"Il croit en son étoile": Philippe partagé entre ses ambitions et la peur du symptôme Juppé

La fin d'une diète médiatique? En moins de quelques jours, Édouard Philippe qui apprécie se faire rare, est partout: de TF1 à France Inter en passant par les vitrines des librairies pour son nouveau livre, la rentrée de son parti à Angers et un débat avec Fabien Roussel à la Fête de l'Humanité ce week-end.

"Il a une rentrée politique à faire, mais il choisit sa temporalité et il ne parle que quand il a des choses à dire. Ce n'est pas un homme qui s'exprime matin et soir", résume le patron des députés Horizons Laurent Marcangeli à BFMTV.com.

"Rappeler qu'il est de droite"

Son ouvrage Des lieux qui disent, qui ne sera pas "un programme", devrait cependant donner des "directions" au sujet de sa vision de la France. Avec un prisme de droite: lors de ses dernières prises de parole, le maire du Havre a ainsi plaidé en faveur de la retraite entre 65 et 67 ans ou pour la fin des accords sur l'immigration entre l'Algérie et la France.

"Sa stratégie est assez claire: rappeler ce qu'il pense et faire comprendre que sur beaucoup de sujets, il a envie d'aller beaucoup plus loin qu'Emmanuel Macron", détaille l'un de ses proches.

La plaisanterie pour aborder sa transformation physique

L'opération médiatique en cours cherche également à habituer les Français à sa transformation physique liée à deux maladies qui lui ont fait perdre notamment sa barbe, ses cils et ses sourcils, sans conséquence directe sur la santé.

"Je ne peux pas faire comme si ça n'existait pas, (...) parce qu'il y a plein de gens, quand ils me voient, qui se demandent si ce ne serait pas une maladie très grave", a reconnu Édouard Philippe sur TF1 dimanche.

"Si les Français se disent qu'il faut impérativement que les candidats aux élections aient de longs cheveux, je n'ai aucune chance", a encore souri le quinquagénaire.

"Prêt à attaquer"

Humour ou pas, l'énarque rate rarement une occasion de faire savoir qu'il est en forme. En janvier dernier, l'édile de Seine-Maritime s'est ainsi mis en scène en train de faire de la boxe ou du gainage dans les colonnes du Point.

"Le garçon est affûté. Il est en forme intellectuellement et physiquement comme les dirigeants doivent l'être et ça montre aussi qu'il est prêt à attaquer", traduit le député Horizons Vincent Thiébaut.

"Il gère sa transition physique, il s'est mis à porter des lunettes qui lui structurent le visage. Au début, on ne le reconnaissait pas, c'était hard. La politique, ce n'est pas un concours de beauté, mais il faut quand même qu'on vous sache qui vous êtes", remarque, acide, un macroniste qui ne l'apprécie guère.

La malédiction du favori

De quoi lui laisser espérer "conquérir le pouvoir" avec Horizons en 2027 avec "une très grande patience " et "une très grande détermination". Pour l'instant, les sondages ont de quoi lui donner le sourire.

Dans son camp politique, Édouard Philippe est à ce stade le meilleur successeur à Emmanuel Macron. Avec 31% d'opinions favorables chez les Français, il devance nettement Bruno Le Maire (16%) et Gérald Darmanin (12% d'après un sondage Elabe pour BFMTV.

Dans les rangs de son mouvement, on est pourtant bien conscient du principal handicap de l'ex-locataire de Matignon: sa position de favori dans les sondages. Au point que Christian Estrosi a fait applaudir "son ami Édouard... Balladur" lors d'une visite à Nice début septembre. De quoi faire sourire l'intéressé qui a pris le lapsus à la plaisanterie mais qui révèle le poids de l'étiquette de favori.

"On a fait ensemble la campagne d'Alain Juppé pour la présidentielle. On sait bien que les sondages ne font pas l'élection", assure Arnaud Péricard, le maire de Saint-Germain-en Laye, l'un de ses très proches.

"Confiance dans son destin"

L'ex-maire de Bordeaux, qui avait fait la course en tête pendant deux ans dans les sondages, n'avait finalement même pas remporté la primaire LR.

"Philippe dit qu'il est conscient qu'être favori peut se transformer en boulet. Mais il croit en son étoile. Si Juppé avait gagné, il aurait été secrétaire d'État. Macron a fait de lui un Premier ministre. Ça donne confiance", confie un ancien collaborateur.

Pour tenter de conjurer le mauvais sort et mettre à profit les quatre années qui le séparent de la course à la présidentielle, Édouard Philippe apprécie se rendre à la rencontre des Français, sans caméras ni micro. Comme un certain Laurent Wauquiez, qui mise aussi tout sur 2027.

"Ils se ressemblent bien tous les deux. Ils veulent gagner sans prendre aucun risque. On verra bien ce que ça donnera", tance un député Renaissance, proche de Gérald Darmanin.

Des "philippistes" raillés en macronie

L'ex-Premier ministre tente aussi de faire fructifier sa boutique en maillant consciencieusement l'Hexagone avec des délégués départementaux, guère connus du grand public.

"Ce ne sont pas toujours des gens très identifiés au niveau national mais quand votre maire que vous appréciez soutient Édouard Philippe, ça a du poids", veut croire le numéro un des députés Horizons Laurent Marcangeli.

Dans les rangs de Renaissance, la stratégie fait sourire en jugeant que les membres d'Horizons brillent peu pour l'instant. En mars dernier, les députés d'Édouard Philippe n'étaient par exemple pas parvenus à convaincre leurs alliés de la majorité de voter en faveur de leur proposition pour punir plus sévèrement la récidive.

"Quand on voit leurs parlementaires et leurs deux ministres (Christophe Béchu, le ministre chargé de la Transition écologique et Agnès Firmin-Le Bodo, secrétaire d'État à la santé, NDLR) que personne ne connaît, je doute un peu", critique un macroniste.

"Partir loin et vraiment"

Édouard Philippe préfère, lui, jouer le calme des vieilles troupes. Avec en guise d'exemple, sa passion étonnante pour les ancres. "C'est le symbole de celui qui maîtrise son destin" pour "partir loin et vraiment", a lancé tout sourire l'ex-Premier ministre dimanche soir.

D'autres auraient pu lui rappeler que certaines zones maritimes sont interdites à l'ancrage, notamment lorsqu'elles contiennent des munitions immergées.

Article original publié sur BFMTV.com