"Devenir enfin moi-même", le manga qui raconte avec humour la transition de genre au Japon

Raconter sa transition de genre et sa chirurgie de réassignation sexuelle dans un pays aussi conservateur que le Japon: telle est l'ambition du manga autobiographique Devenir enfin moi-même de la dessinatrice Yuna Hirasawa, disponible depuis le 17 avril aux éditions Glénat. Un phénomène rare en manga - une industrie où les auteurs et les autrices travaillent le plus souvent sous pseudonyme et sans dévoiler leur visage.

Alors que les auteurs trans prennent de plus en plus la parole en BD, et que les personnages trans se généralisent, ce manga est né presque par hasard, confie à BFMTV Yuna Hirasawa: "Avant de subir mon opération, j'avais envie de devenir mangaka. Lorsque j'ai décidé de garder une trace écrite de ce que j'avais vécu, il m'a paru normal de le faire sous la forme d’un manga puisque c'était le métier auquel je me destinais."

"J'avais une trentaine de pages de manga dans lesquelles je racontais déjà mon expérience", poursuit l'autrice, qui s'est fait opérer en Thaïlande dans les années 2010. "Quand je les ai montrées à un éditeur, ça l'a intéressé. Il m'a proposé de les allonger pour en faire une série. Je n'avais pas prévu ça comme ça! Je me suis dit que c'était une opportunité à saisir pour raconter ce qui m'était arrivé de manière factuelle."

Humour pince-sans-rire

Devenir enfin moi-même raconte en détail, sur une centaine de pages, chaque étape de la chirurgie de réassignation sexuelle. Le tout avec un humour pince-sans-rire ravageur. "Le manga autobiographique nécessite une approche beaucoup plus simple que le manga de fantasy", confie la dessinatrice qui s'est depuis fait connaître avec le manga de SF Terrarium. "Il fallait que j’adopte une narration plus simple, plus facile."

Dans une page mémorable, Yuna Hirasawa explique ainsi une génitoplastie (chirurgie plastique des organes génitaux) en s'appuyant sur l'image d'une saucisse, d'un bloc de tofu et d'un sac en feuilles de tofu avec deux œufs de caille glissés à l'intérieur. "C'est encore plus obscène", concède l'autrice dans son récit, tout en précisant que "ce n'est absolument pas représentatif" de la véritable opération.

"Les gens croient souvent, à tort, qu'il s'agit simplement de tout trancher d'un coup", y détaille-t-elle. "Il existe plusieurs techniques, mais le principe est toujours d'utiliser les organes existants pour fabriquer un appareil génital féminin." Des propos rares au Japon alors que l'archipel vient tout juste de juger inconstitutionnelle l'obligation de stérilisation pour les personnes trans demandant un changement d’état civil.

"Un rejet"

La publication japonaise de Devenir enfin moi-même, en 2016, s'était malgré tout réalisée dans le plus grand respect, se souvient Yuna Hirasawa. "À l’époque, l'éditeur qui était en charge de mon manga s'est vraiment beaucoup renseigné sur les personnes LGBTQIA+. On avait travaillé ensemble pour savoir jusqu'à quel niveau de précision il fallait donner des informations."

Mais la puissante maison d'édition Kodansha, qui publie les best-sellers L'Attaque des titans et Fairy Tail mais aussi Devenir enfin moi-même, lui a néanmoins demandé des ajustements pour plaire au plus grand nombre: "Lors de la dernière étape du processus de publication, il y a eu un rejet. Quand on arrivait à cette étape-là, il y avait des petites modifications à apporter. J'avoue que ce n'était pas toujours facile à vivre."

Cinq ans plus tard, Yuna Hirasawa s'est imposée comme une autrice à suivre en SF et en fantasy. Celle qui vient aussi de publier en France Luca, vétérinaire draconique est fière du chemin parcouru depuis Devenir enfin moi-même. "J'étais très nulle en dessin! En cinq ans, entre ma première œuvre et ma dernière, j'ai beaucoup progressé. Je le vois comme un encouragement pour tous ceux qui veulent devenir dessinateur."

Article original publié sur BFMTV.com