Débat Bardella, Attal, Bompard : « Chacun a parlé à son électorat captif, il n’y a pas vraiment de vainqueur »

Contre toute attente, Manuel Bompard, est apparu plus en retrait « se montrant prudent et pas du tout agressif, presque distant » analyse Bruno Cautrès, politologue, chercheur au Cevipof (Centre d’Etudes de la Vie Politique Française) et enseignant à Sciences Po.

Souvent présenté comme le porte-flingue et le lieutenant de Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard s’est contenté lors de ce débat de sourire et de hausser les épaules face aux attaques de ses adversaires. » Comme ce fut le cas pour Yannick Jadot, Manuel Bompard a fait évoluer son dress code avec le port de la cravate ce qui « aide a donné une image plus lisse. »

Manuel Bompard a donné une autre image

« Manuel Bompard a réussi son pari en donnant une autre image, car il n’avait pas le même degré de notoriété que ses adversaires. » Le coordinateur de la France Insoumise a voulu montrer qu’il prenait de la hauteur : « Parfois je les laisse un peu polémiquer. Moi j’essaye de m’adresser aux Françaises et aux Français et je crois que c’est le plus important ce soir. »

Plus offensif sur le thème de l’immigration pour opposer la vision du RN à celle du Nouveau Front Populaire : « Il y a un travailleur sur dix dans ce pays qui est un travailleur immigré. Plutôt que de les dénigrer de manière systématique, vous devriez les remercier. »

Des airs de duel Bardella-Attal

Jordan Bardella a semblé lui « écrasé par la pression du moment » assure Anne-Charlène Bezzina, politologue et constitutionnaliste face à un Gabriel Attal « pontifiant ». Les empoignades ont plutôt eu lieu entre les deux hommes donnant au débat des airs de duel Bardella-Attal. « Faites-moi un cours d’économie », a lancé le président du RN au Premier ministre, appelant Gabriel Attal « professeur » 4 ou 5 fois au cours du débat. A rebours de la campagne du camp présidentiel jusque-là, Gabriel Attal a surtout réservé ses attaques au RN, son principal challenger tentant de pointer les contradictions de Jordan Bardella « afin de tenter de capter l’électorat centriste » affirme Bruno Cautrès. « Jordan Bardella joue de cette posture de challenger et se veut consensuel et rassurant pour essayer de donner confiance » ajoute Anne-Charlène Bezzina.

Des passes d’armes sur les impôts et le pouvoir d’achat

« La différence entre mes concurrents et moi, c’est que je suis Premier ministre », a lancé Gabriel Attal, promettant en pas vouloir « mentir » au Français et ne pas vouloir « promettre la lune ». « Le premier ministre a voulu incarner celui gère déjà le pays » précise Bruno Cautrès.

Gabriel Attal s’en est pris à la proposition du RN consistant à baisser de 20 % à 5,5 % la TVA sur l’énergie et les carburants, dont le coût est estimé à 12 milliards d’euros par an pour le RN. Un jeu de dupes, selon le Premier ministre. Le président du RN n’a lui cessé de renvoyer son adversaire à la situation des finances publiques, l’accusant de dépenser l’argent « qu’il n’a pas » et de n’être pas «crédible». Moins présent dans les échanges, Manuel Bompard a accusé ses deux adversaires d’être au service des « grandes fortunes ».

Les trois hommes se sont aussi affrontés sur la réforme des retraites. « Sur ce sujet nous sommes loin de la clarification » précise Bruno Cautrès. « Nous sommes même face à une nouvelle interrogation : en évoquant 66 ans, le RN parle t-il de l’âge légal ou de l’âge de départ sans décote ? » Confus lorsqu’il a dû expliquer sa réforme des retraites – Jordan Bardella ne prévoit donc plus d’abroger la réforme Borne – et a défendu son idée de supprimer l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans : « Pourquoi un ouvrier de 31 ans paierait des impôts et un trader de 29 ans ne devrait pas payer des impôts ?» a taclé Gabriel Attal.

Selon Anne-Charlène Bezzina, les trois représentants restent sur des propositions court-termistes. « Les adversaires au camp présidentiel sont beaucoup dans l’abrogation de ce qui a été fait mais on ne sait pas quel est leur projet de société pour les prochaines années ». Ajoutant que Gabriel Attal et Jordan Bardella ont tenté de se disputer la palme du réalisme budgétaire, « alors que nous sommes face à des propositions qui font un peu figure de course à l’échalote mal chiffrées, de promesses en l’air. »

« Trois blocs irréconciliables »

Ce débat ne devrait pas faire évoluer les intentions de vote. « Nous sommes face à trois blocs irréconciliables qui incarnent l’état de l’opinion aujourd’hui », conclut Anne-Charlène Bezzina.

Finalement, pour Bruno Cautès chacun des chefs de file des trois principaux partis en lice pour les législatives des 30 juin et 7 juillet « a surtout parlé à son couloir et à son électorat captif. Il n’y a pas vraiment de vainqueur. »

Sandra Cerqueira