Avec sa défense de l’Amazonie, Lula sera-t-il la star de l’environnement à la COP 27 ?

Lula, lors un rassemblement électoral sur le développement durable à Manaus, au Brésil, le 31 août 2022.
MICHAEL DANTAS / AFP Lula, lors un rassemblement électoral sur le développement durable à Manaus, au Brésil, le 31 août 2022.

COP 27 - Une raison de se réjouir pour l’Amazonie ? À peine élu pour un troisième mandat à la tête du Brésil, Lula semble porter les espoirs des défenseurs de l’environnement. Invité à participer à la COP 27 qui se tiendra du 6 au 18 novembre, alors qu’il n’est pas encore officiellement investi comme président du Brésil, Lula veut se donner pour mission de balayer les quatre années de Jair Bolsonaro en matière d’environnement et de déforestation. Et ce le plus vite possible.

Conscient de l’enjeu, Lula n’avait pas manqué de replacer la cause environnementale au cœur de son discours de victoire dimanche 30 octobre, après une campagne électorale tendue où le sujet était resté à l’écart des débats, car très loin d’être un thème crucial dans le quotidien des Brésiliens.

À l’aube de l’ouverture de la COP27, celui qui était président du Brésil entre 2003 et 2011 s’avance presque comme une star à Charm el-Cheikh, la ville égyptienne hôte de cette Conférence sur les changements climatiques, où plus de 90 dirigeants du monde entier sont attendus.

« C’est un premier pas pour revenir sur la route de la cohérence et du bon sens », commente Carolina Grassi, doctorante brésilienne au Centre d’Études et de Recherches Internationales et Communautaires de l’Université Aix-Marseille et spécialiste de l’Amazonie.

Posture internationale

Grâce à son image de (grand) défenseur de l’Amazonie, en comparaison de son opposant politique d’extrême droite Jair Bolsonaro, le nouveau président du Brésil est accueilli à bras ouverts par le reste de la communauté internationale. Ce retour en grâce du président Lula s’est matérialisé par un discours de victoire où il affirmait que « le Brésil est prêt à reprendre son leadership dans la lutte contre la crise climatique ».

« Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie », ajoutait-il après le résultat de la présidentielle. Un « morceau de discours principalement dédié à l’étranger », comme le souligne auprès du HuffPost François Michel Le Tourneau, géographe et directeur de recherche au CNRS. Il voit aussi dans ces paroles une « réponse au discours de Macron au G7 sur l’Amazonie, définie alors par la France comme un ’bien commun de l’humanité’ ».

Lula s’offre ici « une posture internationale à peu de frais, tant économique que politique », afin de redorer le blason d’un pays plongé pendant quatre ans dans le bolsonarisme et sa politique anti-environnementale catastrophique pour l’écosystème amazonien.

« Cela lui permet de se redonner une stature internationale en utilisant l’Amazonie, focale principale de l’Occident en matière d’environnement. C’est un positionnement plus simple et bien plus consensuel que s’il s’était exprimé sur le conflit en Ukraine ou sur la Chine », remarque-t-il.

Invité, mais pour dire quoi ?

Pour Carolina Grassi, la position singulière de Lula (il ne sera officiellement président que le 1er janvier 2023) en Égypte est presque un avantage : « Même s’il ne va pas à la COP 27 comme président du Brésil, il y va pour jouer le jeu : montrer et renforcer les engagements de son pays après son discours de victoire ».

François Michel Le Tourneau souligne en effet que le président Lula a voulu rappeler qu’il tenait aussi à la souveraineté brésilienne : préserver l’Amazonie d’accord, mais sans que cela se fasse au détriment de l’économie brésilienne. Un jeu d’équilibriste délicat auquel devra rapidement faire face Lula.

Pour Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et auteur de l’ouvrage Géopolitique de l’Amérique latine (Éditions Eyrolles), « Bolsonaro a tout cassé, à Lula de tout réparer en incarnant un virage environnemental ».

« Il veut respecter l’Accord de Paris, s’engager contre la déforestation illégale au Brésil, réinjecter des moyens pour un meilleur contrôle de la déforestation (avec l’utilisation de satellites notamment) et relancer la question de la démarcation des terres indiennes en les reconnaissant comme aires protégées », liste pour Le HuffPost ce spécialiste de l’Amérique latine.

Cette photo d’archive prise le 21 septembre 2022 montre une vue d’une zone brûlée de la forêt amazonienne à Apui, dans le sud de l’État d’Amazonas, au Brésil.
MICHAEL DANTAS / AFP Cette photo d’archive prise le 21 septembre 2022 montre une vue d’une zone brûlée de la forêt amazonienne à Apui, dans le sud de l’État d’Amazonas, au Brésil.

En revanche, il insiste sur le fait que « la déforestation ne s’arrêtera pas sous la présidence Lula ». En effet, l’Amazonie reste aujourd’hui un marqueur fort de « l’identité nationale du Brésil », et pour Lula cette règle ne changera pas, malgré la formule du président français à Biarritz en 2019.

« Il n’est pas si éloigné de Bolsonaro sur cette question : c’est le territoire du Brésil, c’est donc au Brésil d’exploiter l’Amazonie, mais de manière durable avec Lula ». D’autant plus que la déforestation est indexée sur le fonctionnement de l’économie mondiale et nourri ainsi une partie des pays les plus riches : « Lula va donc s’appuyer sur le fameux principe environnemental de responsabilité commune mais différenciée. À la COP 27, il compte bien lancer ce débat et associer tout le monde à la réflexion, tout en conservant sa souveraineté quant à l’exploitation de l’Amazonie ».

D’après le chercheur, Lula souhaite ainsi que « les pays riches aident (et compensent davantage) la destruction de l’Amazonie ». D’ailleurs, le retour en grâce du fonds amazonien semble aller dans ce sens. Les plus gros contributeurs – parmi lesquels on compte l’Allemagne ou la Norvège – avait décidé de couper leurs subventions en réaction à l’inaction débordante de Jair Bolsonaro en termes de préservation environnementale. En débloquant les moyens gelés jusqu’alors, Oslo et Berlin suivent directement la volonté du nouveau président brésilien fraîchement élu.

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