"Vous me croyez pas…”: au tribunal, la difficile défense de Moha La Squale face aux accusations de violences
Debout. Assis. Plié en deux. Ou à moitié affalé sur le pupitre, sous le micro… Dans le box de la 14e chambre du tribunal judiciaire de Paris, Moha La Squale se contorsionne régulièrement pour tenter d’apaiser des douleurs dues à une spondylarthrite ankylosante. Quand il ouvre la bouche, le rappeur originaire de la cité de la Banane dans le 20e arrondissement de Paris change tout autant de position pour essayer de se défendre.
Depuis ce mardi 2 juillet, il est jugé pour des faits de violences, de menaces et de séquestrations à l’égard de six anciennes petites-amies. Des faits qui lui valent aujourd’hui d’être en détention provisoire et qui ont stoppé net son ascension après un premier album salué par la critique (Bendero) et une nomination aux Victoires de la musique.
C’est, d’ailleurs, l’une des pistes d’explication de toute cette affaire, selon lui. "Avant j’étais coursier. Si j’avais été coursier toute ma vie, elle aurait jamais déposé plainte", balance-t-il ainsi alors que le tribunal est en train d’examiner les violences dénoncées par Maeva*.
Un double-visage?
Comme les autres jeunes femmes, aujourd’hui serrées les unes contre les autres sur un banc au fond du tribunal, Maeva a décrit le double-visage de Mohamed Bellahmed de son vrai nom. "Attentionné", "doux" et "intelligent" au début de la relation. "Violent" et "paranoïaque" au fil du temps. Et surtout jaloux. Au point de fouiller dans le téléphone de ses "meufs" pour s’assurer de leur fidélité. Et de les agonir d’injures au moindre doute. "Chienne de guerre", "pute", "tu veux te faire soulever salope", reçoit-elle un soir d’avril 2017 alors qu’elle le rejoint chez lui après une soirée en boîte de nuit avec des amis.
Le jeune rappeur est en pleine crise. Il a patienté toute la nuit pour ce qu’il appelle "un plan cul" et il "pète un plomb". Des injures, il passe rapidement aux menaces, à la séquestration et aux coups, selon le récit de la jeune femme qui raconte à la barre avoir été enfermée dans la salle de bains, bousculée dans la baignoire au motif qu’elle "puait".
"Je l’ai pas empêchée de partir", se défend le rappeur. "Peut-être elle dit ça pour faire genre. Comment j’aurais pu lui faire des bleus alors que je l’ai pas touchée. Je vous jure madame. Je dis la vérité…"
Questionné, relancé, interrogé par les avocats et la présidente de l’audience, Moha La Squale cède finalement un pouce de terrain face à la procureure. "Si je lui ai arraché son téléphone et que j’ai fait mal au doigt, je m’excuse mille fois. Mais le reste, sur la vie de ma… pardon… Mais non. Vous pouvez lui demander en privé, j’étais un amour…" Un point pour la procureure qui note alors logiquement qu’il reconnaît la possibilité d’avoir été violent, et d'avoir provoqué l'"entorse" de Maeva, ce qui est nouveau.
Des témoignages en série
Avocate du rappeur, Elise Arfi profite du moment pour sortir de son banc et pointer intelligemment les quelques doutes qui subsistent, sept ans après, dans le récit de la jeune femme. Mais son souci, c’est qu’elle n’est pas la seule plaignante à dénoncer l’attitude de son client. Et l’avocate le sait.
Après Maeva, le tribunal ouvre ainsi le chapitre consacré à Alexandra. Il est encore plus épais car celle-ci a vécu plus de deux ans avec le rappeur avant qu’il ne connaisse le succès. Aux enquêteurs, elle a décrit le climat "toxique" dans lequel Moha La Squale la maintenait.
Au quotidien dans leur appartement parisien ou en vacances en Espagne où il n’a pas hésité à tenter de l’étouffer, selon elle, avec un oreiller alors que sa cousine dormait à l’étage du dessous. L’occasion pour la présidente de rappeler le "schéma" des violences: gifles, insultes, crachats, tirage de cheveux, bousculade, étranglement puis étouffement pour éviter qu’il n’y ait de traces…
Les témoignages s’empilent. La présidente les rappelle un par un. Tandis que le rappeur n’a que sa bonne foi à opposer.
"Je vous jure madame. Des insultes, oui. Mais je n’ai jamais levé la main sur une femme… Avant [de devenir] La Squale, je gérais des meufs… J’ai toujours été un mec à meufs. Mais pas violent…"
Et d’expliquer que tout cela a dérapé en raison de la "pression" due à sa célébrité naissante.
La présidente ne connaît sans doute pas ses tubes par coeur mais elle a bien noté que Moha était l’un des artistes les plus en vue lorsqu’il a été mis en examen. "Vous n’êtes pas sur une scène ici ! Vous êtes au tribunal !", lui balance-t-elle lorsqu’il s'empare du micro comme s’il s’apprêtait à faire un freestyle.
Blond décoloré désormais, ceint d’un survêtement flanqué du crocodile Lacoste dont il était l’égérie, le prévenu de 29 ans se montre penaud. "Je suis désolé. Mais ça commence mal. J’ai l’impression que vous me croyez pas ?" Réponse du tac-au-tac : "On verra vendredi, à la fin du procès, si le tribunal vous croit." Pour violences et séquestrations, il encourt une peine de cinq ans de prison.
* Les prénoms ont été changés