Créteil: une femme meurt après un surdosage d'antibiotiques, une information judiciaire ouverte

L'hôpital Henri Mondor à Créteil, dans le Val-de-Marne. - Bertrand Guay
L'hôpital Henri Mondor à Créteil, dans le Val-de-Marne. - Bertrand Guay

Ce 2 février 2019, Sylvie, une secrétaire médicale de 40 ans, se présente à l'hôpital Henri Mondor à Créteil pour des maux de tête. Prise en charge rapidement, cette femme va décéder deux mois plus tard après avoir reçu une dose trop importante d'antibiotiques pour soigner une méningite. Sa famille, qui a porté plainte, réclame aujourd'hui des réponses pour comprendre comment cette erreur pu être commise.

A son arrivée au CHU de Créteil, un diagnostic est pourtant rapidement posé: la mère de famille souffre d'une hémorragie au cerveau, conséquence d'une rupture d'anévrisme. Son pronostic vital est engagé et elle est opérée à deux reprises. Une dérivation ventriculaire externe, un système de drainage permettant de contrôler l'hypertension intracrânienne, est installée à la base de son crâne. L'état de santé de la quadragénaire se stabilise, fluctue, jusqu'à ce que l'équipe médicale lui diagnostique une méningite, une inflammation des méninges, la membrane qui couvre le cerveau.

Nouvelle stratégie médicale

Selon nos informations, Sylvie est traitée avec des antibiotiques par perfusion mais l'infection demeure. Le 15 mars, son cas est évoqué par l'équipe médicale. D'abord dans la matinée entre l'interne de garde ce jour-là au service anesthésie-réanimation chirurgicale et l'un des médecins du service sur la necessité de mettre en place une nouvelle stratégie. La solution évoquée est alors d'administrer les antibiotiques directement dans le drain installé dans le crâne de la patiente.

Le traitement est ensuite abordé lors du "staff", une réunion organisée tous les après-midis dans le service, à laquelle participent les médecins et les internes pour évoquer les cas des différents patients. Mais l'interne à qui reviendra la tâche de traiter Sylvie doit s'absenter en raison d'une urgence. Deux autres internes sont bien présents ce jour-là, mais elle seule peut se rendre au chevet de ce patient. En son absence, il est décidé du nouveau protocole pour la mère de famille.

Erreur de dosage

Ce n'est que dans l'après-midi que le médecin spécialiste transmet ses instructions à l'interne de 28 ans. Le dosage est vérifié, elle devra administrer 15 mg de gentamicine directement dans la dérivation ventriculaire externe, donc directement dans le cerveau de la patiente. L'interne, qui en est à sa dixième année de médecine dont quatre de spécialisation, lui en administre 740 mg. Lors de l'injection du médicament, la patiente est prise de nausées, de vomissements.

Pourquoi une telle dose? L'interne a reconnu son erreur devant les policiers. Elle explique avoir compris que l'instruction était de donner 15 mg d'antibiotique par kilo, comme c'est le cas pour une injection par voie parentérale. Elle raconte aussi qu'il s'agissait de la première fois qu'elle réalisait ce type d'injection même si elle en connaissait le fonctionnement. L'autopsie a relevé des lésions cérébrales nécrotiques.

Tout le monde a établi que les dosages sont en cause dans le décès de cette patiente, explique Me Julie Prevel, avocate de la famille de la femme décédée. Mes clients veulent comprendre. Est-ce qu'il s'agit d'une erreur humaine isolée? Est-ce qu'elle a été favorisée par un système? Pourquoi l'interne était-elle seule à ce moment-là? Ils cherchent des réponses car ce drame pourrait arriver à n'importe qui, ils souhaitent que ça ne se reproduise pas.

Une information judiciaire ouverte

La famille de Sylvie a porté plainte une première fois pour "manquement à obligation de sécurité ayant entraîné la mort". La quadragénaire est alors dans un coma profond depuis cette injection. L'arrêt de l'administration du médicament puis un lavage du cerveau rapide n'ont pas permis d'atténuer les effets du médicament sur le cerveau. La famille se résout à cesser de la maintenir en vie et la mère de famille décède le 13 mai, près de deux mois après l'injection surdosée. L'enquête préliminaire est alors requalifiée pour "homicide involontaire".

L'interne, l'un des médecins du service ainsi que le chef de service anesthésie-réanimation chirurgicale ont été entendus dans le cadre de cette enquête. La jeune praticienne, qui n'a pas été sanctionnée par sa hiérarchie, est décrite comme consciencieuse, travailleuse, professionnelle. Le 28 avril dernier, le parquet de Créteil a finalement ouvert une information judiciaire pour "homicide involontaire". De nouvelles expertises vont être demandées.

Contactés par BFMTV, l'AP-HP, dont dépend l'hôpital Henri Mondor à Créteil, et l'avocat de l'interne, n'ont pas répondu.

Article original publié sur BFMTV.com