Comment le débat sur la fin de vie divise au sein même des groupes parlementaires

Examiné à partir de ce lundi 27 mai en séance publique, le projet de loi sur la fin de vie fragmente les députés, y compris ceux qui sont issus du même bord politique.

Au Parlement, les désaccords entre les différents groupes politiques sont évidemment légion et tout à fait logiques. Ce qui l'est moins, ce sont les divisions internes sur un texte. Plus rare encore: que la plupart des formations ne parlent pas d'un seul homme.

C'est dire l'aspect particulier du projet de loi sur la fin de vie du gouvernement, qui fragmente les députés toutes tendances confondues. Examiné dans l'hémicycle à partir de ce lundi 27 mai, le texte vise notamment à créer une aide à mourir sous conditions pour certains patients.

De prime abord, le tableau ressemble à ce qu'on pouvait imaginer: l'idée est accueillie favorablement par la gauche, contrairement à la droite et son extrême, qui préconisent de mettre l'accent sur le renforcement des soins palliatifs. Pour autant, l'ensemble est plus contrasté qu'il n'y parait.

La majorité, qui avait déjà connu quelques dissonances sur la réforme des retraites ou celle sur l'immigration, pourrait se fracturer (davantage?) sur ce texte. Les voix dissonantes ne manquent pas.

Il y a le député Renaissance des Yvelines, Charles Rodwell, par exemple, qui très tôt s'est prononcé contre le texte. L'élu met en garde contre "un élargissement du champ d'application" de l'aide à mourir, à l'image de la Belgique, dans un article de L'Express.

Dans l'hebdomadaire, sa collègue Caroline Janvier fait également part de sa crainte que "cette légalisation soit perçue par les malades comme une injonction à écourter leur vie quand cette dernière serait collectivement considérée comme indigne."

Ils ne sont pas les seuls à afficher leurs réticences. On peut également citer Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance): "Il y aura un décalage entre l'aide à mourir qui sera immédiatement disponible et les soins palliatifs qui mettront encore du temps à être accessibles à tous, même avec des crédits doublés en dix ans, juge l'élu de Paris dans Le Figaro.

À gauche, l'immense majorité des députés est favorable au projet de loi. Mais il existe quelques réfractaires, comme le relate un article de Libération ce lundi. Dans le journal, le communiste Pierre Darrhéville explique sa position à contre-courant:

"Aujourd'hui, c’est plus facile d’avoir accès à des produits létaux qu’à des centres antidouleurs. Or, quand les personnes sont prises en charge, ça change la donne. Quel message envoie-t-on? La société doit dire à quelqu’un qui veut en finir 'on tient à toi, on va t’accompagner'".

Son homologue socialiste, Dominique Potier, estime auprès de l'AFP que la question de l'aide à mourir est "a minima indécente" tant que l'égalité d'accès aux soins palliatifs n'est pas garantie. "On observe dans d'autres pays un glissement: les personnes les plus défavorisées, par leur statut social ou leur solitude, sont les plus exposées de fait".

Cheffe de file des députés communistes, André Chaseigne fait également partie des rares parlementaires de gauche à être contre l'aide à mourir. "Cela ouvre la porte à des avancées successives qui pourraient, à terme, pousser des personnes qui culpabilisent de vieillir ou de coûter cher à leurs enfants à vouloir en finir", explique-t-il dans Le Figaro.

Du côté de la droite, la situation devrait être inverse à celle de la gauche: les minoritaires seront ceux qui voteront pour ce projet de loi. Trublion du parti Les Républicains, Aurélien Pradié devrait en être.

Dans Libération, il se montre favorable au texte, jugeant que "l’incurie de l'État envers les soins palliatifs ne peut pas être un prétexte pour ne pas traiter la question de la fin de vie."

Dans l'AFP, sa collègue Frédérique Meunier indique que son avis a évolué au cours d’auditions d’un groupe de travail sur la fin de vie constitué en 2022. Au point que la députée estime que le projet de loi ne va "presque pas assez loin". En ce sens, elle demande de l’élargir à la prise en compte des souffrances psychologiques.

Reste l'extrême droite. Cheffe de file des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen a assuré qu'elle ne donnerait pas de consignes de votes, mais elle espère "convaincre" ses troupes.

Et sûrement pas du bien fondé de ce projet de loi, elle qui a estimé, sur France Inter en mars que le gouvernement a emprunté "une voie facile", en faisant "fi des carences dans le domaine des soins palliatifs".

Si la position de la patronne pourrait faire pencher la balance, elle n'empêchera pas les divisions. "Environ deux tiers des élus du groupe sont contre l'aide à mourir et un tiers, comme moi, sont pour", a expliqué le député Thomas Ménagé à France Info, plaidant une position de "bon sens".

Dans tous les cas, les positions des différents députés ne sont pas figées et devraient dépendre des modifications apportées au texte, dont le gouvernement espère restaurer "l'équilibre" initial, après son passage en commission spéciale.

Article original publié sur BFMTV.com