Déserts médicaux : l’Université de Poitiers offre des rendez-vous dentaires à ses étudiants

Face aux difficultés d’accès aux soins que rencontrent les étudiants, l’Université de Poitiers a décidé de proposer, avec l’aide d’une association, des rendez-vous gratuits chez le dentiste.
Tunvarat Pruksachat / Getty Images Face aux difficultés d’accès aux soins que rencontrent les étudiants, l’Université de Poitiers a décidé de proposer, avec l’aide d’une association, des rendez-vous gratuits chez le dentiste.

DÉSERTS MÉDICAUX - Une réponse nécessaire à une situation édifiante. Alors que la question des déserts médicaux ne cesse de revenir dans l’actualité, et que les Français font face à de criantes inégalités en termes d’accès aux soins en fonction de leur lieu de vie, l’Université de Poitiers a récemment inauguré un cabinet dentaire gratuit à destination de ses étudiants. Une manière de « lutter contre le renoncement aux soins » et une première en France, se félicite l’établissement.

Installé au sein du Service de santé étudiante et réservé aux élèves précaires et isolés, le cabinet est le fruit d’une succession de bonnes volontés. Notamment celle des praticiens bénévoles d’Aosis, une association fondée en 2009 dans le but d’aller au-devant des personnes manquant d’accès aux soins dentaires. Comme le raconte l’antenne locale de France Bleu, trois chirurgiens-dentistes retraités assurent des permanences une fois par semaine. Une opération financée par l’Université auprès de l’association à hauteur de 300 euros par permanence.

Une orientation vers d’autres médecins en cas de besoin

Le cabinet dentaire, moderne et qui a nécessité des travaux et un achat de matériel, a été installé sur le campus de Poitiers, dans le Service de santé étudiante. Il a été financé pour environ 400 000 euros par l’université (en partie grâce à la taxe que paient les étudiants non-boursiers) et 60 000 euros par le conseil de vie étudiante. La caisse primaire d’assurance maladie départementale a fourni le fauteuil de soins.

« On fait du dépistage, de la prévention et des soins d’urgence », a expliqué le docteur Catherine Jazat lors de l’inauguration des lieux. « Si des soins de suite sont nécessaires, on oriente alors le patient vers un dentiste libéral. » Au total, une dizaine de praticiens du département de la Vienne ont accepté de recevoir gratuitement les étudiants concernés, à raison d’une heure dédiée par semaine. La CPAM devrait les indemniser.

Et c’est peu dire que l’initiative, saluée auprès de l’AFP ce mardi 19 décembre par le ministère de l’Enseignement supérieur, rencontre son public. À France Bleu, Catherine Jazat explique que son planning affiche complet jusqu’au mois de février. Ce qui la pousse à suivre son « serment » et à faire quelques heures sup’ pour les étudiants qui en ont besoin.

Un département en manque de dentistes

L’accès aux soins dentaires est particulièrement difficile dans le département, avec en moyenne « 42,1 dentistes pour 100 000 habitants, alors qu’on est à 64 au niveau national », relève le président du conseil de l’ordre des médecins de la Vienne Jean-Jacques Lauzin. « Il nous faudrait 272 dentistes, nous en avons 190. » Il n’en reste pas moins que cet effectif pourrait permettre d’aider encore davantage les étudiants de l’Université. « Si chacun donnait une heure de son temps par semaine, on serait à 180 heures par semaine. Ce qui serait énorme », explique à France Bleu Nemat Jaafari, psychiatre et actuel vice-président de l’université de Poitiers chargé de la santé et de la précarité étudiante.

Car le sujet est loin d’être anodin : en 2020, une étude menée par la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) estimait que 40 % des étudiants avaient déjà dû renoncer à des soins de santé, dont près de la moitié pour des raisons financières. Un nombre que ne viendra pas grossir Emerick, étudiant de 24 ans, qui raconte à l’AFP avoir pris rendez-vous en raison d’une « gêne à une dent ». « C’est vraiment une facilité. Je viens de Guyane, je ne suis pas suivi médicalement ici et je n’arrivais pas à avoir un rendez-vous. En fait j’ai une carie, le dentiste l’a grattée ce matin, il faudra que je revienne en janvier pour la suite parce que les consultations ne durent qu’une demi-heure. » Déjà un début. Et un luxe, par rapport à nombre de ses confrères étudiants.

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