Covid-19 : faut-il élargir la vaccination AstraZeneca à tous ?

Photo d'illustration

En Allemagne, trois Länder ouvrent la vaccination à l'AstraZeneca à tous les adultes. Une solution qui pourrait permettre d'utiliser les doses qui ont de plus en plus de mal à trouver preneur parmi les plus de 55 ans.

Les doses d'AstraZeneca commencent à avoir du mal à trouver preneur. La preuve avec ces nombreux créneaux de réservation non utilisés dans différentes casernes de pompiers à Paris, qui injectent des vaccins AstraZeneca aux professions prioritaires de plus de 55 ans.

Un constat qui semble se faire dans plusieurs villes du pays comme en témoignent des médecins dans Nice Matin, ou sur les réseaux sociaux.

"Difficile de trouver des patients qui veulent être vaccinés avec AstraZeneca"

Plusieurs médecins témoignent également de difficultés à trouver des patients à vacciner avec le vaccin AstraZeneca. "Pour l'instant, j'ai arrêté les primo-vaccinations avec AstraZeneca. J'ai très peu de personnes intéressées, je vais me consacrer aux secondes injections pour le moment", nous confie le docteur Jérôme Marty, qui officie dans l'Hérault.

Même constat dans le Pas-de-Calais pour le médecin généraliste Michaël Rochoy, qui confie "qu'il devient difficile de trouver des patients qui veulent être vaccinés avec AstraZeneca", entre ceux déjà vaccinés et ceux qui préfèrent avoir un vaccin Pfizer ou Moderna.

VIDÉO : le vaccin AstraZeneca boudé :

Vacciner des stars pour relancer AstraZeneca ?

Le vaccin AstraZeneca est réservé aux plus de 55 ans en France, en raison d'un risque de thrombose, selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé et de l'Agence européenne des médicaments. Un risque qui est tout de même très faible : 287 cas de thrombose ont été signalés dans le monde chez des personnes ayant reçu le vaccin AstraZeneca, selon l'Agence européenne du médicament.

En France, 23 thromboses rares et 8 décès sur 2,7 millions d'injections. Si les autorités rappellent que la balance bénéfice / risque est très largement en faveur du vaccin, et que les caillots sanguins représentent un effet secondaire "très rare", rien n'y fait, la défiance est installée.

A LIRE AUSSI>> Des personnalités pour inciter à se vacciner : "Ça a l'air ridicule mais c'est très efficace", assure un spécialiste de la communication politique

Pour y remédier, le gouvernement mise sur une campagne de communication en faisant vacciner devant les caméras des personnalités dans la cible d'âge. Les noms de Sheila, Mimi Mathy ou encore Arthur sont notamment évoqués.

En Bavière, AstraZeneca autorisé pour tous les adultes

Une défiance populaire qui ne touche pas que la France. En Allemagne, le vaccin est réservé aux plus de 60 ans. Sauf que, depuis hier, trois Länder ont décidé d'ouvrir à tous les adultes la vaccination avec l'AstraZeneca : la Bavière, la Saxe et le Mecklembourg-Poméranie occidentale, rapporte la ZDF, sous condition d'une consultation médicale préalable pour les moins de 60 ans. Un moyen d'accélérer la vaccination tout en évitant de devoir jeter des doses.

Une idée qui pourrait permettre à la France de résoudre ce problème. "C'est une possibilité, mais reste à voir si ça marcherait. Je crains que peu de personnes, quel que soit leur âge, soient intéressées par ce vaccin, car le mal est déjà fait. Cela pourrait permettre à la marge, de vacciner quelques personnes", redoute le docteur Jérôme Marty, président du syndicat UFML.

"Soit on abandonne AstraZeneca, soit on l'autorise pour tous les adultes"

Pour lui, "soit on abandonne la vaccination AstraZeneca en France et on donne les doses restantes aux pays qui en ont besoin, soit on ouvre la vaccination à tous les adultes en communiquant clairement sur les faibles risque de thromboses", prône le docteur Marty.

L'ouverture à tous les adultes, une idée que soutien Michaël Rochoy, qui prône une ouverture progressive par tranche d'âge. "Il faudrait par exemple communiquer autour du tableau ci-dessous pour récapituler l'avantage que chaque tranche d'âge a à se faire vacciner avec AstraZeneca. On peut imaginer ouvrir AstraZeneca aux 40-55 ans dans un premier temps, une tranche d'âge qui a un très fort intérêt à se faire vacciner avec ce vaccin", explique le médecin généraliste.

