« Crime de guerre » ou « terrorisme » ? La position de La France insoumise sur le Hamas passée au crible

La formation de Jean-Luc Mélenchon refuse de qualifier de terroristes, les actes commis par le Hamas, au nom du « droit international ». Mais qu’en est-il vraiment ?

Mathilde Panot et Manuel Bompard, lors de la déclaration du groupe LFI sur la situation en Israël le 10 octobre.
MIGUEL MEDINA / AFP Mathilde Panot et Manuel Bompard, lors de la déclaration du groupe LFI sur la situation en Israël le 10 octobre.

POLITIQUE - L’expression, évoquée pour la première fois lundi 9 octobre par Manuel Bompard, est devenue la référence pour la France insoumise pour définir l’attaque commise par le Hamas en Israël : « crime de guerre ». En refusant (encore) de nommer l’organisation islamiste comme « terroriste », Mathilde Panot a officialisé mardi 10 octobre à l’Assemblée nationale la position du parti mélenchoniste, dont la position sur les événements a provoqué un tollé.

« C’est la branche armée qui est aujourd’hui responsable de crimes de guerre », a-t-elle déclaré devant la presse, isolant davantage LFI au sein de la NUPES. Ce mercredi 11 octobre sur franceinfo, Manuel Bompard a répété cette notion, en se rangeant derrière le « droit international » qui disqualifie selon lui la nature terroriste de l’action menée par le Hamas.

« C’est la seule manière qui permet de poursuivre les auteurs », fait valoir le coordinateur national de la France insoumise, qui refuse de citer le Hamas parmi les organisations terroristes, au motif que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pris de résolution pour le désigner comme tel. « Les actes qui ont été commis, ce sont des actes de crimes de guerre », a-t-il martelé, balayant encore la dimension terroriste de l’attaque.

« Notion d’intention »

Auprès du HuffPost, l’historien militaire Michel Goya explique la distinction qui existe entre un crime de guerre et une attaque terroriste. « Un acte terroriste, c’est quand vous frappez délibérément une population pour obtenir un effet psychologique qui a pour but de provoquer la terreur. L’horreur est mise en scène, filmée et diffusée avec cet objectif bien précis », explique le spécialiste. « Le crime de guerre c’est autre chose : c’est quand des armées régulières sortent de leur rôle d’engagement, en frappant des populations civiles, en tuant des prisonniers etc. », poursuit-il, précisant que c’est « la notion d’intention de l’opération » qui permet de différencier les deux concepts.

Concernant l’attaque commise par le Hamas, notre interlocuteur, ancien colonel des troupes de marine, est catégorique. « C’est une opération purement terroriste. Ce n’est pas un accident : ce ne sont que des innocents et des civils qui ont été pris pour cibles. La terreur était une fin en soi. Il n’y a aucun doute là-dessus, pas de débat », assure Michel Goya, opposant cette attaque aux crimes de guerre habituellement déplorés, de l’emploi disproportionné de la force débouchant sur la mort de civils (y compris par Israël) aux dérapages de troupes commettant des exactions.

Alors, pourquoi ce refus exprimé par la France insoumise de qualifier l’attaque et les auteurs de terroristes ? « Depuis les années 70, chez une partie de la gauche, il y a toujours une confusion entre la résistance, la lutte émancipatrice, et le terrorisme. Avec l’idée derrière qu’il s’agit d’un combat normal, d’une réponse à une situation d’injustice. Que ce n’est pas si grave que ça au regard du contexte global », décrypte l’historien.

Comme expliqué plus haut, les insoumis estiment que la notion de crime de guerre est plus efficace, puisqu’elle permet des poursuites à l’international. À l’appui, un communiqué de l’ONU qui évoque le concept ou encore le vocable utilisé par les ONG, à l’image de Human Rights Watch, qui affirme que « le fait que les groupes armés palestiniens aient apparemment pris délibérément pour cible des civils, qu’ils aient mené des attaques aveugles et qu’ils aient pris des civils en otage constitue un crime de guerre au regard du droit humanitaire international ». Pour appuyer sa démonstration, Manuel Bompard a d’ailleurs fait valoir que « le représentant de l’État d’Israël aux Nations Unies emploie les mêmes termes ».

« Damage control »

Certes, mais cela ne veut pas dire que « crime de guerre » et « terrorisme » sont antagonistes. Bien au contraire, puisque l’État hébreu peut très bien mettre en avant la première notion devant les institutions internationales et, politiquement, qualifier ces actes de terrorisme. Ce qu’il fait par ailleurs. Comme le souligne Libération, la distinction faite par LFI a de surcroît peu de sens à l’étranger, le journal The Atlantic indiquant dans un article que les ONG « collectent des preuves des crimes de guerre commis par les terroristes du Hamas ».

Alors, pourquoi faire cette distinction ? « Ils vont sur le terrain du droit international pour tenter de se rattraper. Mais c’est venu après. Leur première analyse c’est que ce sont les “forces armées” d’un État palestinien dans une guerre légitime contre Israël. Ils sont en “damage control” », décrypte pour Le HuffPost Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste en communication politique et enseignant à Sciences Po. Effectivement, le premier communiqué de la France insoumise (qui a provoqué une avalanche de critiques) ne mentionne nullement les « crimes de guerre » du Hamas.

« À la décharge de LFI, ils n’étaient peut-être pas au courant de l’horreur de la situation au premier communiqué, et ils ont commencé par considérer qu’il s’agissait d’un combat normal. Et puis, ensuite, ils ont dû trouver une formule qui ne donne pas l’impression de rétropédaler », appuie Michel Goya. Dans une série de tweets amers, l’eurodéputé David Cormand a sèchement répondu au député insoumis Hadrien Clouet qui mettait en avant sur X (ex-Twitter) ces notions de droit international pour qualifier la situation : « le sujet n’est pas de rédiger une résolution de l’ONU mais de nommer politiquement les choses. Ce que vous persistez à vous montrer incapables ».

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