Dissolution de l'Assemblée: une union de la gauche aux législatives est-elle possible?

Un rassemblement de la gauche aux élections législatives anticipées? Tous est possible à entendre ses potentiels artisans ce lundi 10 juin. Qui serait prêt à se prononcer ouvertement contre après la percée de l'extrême droite aux élections européennes ce dimanche, suivie d'une dissolution de l'Assemblée nationale? Personne ne souhaite endosser une telle responsabilité.

En revanche, tout le monde veut faire l'unité à ses conditions, ce qui met le doute sur sa réalisation ou la forme qu'elle prendrait, sans qu'aucun scénario ne soit écarté pour l'heure. Les uns veulent bousculer le rapport de force issu de la Nupes, elle-même créée lors des législatives 2022, après que Jean-Luc Mélenchon a largement devancé ses concurrents de gauche à la présidentielle. Les autres souhaitent conserver les acquis de cette alliance.

Un rapport de force "qui a évolué"

Parmi les premiers, on compte surtout les socialistes, qui disposent d'un argument de poids: Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique aux élections européennes, a terminé le scrutin à 13,83% des voix, devant LFI portée par Manon Aubry (9,89%), Les Écologistes de Marie Toussaint (5,50%) et la liste communiste de Léon Deffontaines (2,36%).

"Il y a un rapport de force qui ce soir, je crois, a évolué et qui devrait permettre à chacun de réfléchir aux meilleures conditions pour un rassemblement", a déclaré le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, ce dimanche sur France 2.

Comprendre: les roses ne veulent pas ressortir du placard la Nupes, après qu'elle a volé en éclats à la suite des attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre, qui ont été le désaccord de trop entre les insoumis et le reste de leurs collègues.

"Voyons-nous rapidemment"

Les socialistes, rejoints par les communistes et les écologistes, avaient notamment dénoncé la "méthode Mélenchon", lui reprochant un poids trop important dans l'orientation des décisions de la Nupes. Olivier Faure ne ferme pas pour autant la porte à une alliance avec les Insoumis, d'autant que certains appellent clairement à l'unité.

Raphaël Glucksmann, lui, souhaite "tendre la main à tous les électeurs de gauche, à tous les démocrates de combat." "Mais ce sera sur une ligne sociale écologique, démocratique et proeuropéenne" et "sans outrances, ni violences", a-t-il ajouté sur France 2, après une campagne marquée par les tensions avec les insoumis.

Écologistes et communistes veulent eux aussi prendre leur part. La secrétaire nationale des écolos, Marine Tondelier, a appelé ce dimanche "tous les chefs de parti progressistes à se réunir" lundi matin, sans que l'on sache si les insoumis font partie des concernés.

"Voyons-nous rapidement, travaillons ensemble", a également plaidé Fabien Roussel - connu pour ne pas être le premier fan de la Nupes- sur France 2, prônant un "pacte pour la France". L'union "ne se fera pas derrière Jean-Luc Mélenchon, elle se fera autour d'un programme et d'un projet", a ensuite jugé la tête de liste Léon Deffontaines sur CNews.

LFI appelle à l'union sur la base du programme de 2022

Ce dernier, justement, a un avis bien arrêté sur la question. "Sur quelle base? Pour quoi faire?", a fait mine de s'interroger le leader de LFI depuis Stalingrad à Paris où il avait réuni ses partisans après l'annonce des résultats. L'ancien candidat à la présidentielle a ensuite demandé "maintenant l'Union. Urgente, forte, claire", ce lundi matin sur X.

LFI a également repartagé dans la nuit son programme commun, celui de la Nupes, qui reprend surtout des propositions insoumises: comme la retraite à 60 ans ou la sortie du nucléaire, sujets sur lesquels les socialistes ou les communistes ne sont pas parfaitement alignés avec leurs collègues insoumis.

Les insoumis poussent pour que le programme partagé de 2022 serve de base à un éventuel accord pour mieux s'assurer que la ligne politique soit de gauche radicale. "Nous n'avons pas le temps de tout reprendre à partir d'une feuille blanche. Nous avons eu une stratégie, un programme qui a fonctionné. Au premier tour, nous étions devant le Rassemblement national", a souligné Manon Aubry sur BFMTV ce lundi. Jean-Luc Mélenchon, lui, a averti: "Malheur à nous si nous recommencions à dissimuler la moitié du programme pour ne pas faire peur."

LFI conteste donc tout changement de rapport de force, du moins sur le fond, pour l'instant. Ils ne considèrent pas leur score de dimanche comme une défaite, après avoir fait évoluer leur de 6,31% aux européennes de 2019 à 9,89%. "Nous avons consolidé notre socle", considère auprès de l'AFP le député Paul Vannier, responsable des élections au sein de la machine insoumise.

Par ailleurs, les insoumis se gardent bien de porter toute responsabilité dans un éventuel échec d'union de la gauche. Ses élus rappellent à l'envie leur proposition d'une liste unie aux européennes avec à sa tête une personnalité issue des rangs écologistes.

Ils devraient faire entendre leurs arguments à leurs partenaires de gauche ce lundi après-midi, lors de la rencontre proposée par Mathilde Panot, cheffe des députés LFI et Manuel Bompard, coordinateur du mouvement, à laquelle Fabien Roussel, Olivier Faure et Marine Tondelier participent.

"Front populaire"

Reste un dernier élément dans l'équation: les "frondeurs" de LFI, qui appellent clairement à l'unité face au danger de l'extrême droite. Parmi eux, François Ruffin a plaidé ce dimanche pour un "front populaire", en référence à la coalition qui avait permis à la gauche de l'emporter en 1936.

D'autres Insoumis "frondeurs" comme Clémentine Autain ou Raquel Garrido ont lancé des appels similaires. Ces personnalités insoumises sont jugées plus compatibles que la direction du mouvement par les autres partis de gauche. Que feront-elles si la direction de LFI et les autres partis de gauche ne parviennent pas à un accord?

Article original publié sur BFMTV.com