"Être célèbre ce n'était pas un métier": comment "Secret Story" a professionnalisé les candidats de téléréalité

La maison des secrets rouvre ses portes. Sept ans après avoir quitté l'antenne de TF1, Secret Story reprend du service ce mardi 23 avril à 23h30, dans un nouveau format présenté par Christophe Beaugrand.

Lancée en 2007 après le succès de Loft Story sur M6, l'émission culte a joué un rôle significatif dans l'évolution de la téléréalité en apportant un concept novateur aux programmes d'enfermement tout en popularisant le genre auprès du grand public.

Grâce à son succès, l'émission, suivie par jusqu'à 6 millions de téléspectateurs (pour la finale de la première saison) entre 2007 et 2014, a également contribué à transformer le milieu de la téléréalité, offrant pour la premières fois à des candidats des perspectives de carrière.

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A post shared by Viktorija Burakauskas (@toribur) on Jan 21, 2020 at 8:43am PST

"Ça choquait à l'époque"

Après le succès de Loft Story, au début des années 2000, tout premier programme de téléréalité en France, adapté de l'émission néerlandaise Big Brother, d'autres chapines imitent M6. De nombreux programmes de téléréalité d'enfermement plus ou moins éphémères fleurissent sur les antennes. C'est ainsi que naissent la Star Academy, Nice People, ou La Ferme Célébrités sur TF1 ainsi que Les Colocataires sur M6.

Mais si le télécrochet présenté par Nikos Aliagas suscite un fort engouement, d’autres émissions peinent à trouver leur public. En 2007, TF1 imagine alors un nouveau format, baptisé Secret Story.

À la différence de ces prédécesseurs, ce programme d’enfermement intègre à son concept une dimension de jeu à travers la mécanique des secrets que les candidats sont tenus de conserver le plus longtemps possible au long de l'émission.

Dès le lancement, le format plaît. Près de 5 millions de téléspectateurs, en moyenne, se passionnent pour les secrets des candidats de la première saison. Si les participants accèdent à la notoriété, il est pourtant difficile de les imaginer vivre de leur notoriété, selon la sociologue des médias Nathalie Nadaud-Albertini, et autrice l’ouvrage 12 ans de téléréalité : au delà des critiques morales.

"Au début de 'Secret Story', on était encore sur l'image du 'Loft' et on avait cette idée qu’être célèbre, ce n'était pas un métier et que les candidats de téléréalité allaient forcément se casser le nez", analyse auprès de BFMTV.com la sociologue.

"Ces candidats qui arrivaient sur les écrans et qui étaient connus parce qu'ils participaient à une émission, ça choquait à l’époque. On considérait qu'ils n'avaient aucune qualité, aucune compétence et que donc ces gens ne devaient pas être connus", poursuit la spécialiste.

Retour d'anciens candidats

Secret Story ouvre pourtant la voie à un début de professionnalisation des candidats, estime Nathalie Nadaud-Albertini, en offrant pour la première fois la possibilité de capitaliser sur leur notoriété après l'émission.

Si jusqu’alors les perspectives de carrières pour les participants à une téléréalité restaient très floues et se limitaient à des apparitions en discothèque à des séances photos ou des séances de dédicace, Secret Story a été le premier programme à proposer à ses candidats de revenir en plateau en tant qu’invité lors des saisons suivantes.

"Dans 'Secret Story', il y avait un rendez-vous qui était devenu culte au fil des saisons, c'était le retour des anciens candidats en guest. L’émission a été pionnière là-dedans et ça donnait un statut particulier aux participants qui revenaient", précise Nathalie Nadaud-Albertini.

"C'était à la fois pour valoriser les candidats en disant qu’ils s'étaient professionnalisés et avaient réussi mais l’idée c'était aussi de faire de 'Secret Story' une sorte de famille au sein du grand feuilleton transmédia qu’était devenue la téléréalité", poursuit la sociologue.

Et d’ajouter: "Résultat, au fil des saisons et du temps, 'Secret Story' est devenu pour certains la porte d'entrée pour se faire connaître et faire carrière."

Ainsi, en 2013, la production de Secret Story décide par exemple de faire revenir trois candidates emblématiques du programme, Amélie, Stéphanie et Marie, lors d'un prime pour réaliser une mission spéciale.

D'autres participants phares tels que Caroline Receveur (saison 2), Vincent Queijo (saison 7), Zelko Stojanovic (saison 5), Anaïs Cazuli (saison 7), Eddy Ben Youssef (saison 7) feront aussi leur retour dans l'émission.

Procès et statut de salariés

Deux ans après le lancement de Secret Story, un autre événement va contribuer à la professionnalisation du milieu de la téléréalité. En 2009, plusieurs candidats de l’émission l’Île de la tentation, diffusée à l'époque sur TF1, intentent des actions en justice contre la production pour que les termes de leur participation soient requalifiés en contrat de travail.

La même année, la Cour de cassation finit par trancher et considère que la participation à une émission de téléréalité constitue un emploi ce qui justifie donc un contrat de travail. Une décision qui a entraîné la condamnation de TF1 pour violation du droit du travail en 2011.

"À l'époque, c'est quelque chose qui choquait que les candidats veuillent être rémunérés. On disait qu’être célèbre ce n’était pas un métier alors qu’eux disaient qu'ils réalisaient une prestation et qu'ils devaient être rémunérés par rapport à ça", note Nathalie Nadaud-Albertini.

"Au final ils ont gagné et ça a contribué au fait de commencer à considérer les candidats comme des professionnels", poursuit la spécialiste. Depuis, de nombreux anciens participants de Secret Story et d'autres programmes télé ont bénéficié de cette nouvelle crédibilité pour faire évoluer leurs parcours professionnels.

Ainsi, à l'instar de Caroline Receveur ou Capucine Anav, certains ont lancé leur propre entreprise, sont devenus influenceurs sur les réseaux sociaux ou ont poursuivi une carrière dans les médias, la mode ou le divertissement, ouvrant ainsi la voie à d'autres candidats de téléréalité pour faire de même.

L'arrivée des "Anges"

En 2011 une autre émission dans la lignée de Secret Story va également permettre aux candidats de téléréalité de capitaliser sur leur notoriété. Lancée sur NRJ 12, Les Anges de la téléréalité vise à faire cohabiter d'anciens participants d'émissions dans une villa et à les faire évoluer dans leurs milieux professionnels respectifs.

"Les Anges parce que c'est vraiment l'émission qui a fait un gros nœud narratif entre toutes les émissions de téléréalité et qui donc, se faisant, a transformé la téléréalité en un grand feuilleton", détaille Nathalie Nadaud-Albertini.

Là encore, Secret Story va jouer un rôle important selon la spécialiste, dans la notoriété du programme puisque dans le casting de ses premières saisons elle fait majoritairement appel à des candidats de l'émission de TF1.

Ainsi d'anciens participants phares tels que Senna Hounhanou, Amélie Neten, Caroline Receveur, Marie Garet, Thomas Vergara, Capucine Anav, Anaïs Camizuli, Benoît Dubois ou encore Vincent Queijo vont se succèder au fil des saisons des Anges. "Le début de l'histoire, ça a été 'Secret Story'", conclut la spécialiste.

Article original publié sur BFMTV.com