Crématoriums débordés, pénurie de médicaments... La Chine face à l'explosion du Covid-19

Plus de trois ans après l'apparition des premiers cas de Covid-19 à Wuhan, dans l'est du pays, la Chine fait face à une nouvelle flambée des cas de Covid-19. Sur les réseaux sociaux mais aussi dans les médias, de nombreux témoignages font état d'hôpitaux et de crématoriums surchargés, obligés de laisser les corps disposés à même le sol.

Bien qu'aucune statistique officielle sur cette nouvelle vague épidémique n'ait été transmise par les autorités chinoises, soucieuses de préserver une opacité totale sur les difficultés rencontrées par le pays dans sa gestion de la pandémie, des premiers décès - très sous-estimés selon les experts - ont été rapportés. Depuis le début de la semaine, sept morts ont été rapportés à Pékin.

Levée brutale des mesures de freinage épidémique

Cette nouvelle vague épidémique intervient alors que le pays a brusquement levé début décembre sa très stricte politique de gestion de l'épidémie. Jusqu'alors, les personnes testées positives avaient pour obligation de s'isoler dans des centres de quarantaine au confort plus que sommaire, et les Chinois étaient soumis à une politique de dépistage massive.

Face à un mouvement de contestation inédit depuis Tiananmen en 1989, notamment causé par la mort de plusieurs personnes dans un incendie dans le Xinjiang, le pouvoir chinois a consenti à lâcher du leste. Les personnes testées positives présentant des symptômes faibles peuvent désormais se confiner chez elles, et l'exigeante politique de dépistage a été abandonnée.

Deux provinces, celles de Chongping et du Zhejiang, ont assuré que les malades du Covid-19 pouvaient même continuer à se rendre au travail à condition de prendre des "mesures de protection". Dans les médias d'État, le ton a progressivement changé pour présenter la maladie comme une infection banale.

Seulement 20% des plus de 80 ans totalement vaccinés

Mais ce relâchement soudain intervient alors que la population chinoise est peu protégée face au virus. D'abord, car les conditions sanitaires imposées aux Chinois depuis trois ans les ont peu exposés au virus, limitant leur immunité collective. Ensuite, car la couverture vaccinale du pays est limitée. Seuls 65,8% des plus de 80 ans ont reçu deux doses de vaccin, et uniquement 20% trois doses. Et pour ne rien arranger, les vaccins à ARn messager, très efficaces, ne sont pas autorisés dans le pays.

L'Organisation mondiale de la santé a d'ailleurs souligné que l'explosion récente des cas n'est pas uniquement lié au relâchement des mesures, mais à des causes plus profondes. Face à un virus devenu extrêmement contagieux au gré de ses mutations, la remontée des cas en Chine était perceptible avant même le changement de politique pris par le gouvernement chinois.

Du côté du système hospitalier, la remonté des cas inquiète. Les hôpitaux du pays ne sont pas proportionnés pour une population d'1,4 milliard d'habitants. On ne dénombre que 4,5 lits de soins intensifs pour 100.000 habitants, rapporte L'Express, contre 28,5 à Taïwan ou 25,8 aux États-Unis.

Leong Hoe Nam, un expert en maladies infectieuses basé à Singapour, estime que les hôpitaux du pays sont déjà trop pleins pour accueillir de nouveaux patients, et que la vigueur de cette nouvelle vague a été sous-évaluée par les professionnels de santé. Les autorités chinoises ont indiqué que 106.000 médecins et 177.700 infirmiers allaient être redirigés vers des services de soins intensifs.

Pénurie de médicaments

Les queues n'en finissent pas devant les pharmacies de Pékin, où chacun essaie de se procurer des médicaments anti-Covid et des auto-tests, qui manquent cruellement à l'appel. Chen, un livreur à domicile, confie: "On ne peut plus acheter de médicaments contre la fièvre sur les sites de vente en ligne. Alors je suis venu voir dans cette pharmacie".

Plusieurs villes chinoises se sont empressées ces derniers jours d'installer des hôpitaux de fortune, comme à Pékin, où un stade a été reconverti en hôpital. Des lits ont été disposés au centre, séparés par des cloisons. Fang Shimin, écrivain et blogueur chinois suivi par près d'un million de personnes sur Twitter, partage ces derniers jours sur son compte des vidéos montrant des hôpitaux croulants de patients sous assistance respiratoire, parfois allongés sur le sol par manque de place.

Situation critique dans les crématoriums

Mais c'est dans les crématoriums du pays que la situation est la plus grave. Là encore, bien qu'aucune communication officielle ne fasse état de difficultés spécifiques, les témoignages alarmants se multiplient.

Un employé d'une maison funéraire de Chongping assure que le nombre de morts ces derniers jours "est beaucoup plus important qu'avant".

"On est tous très occupés, il n'y a plus de place pour les corps dans les chambres froides", estime-t-il.

À Pékin, "évidemment que nous sommes occupés, quel endroit ne l'est pas en ce moment?", s'interroge un employé d'une maison funéraire. Quant à Canton, au sud du pays, un homme fait état d'une situation "extrêmement préoccupante". "Nous incinérons plus de 40 corps par jour contre une douzaine auparavant. On est trois à quatre fois plus chargé que les années précédentes".

Toujours sur Twitter, Fang Shimin a partagé ce mardi une vidéo tournée dans une maison funéraire chinoise. Des dizaines de cadavres enveloppés dans des housses jaunes ou oranges sont déposés à même le sol.

Dans les prochaines semaines, la situation devrait empirer. Le Nouvel An lunaire, prévu en janvier, va entraîner sur les routes des millions de Chinois, désireux de célébrer cette fête en famille. Une étude récemment publiée par trois professeurs de l'Université de Hong Kong annonce la mort possible dans les prochains mois d'un million de personnes.

Article original publié sur BFMTV.com