Démission de Liz Truss : Son mandat était-il maudit dès le départ ?

Liz Truss, ici le 5 octobre lors à Birmingham, a passé 43 jours difficiles à Downing Street.
Jeff J Mitchell / Getty Images Liz Truss, ici le 5 octobre lors à Birmingham, a passé 43 jours difficiles à Downing Street.

ROYAUME-UNI - Un petit tour (chaotique) et puis s’en va. Ce jeudi 20 octobre, Liz Truss a annoncé sa démission de son poste de Première ministre du Royaume-Uni, seulement 43 jours après son arrivée.

Elle avait été élue début septembre pour remplacer Boris Johnson, par les seuls membres du parti conservateur, avec 81 326 votes contre 60 399 pour son adversaire Rishi Sunak. Dans un contexte difficile de forte inflation et de flambée des prix de l’énergie, elle voulait relancer la croissance grâce à des baisses massives d’impôts.

Mais dans les faits, Liz Truss a surtout connu une succession de revers et de déconvenues, bien qu’elle enregistre le triste record du mandat le plus court à ce poste, moins de deux mois. Le HuffPost revient sur les turbulences qui ont rendu invivable l’aventure de Liz Truss à la tête du gouvernement.

Le décès de la reine Elizabeth II

Le 6 septembre, Liz Truss est devenue officiellement Première ministre après avoir rencontré la reine Elizabeth II qui lui a demandé de former un nouveau gouvernement. Deux jours plus tard, le 8 septembre, face à la flambée du coût de l’énergie, elle annonce au Parlement un gel des prix pour les particuliers et les entreprises. Mais son annonce est totalement éclipsée par un événement de taille : la reine Elizabeth est décédée.

Après seulement deux jours en tant que Première ministre, Liz Truss doit faire face au décès de la souveraine au plus long règne de l’histoire du pays, ce qui entraîne automatiquement l’arrêt de la vie politique pour dix jours, le temps du deuil national.

« Mini-budget » et panique financière

Quelques jours après la reprise de la vie politique, le 23 septembre, alors que Liz Truss avait annoncé un ambitieux plan économique, tout tombe à l’eau. Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng annonce un « mini-budget » pour relancer la croissance, à base de baisses d’impôts de dizaines de milliards de livres financées par de la dette. Les marchés financiers s’affolent et la livre plonge à un plus bas historique.

Le 28 septembre, la Banque d’Angleterre annonce intervenir en urgence sur le marché obligataire face à un « risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni ».

Pour accompagner cette calamité économique, le 29 septembre, l’institut de sondage YouGov annonce une avance de 33 points pour l’opposition travailliste, du jamais vu depuis la fin des années 1990, à deux ans des législatives.

Rétropédalage et crédibilité en berne

Le mois d’octobre ne démarre pas mieux pour la Première ministre. Les revers s’enchaînent pendant deux semaines. Lors du congrès du parti conservateur, marqué par les dissensions et les tensions, Liz Truss et Kwasi Kwarteng sont contraints à une première volte-face : ils renoncent à supprimer la tranche d’imposition la plus élevée.

Au congrès du parti, Liz Truss exclut devant les députés toute réduction des dépenses publiques tout en promettant de maintenir les baisses d’impôts, ajoutant aux doutes sur sa politique. En attendant, des noms circulent déjà pour son éventuel remplacement. Le lendemain, Liz Truss annonce un nouveau revirement en renonçant à maintenir à 19 % l’impôt sur les sociétés qui augmentera à 25 % comme prévu par le gouvernement précédent.

Kwasi Kwarteng limogé, le programme économique se désagrège

Le 13 octobre, depuis Washington où il assiste aux réunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, Kwasi Kwarteng se dit sûr que Liz Truss et lui seront encore en poste dans un mois. Il n’avait visiblement pas le nez creux puisque le lendemain, rentré en urgence à Londres, il est limogé et remplacé par Jeremy Hunt, ancien candidat dans la course pour Downing Street.

Trois jours plus tard, le 17 octobre, Jeremy Hunt, quatrième ministre des Finances depuis le début de l’année, annonce l’annulation du programme économique de Liz Truss dans sa quasi-totalité. Cette dernière reconnaît des erreurs dans une interview tard le soir à la BBC et se dit « désolée », mais exclut de démissionner, évoquant « l’intérêt national ».

La gêne de Charles III et un duel contre une laitue

En plus de devoir faire face aux multiples revers politiques, Liz Truss doit aussi essuyer les moqueries de la presse et même le dédain à peine masqué du roi Charles III. Le premier rendez-vous hebdomadaire entre ce dernier et la Première ministre a débuté de manière fort gênante, alors qu’il n’a pas semblé ravi de la voir, comme vous pouvez le lire dans notre article.

Face à sa situation précaire et au bilan chaotique de son début de mandat, les médias britanniques n’ont pas manqué de l’égratigner. Certains ont comparé son éventuelle longévité au poste de Première ministre à la durée de vie d’une laitue.

Démission de la ministre de l’Intérieur

Mais le coup de grâce est porté le 19 octobre lorsque la ministre de l’Intérieur Suella Braverman démissionne. Elle explique avoir envoyé de sa boîte e-mail privée, à un collègue du Parlement, un document officiel sur la politique migratoire. « J’ai fait une erreur. Je l’accepte, je démissionne » écrit-elle dans sa lettre de départ, message clair contre Liz Truss. S’ajoute à cela en soirée, un chaos au Parlement à propos d’un vote mal expliqué sur la fracturation hydraulique dont le gouvernement voulait faire un test de loyauté.

Le lendemain, ce jeudi 20 octobre, Liz Truss a capitulé et annoncé quitter son poste. Sur ces pénibles 43 jours maudits, il semblerait finalement qu’elle ait pu trouver du repos seulement lors des dix jours de deuil qui ont suivi le décès de la reine.

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