Documentaire : « Casa Susanna » sur Arte.tv rappelle que les questions de genre n’ont rien de nouveau

« Casa Susanna » est à regarder sur Arte.tv.
« Casa Susanna » est à regarder sur Arte.tv.

LGBT+ - Un récit gardé secret, aujourd’hui dépoussiéré. Depuis le début du mois de juin (et jusqu’à la mi-octobre), Arte vous invite à visiter la Casa Susanna, titre du dernier documentaire de Sébastien Lifshitz (Petite fille, Adolescentes) donné en référence à l’histoire fascinante d’une vieille bâtisse isolée de l’État de New York.

La « Casa Susanna », c’est le nom donné à une maison qui, dans l’Amérique puritaine des années 1950 et 1960, a hébergé une petite communauté de travestis.

Pas de robes sexy, de plumes ou de maquillage exagéré… Une fois les volets fermés, ces gens venaient y passer quelques jours - parfois aux côtés de leur épouse - dans des vêtements de femme au foyer bourgeoise. Malgré cette identité féminine à première vue désuète, Susanna, la maîtresse de maison, et ses amies ont transgressé les règles et les conventions de leur temps, se travestir étant à cette époque considéré comme un délit.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce :

Ensemble et au gré de leurs réunions clandestines pendant dix ans, elles se sont construit une identité de groupe unique et ont bâti un lieu à part dans lequel elles ont pu découvrir, expérimenter, et vivre librement leur identité féminine.

340 photos

Parmi elles, Kate et Diana, deux de ses membres. Près de soixante ans plus tard, Sébastien Lifshitz a rencontré ces deux femmes que la « Casa Susanna » a aidées dans l’acceptation, puis l’embrassement de leur transidentité. Loin des précédents documentaires du cinéaste (à qui l’on reproche parfois de scénariser ses récits), Casa Susanna frappe par l’humilité de sa mise en scène : des témoignages d’émancipation sensibles face caméra sur fond de photographies d’archive.

Ce film est né de la découverte par deux antiquaires américains, en 2004, de ces 340 clichés sur un marché aux puces de New York. Jusqu’au 24 septembre 2023, ils sont pour une petite poignée d’entre eux exposés dans le cadre du festival des Rencontres de la photographie d’Arles.

Le documentaire de Sébastien Lifshitz, qui a travaillé avec l’historienne Isabelle Bonnet pour retrouver les traces de cette histoire, donne vie à ces albums souvenirs. « Aujourd’hui, on parle de plus en plus des questions d’identités de genre, déclare le réalisateur dans une interview pour le CNC. On a le sentiment qu’elles sont récentes alors qu’elles existent depuis la nuit des temps. »

Il poursuit : « Des individus y ont été confrontés bien avant. Ils ont pris beaucoup de risques pour faire valoir leur identité, et faire évoluer les mentalités à une époque où la société leur était complètement hostile. La discrétion, voire la clandestinité, était obligatoire. Il me semble important de reconstruire cette mémoire qui a été effacée. »

Katherine Cummings, figure militante marquante

Il lui a fallu une année pour réaliser Casa Susanna et prendre le temps de rencontrer ses témoins. « Cette histoire, explique Sébastien Lifshitz, avait été trop longtemps enfouie, et ils étaient prêts et excités à l’idée de pouvoir la partager. »

Elle a marqué les occupantes de la maison. « Ce n’est pas que le besoin devenait plus fort, mais le temps passait, se souvient avec émotion Katherine Cummings, surnommée Kate dans le documentaire. Je savais que la part de ma vie qu’il me restait à vivre comme femme diminuait par rapport à la vie déjà vécue en tant qu’homme. La pression montait. Je voulais me travestir de plus en plus, me travestir plus librement. Je trouvais que j’avais passé un tiers de la vie à être la personne que mes parents voulaient que je sois, un autre tiers celle que ma femme voulait que je sois. »

Katherine Cummings, ici dans « Casa Susanna » de Sébastien Lifshitz.
Katherine Cummings, ici dans « Casa Susanna » de Sébastien Lifshitz.

Le travestissement ne pouvait plus durer : « Je voulais du temps pour devenir celle que je voulais être. Peut-être que j’allais devoir casser mon mariage ou bien me tuer. » Kate a fini par faire son coming out trans à son épouse et ses enfants, avant de commencer une chirurgie de réassignation sexuelle. Un soulagement.

« Pour la première fois de ma vie, j’étais enfin quelqu’un », confie-t-elle à Sébastien Lifshitz. Décédée en janvier dernier, Katherine Cummings était devenue une militante notoire dans les droits des personnes trans aux États-Unis. Ce documentaire est dédié à sa mémoire, pour ne jamais l’oublier, elle ni toutes ses colocataires de la « Casa Susanna ».

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