"Un délire très solitaire": réveil en pleine nuit, rythme chamboulé... plongée dans le quotidien des fans français de NBA

Qu’ils soient fans de NBA grâce à la Dream Team 1992 ou depuis le début des années 2010, plutôt team Michael Jordan ou LeBron James dans le débat du GOAT, tous ont un point commun: celui d’être sur une planète à part dans l’univers des amoureux de sport. Chaque nuit, à l’heure où la journée du commun des mortels se termine, la deuxième vie de ces passionnés, sorte de loups-garous de la balle orange, peut débuter.

"Ce n’est pas comme un match de foot où on appelle des potes, on se retrouve à 20h, on prend des pizzas et on regarde tous ensemble. Non, c’est un délire très solitaire", concède Clément, 42 ans, dont plus de 30 à suivre la NBA.

Décalage horaire oblige, regarder en direct les matchs de la ligue nord-américaine implique un rythme de sommeil bien particulier. Quand ils ne sont pas diffusés à un horaire européen (la plupart du temps une seule rencontre par semaine, le dimanche soir aux alentours de 21h) ou que la NBA ne se déplace pas directement sur le Vieux-Continent, comme c’est le cas une fois par an avec le NBA Paris Game, organisé ce jeudi à l’Accor Arena (Cleveland Cavaliers-Brooklyn Nets), les matchs débutent le plus souvent entre 1h30 (côte est) et 4h30 (côte ouest) du matin.

"Il y a deux types de directs: les directs de l’Est et les directs de l’Ouest, détaille Rémy (28 ans), acheteur pour une marque de grande distribution et fan inconditionnel des Toronto Raptors. Ça ne se regarde pas de la même manière. Le week-end, c’est très pratique, car tu peux sortir et quand tu rentres vers 1h30-2h, il y a les matchs à l’Est. C’est parfait pour continuer sur sa lancée. Quand ce sont des matchs à l’Ouest, des matchs à 4h-4h30, je me couche bien plus tôt et je me réveille pour l’heure du match. Le match termine vers 7h, l’heure à laquelle je me réveille normalement donc c’est parfait. Je décale juste mes heures de sommeil."

"Impossible de voir le match en replay"

"J’ai développé la bonne habitude de la sieste, sourit Louis (26 ans), journaliste-pigiste le jour et aux manettes des réseaux sociaux de la Spurs Nation France, compte dédié à l’actualité des San Antonio Spurs de Victor Wembanyama (plus de 25.000 abonnés sur X) la nuit. La sieste, c’est vital, sinon on s’écroule rapidement. J’avoue que le rythme est un peu dur. Mais c’est comme ça, car c’est impossible de voir le match en replay. C’est comme si tu demandais à un fan du PSG de regarder le match de Ligue des champions en replay… Bah non! Voir le match en direct, pouvoir interagir avec les gens, c’est une sensation inégalée."

Selon une étude conduite par OnePoll pour le compte d’Hotels.com auprès de 2000 Français fans de basketball, 98% des sondés assurent que les matchs de NBA ont un impact sur leur rythme de sommeil. Avec forcément des conséquences sur leur vie de tous les jours. "Parfois, c’est dur d’enchaîner quand on a deux ou trois affiches qu’on a envie de regarder dans la semaine. Quand il y a plusieurs matchs immanquables, c’est hyper crevant. Ca ne m’est jamais arrivé d’être au point où je n’arrivais pas à me lever pour aller au boulot, mais c’est vrai que ça m’est arrivé d’être vraiment crevé", admet Clément. "J’arrive à me mettre en mode pilote auto avec deux ou trois heures de sommeil, complète Louis, community manager de la Spurs Nation France. Mais je sais que certains de mes prédécesseurs ont arrêté car c’était trop dur de concilier une vie avec des horaires de bureau classique et des commentaires de matchs à 2h du matin."

Changement de routine matinale

Plusieurs écoles existent pour relever le défi d’une nuit passée devant les matchs. Il y a ceux qui optent pour une petite sieste réparatrice, ceux qui ne s’accordent aucune pause sommeil et qui restent sur la lancée de leur soirée… et ceux qui décident de chambouler leur routine matinale. Si de nombreux fans préfèrent largement les rencontres qui se déroulent en première partie de nuit, Olivier, ingénieur en électronique, préfère les rencontres qui débutent à 4h ou 4h30. "Volontairement, je me lève environ une heure plus tôt pour pouvoir regarder la fin des derniers matchs, confie-t-il. Je pourrais me lever vers 7h-7h30 et je me lève plutôt vers 6h-6h30."

Efficace pour ne pas avoir un rythme de sommeil trop irrégulier, cette stratégie n’est pas à la portée de tout le monde. "La technique de mettre le réveil plus tôt le matin? Ça m’est arrivé de faire ça. C’est une stratégie que j’ai voulu mettre en place mais je n’ai pas trop réussi pour la simple et bonne raison que je ne suis pas quelqu’un du matin, se marre Thibault. Je n’y arrive pas du tout. J’ai essayé mais ça a duré deux semaines, car je n’arrive pas à me coucher tôt. Je suis plutôt un mec de la nuit."

Même son de cloche chez Louis. "Les matchs à 4h30, c’est toute une organisation. La fin de match est à 6h30-7h, donc pour enchaîner sur une journée de taf… faut s’accrocher!"

