Depuis le 7 octobre, le socialiste Jérôme Guedj pris entre deux feux

Le député du Parti socialiste Jérôme Guedj à l'Assemblée nationale à Paris, le 21 novembre 2022 (Geoffroy VAN DER HASSELT)
Le député du Parti socialiste Jérôme Guedj à l'Assemblée nationale à Paris, le 21 novembre 2022 (Geoffroy VAN DER HASSELT)

Jérôme Guedj l'avoue sans ambages: il a "le cul entre deux chaises". D'un côté, quand il participe à des rassemblements pour la libération des otages israéliens, il est hué, en tant qu'élu de gauche. De l'autre, les Insoumis ont fait de lui leur "punching-ball" depuis le 7 octobre.

Le député socialiste de l'Essonne, 52 ans, est un ancien protégé de Jean-Luc Mélenchon - de 20 ans son ainé - quand ce dernier était socialiste.

L'ancien candidat à la présidentielle aime à raconter comment, quand il était ministre délégué à l'Enseignement professionnel, le jeune Jérôme Guedj révisait les concours de l'ENA dans son bureau, où il entrait sans frapper.

En 2008, quand Jean-Luc Mélenchon quitte le PS pour fonder le Parti de gauche, les deux hommes perdent le contact pour les 15 années suivantes.

Avant de se retrouver brièvement avec l'alliance de gauche Nupes. Puis de rompre définitivement après les attaques du 7 octobre en Israël, quand les Insoumis refusent de désigner le Hamas comme "terroriste", Jérôme Guedj les qualifiant alors d'"idiots utiles" du mouvement islamiste palestinien.

Sur la situation au Proche-Orient, il rappelle qu'il s'est rendu à Gaza en 2009 et développe sa position, en contradiction avec la ligne insoumise: "Je récuse les termes d'+Etat colonial+, d+'apartheid+ et de +génocide+ parce que trois points, ça fait une ligne et si on laisse s'installer durablement ces termes, après, c'est la question même de la légitimité de l'Etat d'Israël qui est posée".

Depuis l'automne, les Insoumis lui en veulent. Ils l'accusent notamment d'avoir été à l'origine de la double annulation d'une conférence sur le Proche-Orient que leur leader devait donner à Lille en avril.

Ce dernier l'a même qualifié de "lâche de cette variété humaine que l'on connaît tous, les délateurs, ceux qui aiment aller susurrer à l'oreille du maître".

"L'intéressant est de le voir s'agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions", a-t-il ajouté.

"Quelles sont mes adhésions? Est-ce que c'est parce que je suis socialiste, parce que je suis républicain, parce que je suis...", interroge Jérôme Guedj, sans finir sa phrase.

Dans son entourage, assure-t-il, certaines personnes voient ces attaques comme antisémites.

"Moi je ne veux pas le voir parce que ça vient percuter trop d'histoires communes", dit-il: "Le pire c'est l'ambiguïté".

Sur X, le député a fustigé "la fange où se complaît désormais" Jean-Luc Mélenchon, qui l'a accusé de "renier les principes les plus constants de la gauche du judaïsme en France".

- "Banquette" entre deux chaises -

Sur son rapport à sa "judéité" (et non son "judaïsme" précise-t-il), Jérôme Guedj dit avoir toujours refusé d'"être le juif de service" ou d'être "essentialisé".

"Il n'y a rien de juif en moi dans les positions que j'exprime", explique-t-il, se définissant "comme Français d'abord, républicain, de gauche, et socialiste", même s'il reconnaît avoir vécu les attaques du 7 octobre "dans (sa) chair".

"Il y a plein d'endroits où j'ai entendu ça, y compris dans ma propre famille politique: +Jérôme, il réagit comme ça parce qu'il est juif+", regrette-t-il.

De sa famille socialiste justement, il constate avoir "connu des soutiens plus tonitruants" en cette période "peu confortable".

Car Jérôme Guedj n'est pas attaqué seulement sur sa gauche.

Lors d'un rassemblement au Trocadéro en soutien aux otages israéliens, six mois après le 7 octobre, où il était le seul représentant de gauche, il se fait copieusement siffler par la foule et invectiver par le député Meyer Habib.

"Pour les gens qui sont là, qui sont plus des gens de droite et d'extrême droite, un mec de gauche est infréquentable parce qu'il est directement ou indirectement lié aux Insoumis", déplore-t-il.

"Ils voudraient que je me verse un tombereau de cendres sur la tête et que je dise +la gauche c'est mal+".

Mais s'il estime s'être "trompé" sur le rôle que Jean-Luc Mélenchon aurait pu jouer dans le rassemblement des gauches, Jérôme Guedj dit ne pas vouloir "jeter le bébé avec l'eau du bain". Marqué à la gauche du PS, il demeure "attaché au programme de rupture écologique et sociale".

Et, entre les deux chaises au-dessus desquelles il est inconfortablement assis, il y a "une banquette", assure-t-il: "le courage de la nuance, qui n'est pas un positionnement mou".

Puis le secrétaire national à la laïcité du PS développe: "Vous pouvez être authentiquement de gauche et totalement clean, et même pro-actif, sur les questions républicaines et sur les questions de laïcité".

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