La définition du viol de l’Union européenne doit intégrer l’absence de consentement

« La définition du viol de l’Union européenne doit intégrer l’absence de consentement » - Helena Dalli, Commissaire européenne à l’égalité (photo : Marseille, 19 novembre 2022, lors de la manifestation contre les violences que subissent les femmes)
SOPA Images / SOPA Images/LightRocket via Gett « La définition du viol de l’Union européenne doit intégrer l’absence de consentement » - Helena Dalli, Commissaire européenne à l’égalité (photo : Marseille, 19 novembre 2022, lors de la manifestation contre les violences que subissent les femmes)

UNION EUROPÉENNE - « Sois prudente si tu vas faire un jogging seule. » « Si tu ne veux pas attirer l’attention, ne mets pas cette jupe. » « Ne bois pas. » « Ne t’attarde pas dehors. Et qui va te ramener ? » « Ne te promène pas seule la nuit, c’est dangereux. »

Si cela ne vous semble pas familier, il est fort probable que vous ne soyez pas une femme. En effet, nous les femmes sommes constamment confrontées à ce type de mises en garde anxiogènes, qui placent la responsabilité de notre sécurité uniquement sur nos épaules. Si bien que ces phrases font partie de notre expérience commune en tant que femmes. C’est pour cela qu’aujourd’hui, ce samedi 25 novembre, nous célébrons la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Au cours de mes années d’engagement politique, j’ai rencontré plusieurs survivantes de violences sexuelles, dont le viol, qui se sont confiées à moi. Certaines des femmes que j’ai rencontrées ont été contraintes à se livrer à un acte sexuel contre leur volonté, mais n’ont pas livré bataille contre leur agresseur dans la situation particulière qui était la leur.

Ces témoignages mettent en lumière la dynamique complexe de la contrainte, et la manière dont le viol et la violence sexuelle se produisent souvent dans un contexte de déséquilibre de pouvoir.

Le fait de dire non ou de se taire constitue une absence de consentement

En France, les dernières données d’Eurostat font état d’un nombre total de 34 987 victimes de viol en 2021, soit un chiffre nettement supérieur à celui de l’année précédente. Pour lutter contre ce fléau en France comme dans le reste de l’UE, la Commission européenne a proposé, en 2022, une directive visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

La proposition renforce l’aide aux victimes et l’accès à la justice grâce à une protection adaptée, à des services d’aide, à des mesures d’urgence et à des demandes d’indemnisation. En outre, elle exige des efforts de prévention appropriés et une formation adéquate des professionnels, parallèlement à une meilleure collecte des données.

Il est précisé, dans la proposition, que le viol est une des infractions pénales les plus graves qui portent atteinte à l’intégrité sexuelle d’une personne et qu’il touche les femmes de manière disproportionnée. À l’article 5, le viol est défini comme un acte de pénétration sexuelle accompli sans consentement, avec une partie du corps ou un objet.

Le consentement désigne un accord donné librement. Il ne peut être déduit de l’absence de résistance verbale ou physique

Conformément à cette proposition, le consentement désigne un accord qui est donné librement. Il ne peut être déduit ni de l’absence de résistance verbale ou physique, ni de l’existence de relations intimes passées. En conséquence, le consentement doit être clairement exprimé et peut être retiré à tout moment.

À l’inverse, constitue une absence de consentement non seulement le fait de dire non ou de se taire, mais aussi toute situation dans laquelle une personne se livre à une activité sexuelle sous la contrainte ou en raison de pressions ou d’intimidations.

Cette distinction n’est pas une formalité. Il s’agit d’une condition préalable essentielle dans la mesure où la réponse à cette question permet de faire clairement la distinction entre des relations sexuelles consenties et un viol.

Une définition européenne unique est nécessaire

Les données montrent que dans les États membres où le viol est défini en termes d’absence de consentement, on a constaté une augmentation du nombre de dossiers de viol introduits. Cette hausse s’explique par une sensibilisation accrue du public à une meilleure définition juridique du viol et par une plus grande confiance dans la propension du système juridique à traiter de telles plaintes.

L’article 5 est donc une disposition phare dans l’octroi de moyens d’agir aux femmes, car il déplace le discours de la mise en cause du comportement de la victime à l’affirmation du principe selon lequel seul oui vaut oui.

En légiférant dans cet esprit, nous ne nous contentons pas de défendre la valeur intrinsèque de la volonté individuelle. Nous élaborons aussi un bouclier légal qui protège toutes les femmes, en affirmant sans ambiguïté que les actes sexuels non consentis sont constitutifs de viol.

Il serait négligent de ne pas faire en sorte que toutes les femmes vivant dans l’Union européenne bénéficient du même niveau de protection juridique.

Je suis convaincue que l’UE doit adopter l’article 5 et exiger une définition unifiée du viol fondée sur l’absence de consentement donné librement. Il serait négligent de ne pas faire en sorte que toutes les femmes vivant dans l’Union européenne bénéficient du même niveau de protection juridique.

Je suis persuadée que le Conseil en viendra à s’accorder sur l’urgence de faire un pas dans cette direction et à partager le point de vue de la Commission sur cette définition importante. J’espère qu’il consentira à établir que tout rapport sexuel sans consentement constitue un viol. Il s’agit d’une étape décisive vers un système judiciaire qui protège pleinement les victimes potentielles et vient en aide à toutes les survivantes. L’enjeu est de construire une société qui respecte sans équivoque les limites personnelles et l’intégrité.

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