terme retenu par le juge d'instruction dans son acte d'accusation devant la cour d'assises de Bordeaux, pour lequel la défense a fait appel. Le magistrat a assuré avoir des éléments permettant de corroborer la piste de la préméditation.

Selon Djohar Daoud, Mounir Boutaa "a préparé son geste durant des semaines". Et son mari de renchérir: "C'est un très bon comédien, un manipulateur. (...) Pendant des années, il a caché son vrai visage. Je ne me pardonne pas d’avoir laissé Chahinez épouser ce lâche".

Ce féminicide a rapidement pris une ampleur médiatique et politique importante, devenant le symbole du manque de protection des femmes victimes de violences conjugales. Au moment de commettre le meurtre, Mounir Boutaa était sorti de prison depuis un peu plus de quatre mois après avoir été condamné à 18 mois de prison dont 9 avec sursis pour violences conjugales. Il avait été libéré avec obligation de soins et interdiction d'entrer en contact avec sa femme.

Au cours des mois qui ont précédé le meurtre, les autorités ont multiplié les errements: plainte de Chahinez contre son mari un mois avant les faits, enregistrement par un policier lui-même condamné pour violences conjugales (radié de la police depuis), contrôle du suspect en possession d'armes à feu et de munitions trente minutes avant les faits, absence de "téléphone grave danger" ou de bracelet anti-rapprochement...

En parallèle des poursuites contre le meurtrier, la famille de Chahinez a porté plainte contre l'État pour faute lourde et afin de faire reconnaître "les dysfonctionnements des services publics de la justice" en matière de protection des femmes victimes ou menacées de violences.

Article original publié sur BFMTV.com