A Notre-Dame-des-Landes, conflits d'usage sur l'ancienne ZAD

Saskia, une habitante de la ZAD, à Notre-dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, le 20 mars 2024 (LOIC VENANCE)
Saskia, une habitante de la ZAD, à Notre-dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, le 20 mars 2024 (LOIC VENANCE)

Six ans après l'évacuation de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, Amalia Mazzilli fait partie des zadistes qui ne sont jamais partis. Elle élève moutons et abeilles au bout d'une petite route, dans une ferme irrégulière.

Elle et son compagnon s'étaient installés en 2014 sur ce terrain encadré de verdure alors au coeur de la ZAD, convaincus de l'"absurdité environnementale" du projet d'aéroport, né au début des années 1960, relancé 40 ans plus tard et finalement abandonné début 2018.

S'ils ont depuis souscrit un bail rural pour la location des prairies auprès du Département - désormais propriétaire de la majorité des terres de l'ancienne ZAD - les deux bâtiments d'exploitation construits à l'époque, hangars en tôle et bois, n'ont pas reçu de permis de construire.

"On en a demandé plusieurs a posteriori, refusés par la commune. Pour l'instant, on n'a pas de permis parce que pas de raccordement à l'eau courante et pas de raccordement sans permis de construire", raconte la jeune femme de 31 ans, un oeil sur son fils de quatre ans qui zigzague dans l'herbe, sur un vélo à roulettes.

Entre 150 et 200 personnes habitent toujours sur l'ancienne zone à défendre, six ans après l'évacuation d'avril 2018.

Parmi eux, de nombreux zadistes historiques devenus agriculteurs "dans les clous", d'autres qui tentent de régulariser leurs exploitations, mais aussi des artisans, des ouvriers, des jeunes arrivés après l'abandon du projet, vivant pour la plupart dans une trentaine de lieux de vie collectifs, mêlant bâti, ateliers, maisons en bois et caravanes.

"Les habitants sont ancrés ici, que leurs activités soient ou non régularisées", raconte Nicolas, 46 ans, habitant de la ZAD depuis 2012. "Il y a un sentiment d'attachement profond, aux terres défendues pendant des années, aux habitants des environs, aux projets artisanaux ou culturels en cours, aux lieux bâtis ou restaurés."

Fin 2023, les maires de Notre-Dame-des-Landes et de la commune voisine de Vigneux-de-Bretagne ont été reçus au ministère de l'Intérieur pour évoquer la situation de zadistes établis sans bail ni permis de construire.

Les deux maires s'exaspèrent des "nouveaux arrivants n'ayant aucun projet agricole" installés selon eux sur la ZAD ces dernières années, et évoquent des "incivilités", des camps de caravanes et des raccordements électriques illicites.

- Plan d'urbanisme "strict" -

"Il n'y a pas de sujet sur les agriculteurs déclarés. La question ce sont les personnes installées illégalement, notamment sur des terrains classés agricoles ou naturels", affirme à l'AFP Gwënola Franco, maire de Vigneux-de-Bretagne, qui a déjà engagé une procédure judiciaire à l'encontre d'une "construction illicite". "Le PLUI (plan local d'urbanisme intercommunal) est strict et cela vaut pour tout le monde", insiste-t-elle.

Hors des bourgs, la quasi-totalité du territoire de l'ancienne ZAD - bocage et forêts verdoyants, préservés pendant un demi-siècle en prévision du projet d'aéroport - est aujourd'hui classé dans l'une des deux catégories (zone agricole ou zone naturelle), rappelle Jean-Paul Naud, maire de Notre-Dame-des-Landes.

"Il est hors de question d'y autoriser des habitations. C'est un sujet administratif, pas politique", ajoute-il.

Pour Jean-Baptiste Fourmont, ancien zadiste de 44 ans, établi dans une ferme désormais régularisée à Grandchamps-des-Fontaines, "certains pensent que les agriculteurs sont gentils et que les autres sont des squatteurs: ce n'est pas notre vision de la ruralité".

"Le dialogue est plus ou moins facile selon les communes", ajoute-il, assis sur une chaise de jardin, une poule rousse sur les genoux.

De son côté, le département se fixe pour objectif de régulariser le plus de situations possibles. "On parle évidemment des personnes ayant une raison d'être là, une activité, pas les squats", précise Jean-Luc Séchet, vice-président du conseil départemental.

Début février, le préfet de Loire-Atlantique a à son tour reçu les maires de Notre-Dame-des-Landes et Vigneux. "Cette réunion a été l'occasion de revenir sur la situation foncière des différentes parcelles et de rappeler l'engagement de l'État, notamment de la gendarmerie, sur l'ensemble du périmètre", a déclaré la préfecture à l'AFP.

Pour le moment, "il y a un statu quo", explique Amalia Mazzili. "Mais l'avenir sur la ZAD est encore incertain."

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