La vie de jeunes parents, une aubaine

Suivre les matchs de NBA peut très vite devenir un véritable parcours du combattant. Et l’obstacle le plus difficile à franchir n’est pas forcément celui de rester éveillé jusqu’à l’entre-deux.

"Ce qui est le plus dur, c’est de passer la mi-temps ou le troisième quart-temps", confiait il y a quelques années Benjamin Biolay, chanteur, compositeur et très grand fan de NBA, auprès du média Trashtalk.

Pour éviter cet écueil et ne pas sombrer lors des nombreux temps morts et coupures publicitaires, certains sont parfois aidés par les évènements de la vie. Parmi les amoureux de NBA, une catégorie se détache: celle des jeunes parents. Si l’arrivée d’un nouveau-né bouleverse le quotidien, avec des nuits courtes et rythmées par les réveils intempestifs, les fans de basket ont au moins l’avantage de faire passer le temps plus vite que les autres.

"J’ai une petite fille qui a maintenant deux ans. Quand elle se réveillait la nuit, j’en profitais pour regarder les matchs pendant le biberon et compagnie. J’ai passé des nuits entières devant mon PC à mettre la luminosité au minimum avec ma fille dans les bras et à regarder les matchs", se souvient Olivier. "Beaucoup de potes font ça, je l’ai aussi fait. C’est la bonne excuse", rigole de son côté Ouaïd (42 ans), gestionnaire de projet à Genève. Et le timing peut parfois réserver de belles surprises. "Mon premier fils est né mi-avril. Derrière, il y avait les playoffs, ça tombait pile à ce moment-là. Donc ça faisait bien passer le temps la nuit, je regardais un match pendant que je le bercais. Ça coïncidait plutôt bien", sourit Clément.

Des matchs visionnés... à l'hôtel?

Suivre les aventures outre-Atlantique de Stephen Curry, Joel Embiid, Rudy Gobert, Victor Wembanyama & Co s’avère également être une passion débordante pour l'entourage. Selon l’étude conduite par OnePoll, près d'un tiers des fans (31%) admet réveiller la ou les personnes avec lesquelles ils vivent en regardant les matchs tard dans la nuit. Encore plus fou: 5% assurent même être déjà allés à l'hôtel pour trouver un peu de tranquillité. "Je ne suis jamais allé jusque-là, mais c’est parce que j’ai la chance que ma femme me laisse regarder. Mais si ce n’était pas le cas, peut-être que j’aurais fait un truc comme ça, ou je serais au moins allé chez des potes, indique Clément. C’est déjà arrivé que ma femme se retrouve toute seule dans le lit en plein milieu de la nuit et qu’elle se dise 'mais où est-ce qu’il est? Qu’est-ce qu’il fout?' Le jour de Noël, il y a tous les matchs qui s’enchaînent à partir de 18h. Ça m’est déjà arrivé de me dire 'là faut qu’on rentre, faut qu’on soit rentré à 18h' donc ça ne lui plaisait pas forcément."

"Je n’ai jamais réveillé la personne avec qui je vis. Je ne me permettrais pas, et de toute façon je me ferais tuer (rires), confie de son côté Thibaut. J’essaye d’être le plus silencieux possible et je pense que ça marche, je ne l’ai jamais réveillée. Je réfléchis à m’installer pour avoir le plus de tranquillité possible sans déranger personne. Je n’oblige pas ma famille à rentrer dans mon univers."

Matchs en silencieux dans le salon ou la cuisine, écouteurs ou casques branchés à la télévision, téléphone sous la couette… Les techniques pour se montrer le plus discret possible sont nombreuses. "Je n’ai jamais réveillé la personne avec je vis, que ce soit ma copine ou, plus jeune, mes parents, assure Rémy. Quand je me réveille, je mets des écouteurs pour regarder le match, je me mets dans mon coin et je n’embête personne. C’est un délire solo. Le téléphone sous la couette? Bien sûr, mais à l’époque où j’étais chez mes parents. Quand tu dois aller en cours le lendemain, même si t’es fan de NBA, ils sont pas trop chauds pour que tu regardes en pleine nuit (rires)."

"Capable d'une folie" pour voir un match en vrai

La motivation est donc sans faille. Et il n’est pas étonnant de voir ces fans mettre une telle organisation en place pour regarder les matchs la nuit quand on sait que 18% se sont déjà envolés vers une autre destination pour voir un match sur place et 23% accepteraient de se rendre à plus de 3000 km pour soutenir leur joueur ou équipe préféré(e). À l’image de tous ceux qui seront présents dans les travées de l’Accor Arena ce jeudi soir pour le match Cavaliers-Nets, les amoureux de NBA sont prêts à tout.

Amoureux de la franchise canadienne, Rémy serait "capable d’une folie, jusqu’à mettre 400-500 euros la place" si Toronto venait jouer à Paris. Tandis que Ouaïd, qui a déjà vu un match de présaison à Barcelone il y a quelques années, projette de partir voir plusieurs matchs aux États-Unis par le biais d’une agence, Louis et plusieurs chanceux vont se rendre à San Antonio à la fin du mois de janvier dans un voyage organisé par la Spurs Nation France. Là-bas, ils auront l’opportunité de voir quatre matchs de Victor Wembanyama. Et cette fois, sans la contrainte de se lever au beau milieu de la nuit.

Article original publié sur RMC Sport