Un bénéfice risque très favorable pour les adultes

Ce tableau récapitule la balance bénéfice / risque du vaccin AstraZeneca selon l'âge. Il met en opposition les admissions en réanimations évitées grâce au vaccin AstraZeneca (à gauche) face au risque d'un effet secondaire grave en raison du vaccin, le tout selon différentes tranches d'âge. On y voit par exemple que la balance bénéfice risque des 40 ans et plus ne fait aucun doute.

"Si des adultes veulent être vaccinés, ils prennent connaissance des faibles risques, y vont en connaissance de cause, et le vaccinateur n'engage pas sa responsabilité. Mais on va avoir du mal à rester dans cet entre-deux avec une vaccination réservée aux plus de 55 ans", estime Jérôme Marty. "Mais attention, prévient Michaël Rochoy, ouvrir AstraZeneca à tous, c'est aller contre les recommandations des autorités de santé, cela peut troubler le message".

VIDÉO - Vaccin contre le Covid : plus de bénéfices que de risques pour AstraZeneca et Janssen :

Des médecins vaccinent déjà des moins de 55 ans

Plusieurs médecins affirment vacciner des personnes de moins de 55 ans avec AstraZeneca malgré les recommandations contraires, au titre de la liberté de prescription. Mais ils engagent leur responsabilité pénale en cas de problème.

A LIRE AUSSI>> Coronavirus : pourquoi des médecins vaccinent les moins de 55 ans à l’AstraZeneca

Au-delà de l'ouverture à tous les adultes ou l'abandon de la vaccination avec AstraZeneca, Michaël Rochoy propose aussi d'autres pistes pour utiliser le vaccin AstraZeneca.

Réserver Pfizer et Moderna aux moins de 55 ans ?

"On pourrait envisager de suivre les recommandations en conservant AstraZeneca pour les plus de 55 ans, mais réserver Pfizer et Moderna aux moins de 55 ans, sauf contre-indications médicale évidemment. Cela imposerait l'AstraZeneca aux plus de 55 ans et éviterait de jeter des doses", propose le médecin généraliste, également chercheur en épidémiologie. "La difficulté de cette stratégie, c'est qu'on a peu de données sur l'efficacité chez les plus de 65 ans, même si cela semble efficace vu les données britanniques".

En effet, lors de son autorisation en France, la Haute Autorité de santé a tout d'abord recommandé ce vaccin aux moins de 65 ans. "Les données chez les personnes de plus de 65 ans n’étant pas encore assez robustes pour ce vaccin, la HAS recommande de vacciner ces dernières préférentiellement avec un vaccin à ARN messager", écrivait la HAS début février. En cause, l'étude menée par le laboratoire comprenait un trop faible nombre de personnes âgées de plus de 65 ans pour que les données soient représentatives.

Un mois plus tard, la HAS recommandait de l'étendre aux plus de 65 ans au vu des données satisfaisantes venues d'Ecosse, qui a vacciné sa population âgée avec le vaccin AstraZeneca. Depuis, les rares cas de thromboses ont poussé les autorités à suspendre le vaccin avant de ne le recommander qu'aux plus de 55 ans.

Première dose d'AstraZeneca, seconde de Pfizer ?

Autre possibilité pour l'avenir du vaccin Astra Zeneca évoquée par Michaël Rochoy : systématiser le "prime-boost hétérologue" de doses à tous les vaccinés avec AstraZeneca. Une méthode qui va être utilisée pour les moins de 55 ans qui ont reçu une première dose de vaccin Astra Zeneca avant son interdiction pour cette tranche d'âge, comme Olivier Véran.

En résumé : une première dose d'AstraZeneca, et une seconde de Moderna ou de Pfizer. "Cela permettrait de rassurer ceux qui refusent AstraZeneca en raison de sa moindre efficacité face aux variants sud-africain et brésiliens. Mais je crains que ceux qui sont opposés à ce vaccin ne soient pas davantage convaincus par cela. La difficulté de cette stratégie, c'est l'absence de données de phase 3 sur ce 'panachage'".

Un vaccin AstraZeneca qui pourrait vivre ses derniers mois en Europe. Le Danemark a déjà annoncé abandonner le vaccin suédo-britannique, tandis que l'UE pourrait ne pas renouveler le contrat avec AstraZeneca, selon Thierry Breton, entre problème de livraisons et méfiance populaire.

Ce contenu peut également vous intéresser :