Derrière le Dry January, les ambiguïtés de Macron et du gouvernement sur la consommation d’alcool

POLITIQUE - « C’est que de la picole en fait… » En septembre dernier, Christophe Dechavanne s’était montré surpris face aux réponses de Gérald Darmanin sur le plateau de l’émission Quelle Époque, sur France 2. Invité à poser des questions à certaines personnalités - absentes du plateau - le ministre de l’intérieur avait en l’occurrence fait étalage de son goût pour l’alcool.

À l’adresse d’Emmanuel Macron ? « Est-ce que vous viendrez dans mon bar à vin ? » Édouard Philippe ? « J’espère que tu te rappelles que c’est toi qui nous dois la prochaine bière. » Bruno Le Maire ? « Bruno aime beaucoup le vin et la bière également. »

Comme le ministre de l’Intérieur, les responsables politiques sont rarement avares de mots lorsqu’il s’agit de parler verre de rouge ou petite mousse, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête de l’article. Même pour le Dry January, Clément Beaune n’a pu s’empêcher de se plaindre, avec humour, de cette sobriété choisie, publiant sur les réseaux sociaux une photo d’un verre de vin rempli de soda. Avec la mention : « Ça va être long ».

Les addictologues veulent le soutien de l’État

Le reflet d’une certaine ambiguïté, dénoncée par les addictologues et les professionnels de santé. De fait, ce Dry January - une campagne francisée en « janvier sobre » et censée inciter à l’abstinence d’alcool durant le mois suivant les fêtes - revient en ce début 2024, sans le soutien du gouvernement ni des agences de santé publique. Au grand dam des spécialistes.

Dans une tribune publiée ce mercredi 3 janvier dans les colonnes du Monde, un collectif de membres de la Société française de Santé publique réclame, au contraire, « un soutien affirmé des pouvoirs publics. » Le but ? Mener une politique « cohérente et déterminée sur l’alcool, à la hauteur des enjeux, et qui vise notamment à changer l’image de ce produit. » À l’instar de la stratégie antitabac, développée avec succès depuis des décennies.

Au contraire, le gouvernement, au-delà des bons mots et des toasts d’usage, est accusé de ne pas se saisir du problème et de laisser de côté des enjeux sanitaires cruciaux, soulignés étude après étude. La consommation d’alcool est en effet responsable, directement ou indirectement, de plus d’une soixantaine de maladies. Elle est la première cause d’hospitalisation et la deuxième cause de mortalité évitable en France (après le tabac) avec environ 49 000 décès par an.

À l’automne dernier, des addictologues évoquaient déjà une confiance « sérieusement altérée » quant à la volonté du gouvernement d’agir, dans une lettre envoyée au ministre de la Santé de l’époque, Aurélien Rousseau, et dévoilée par Le Parisien.

Macron, premier influenceur alcool ?

Quelques semaines auparavant, un spot prévu en marge de la Coupe du monde de rugby en France pour prôner une consommation d’alcool raisonnée était finalement resté dans les cartons. Dans cette vidéo, un coach lançait à des supporters : « Ne laissez pas l’alcool vous mettre KO. » Il n’a jamais été diffusé. À la place, c’est une publicité au message moins-disant qui a été choisie. Elle incitait à « boire aussi de l’eau » quand on consomme de l’alcool.

Derrière ces renoncements critiqués par les professionnels de santé, le président de la République Emmanuel Macron est régulièrement accusé de complaisance avec la filière viticole, lui qui a reçu avec plaisir le prix de « personnalité de l’année 2022 » des mains de la Revue du vin de France pour « son engagement en faveur du vin et de sa culture ».

Ceci, quand il n’encourage pas, lui-même, la consommation en se laissant filmer un verre ou une bouteille à la main. Outre les traditionnelles dégustations du salon de l’agriculture, on se souvient par exemple de cette scène, au Stade de France en juin dernier, quand le chef de l’État avait bu une « Corona » d’une traite dans les vestiaires pour fêter la victoire du Stade toulousain en finale du Top 14, le championnat de France de rugby.

L’image avait fait le tour des réseaux sociaux, certains dans la classe politique ou chez les professionnels de santé critiquant une forme d’encouragement au « binge drinking », soit la consommation massive et rapide d’alcool. Ou le cul- sec dans la langue de Molière.

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