Quel est le rôle du nouveau leader de Daesh ?

Le successeur d'al-Baghdadi à la tête de Daesh serait Amir Mohamad Abdel Rahmane Al-Maoula Al-Salbi, membre historique de l'organisation.
Le successeur d'al-Baghdadi à la tête de Daesh serait Amir Mohamad Abdel Rahmane Al-Maoula Al-Salbi, membre historique de l'organisation.

L’ancien leader de Daesh, al-Baghdadi, a été tué en octobre dernier. Il aurait depuis été remplacé par l’un des fondateurs du mouvement, Amir Mohamad Abdel Rahmane al-Maoula al-Salbi.

En octobre dernier, Abou Bakr al-Baghdadi, leader de l’organisation État islamique, est mort lors d’une opération américaine. Peu de temps après, Daesh reconnaissait officiellement cette perte et présentait son nouveau “calife des musulmans” : un certain Abou Ibrahim al-Hachemi al-Qourachi. Rapidement, les analystes se sont étonnés de l’apparition de cet inconnu au plus au niveau de la hiérarchie de l’EI.

Selon The Guardian, qui s’est procuré des informations auprès de deux services de renseignement, le nouveau leader serait en réalité Amir Mohamad Abdel Rahmane al-Maoula al-Salbi et il aurait été nommé très rapidement après la mort d’al-Baghdadi. Le nom initialement fourni n’aurait été qu’un nom de guerre.

Une diversion

“Une hypothèse fort possible”, selon Adel Bakawan, directeur du Centre de Sociologie de l’Irak et membre de l’iReMMO (Institut de recherches et d’études Méditerranée Moyen-Orient), qui rappelle bien qu’il n’y a, pour l’heure, aucune information officielle sur le sujet.

“On est dans un contexte où l’État Islamique a perdu du territoire, il est poursuivi par la coalition internationale, il doit aussi faire face au retour de force de Bagdad, d’Erbil [au nord de l’Irak, ndlr], de la Turquie, de Moscou… il se sent fragilisé”, détaille le sociologue. “La diversion est donc l’une des méthodes pour ne pas faire identifier et exposer ses cibles majeures”, poursuit-il.

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Bien connu au sein de l’EI

Contrairement au nom initialement dévoilé par Daesh, Amir Mohamad Abdel Rahmane al-Maoula al-Salbi est loin d’être un inconnu : il est décrit comme l’un des fondateurs du groupe. “Il est passé par toutes les phases organisationnelles de la mouvance. Il est connu et reconnu par les cadres” de l’EI, nous précise Adel Bakawan, “c’est un ‘enfant’ légitime”. C’était aussi un proche parmi les proches de son prédécesseur al-Baghdadi.

Il doit sans doute également sa nouvelle position supposée au sein de Daesh à sa formation à la faculté théologique de Mossoul, qui lui permet “aux niveaux des sciences islamiques, de devenir un imam, de prêcher, d’émettre des fatwas”, commente le directeur du Centre de Sociologie de l’Irak.

Des changements à venir ?

La particularité d’al-Maoula al-Salbi, c’est qu’il vient d’une famille de Turkmènes d’Irak. “C’est la première fois de l’histoire de la mouvance jihadiste en Irak qu’un non-Arabe prend la tête d’une organisation aussi importante”, souligne le sociologue.

À quoi faut-il s’attendre avec ce nouveau leader ? “Il n’y aura pas forcément de tournant dans la stratégie de l’État islamique”, estime Adel Bakawan, “il y aura sans doute une réorganisation au niveau de la lutte armée”, mais elle est moins due au changement de personnalité qu’au contexte géopolitique et à la perte de territoire de Daesh.

D’ailleurs, pour Amélie Myriam Chelly, chercheur associée au Cadis (centre d’analyse et d’intervention sociologiques) et auteure de En attendant le paradis, outre “sa représentativité et son aura”, al-Maoula al-Salbi bénéficie aussi certainement d’une capacité “d’adaptation aux circonstances, à la réalité du monde”.

Fixer les grandes stratégies

Malgré ses atouts pour prendre la tête de l’organisation, le leader présumé devra tout de même “faire ses preuves, sinon il sera rapidement contesté”, précise Adel Bakawan. Il doit notamment “démontrer sa solidité, fédérer en interne et en externe, notamment les organismes qui se revendiquent du jihadisme”, poursuit-il.

Ce n’est pas son seul rôle. Selon les données récoltées sur place, il ne sera pas “en mesure de donner des ordres”. Les grands chefs jihadistes “sont tellement poursuivis et recherchés qu’ils ne peuvent pas se permettre de rentrer dans les détails, en revanche ils peuvent fixer les grandes stratégies”, nous détaille Adel Bakawan. Il a aussi “un rôle de représentation”, selon Amélie M. Chelly : “il est l’incarnation d’un idéal utopique pour le califat”. Pour l’heure, l’État islamique n’a pas encore confirmé la véritable identité de son leader.

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