Covid-19 : confiner trois semaines et "tout rouvrir", est-ce réaliste ?

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Une idée avancée par le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, afin d'éviter un possible confinement le week-end.

La phrase n'est pas passée inaperçue. Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, a fait la proposition d'un confinement de 3 semaines afin "d'avoir la perspective de tout rouvrir" à son issue, y compris bars, restaurants et lieux culturels, a affirmé le premier adjoint sur France Info, jeudi 25 février, quelques heures après la conférence de presse de Jean Castex.

Une "proposition" reléguée à une simple "hypothèse" dès le lendemain matin par le premier adjoint de la mairie de Paris. Mais l'idée est bien lancée, et peine à convaincre les spécialistes en épidémiologie.

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"Une fausse bonne idée"

"Cette proposition n'a aucun intérêt. Au mieux cela va temporairement réduire les cas, et encore il faut voir si le confinement serait respecté, puis l'épidémie va de nouveau flamber à la levée du confinement", dénonce l'épidémiologiste Catherine Hill. Pour elle, il faut "arrêter de penser que le confinement est une solution. C'est une mesure palliative et pas curative. On l'a déjà fait deux fois, et pourtant on fait toujours face au virus", explique l'épidémiologiste.

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L'idée séduit un peu plus le docteur en épidémiologie Michaël Rochoy, qui juge l'idée intéressante "sur le papier". "En théorie, faire un confinement territorialisé pour casser la courbe et reprendre une vie 'normale', c’est une bonne idée. Mais il faut que le confinement soit strict comme en mars dernier et qu'ensuite, on mette en place des mesures de contrôle de l'épidémie de type 'zéro covid'", explique celui qui est aussi membre du collectif Du côté de la science. "Or, ce n'est pas du tout ce qui est prévu", remarque-t-il.

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Trois semaines, une durée trop courte ?

Si la proposition lui paraît intéressante "sur le papier", la stratégie soumise par Emmanuel Grégoire lui semble être une "fausse bonne idée". "Trois semaines aux mêmes conditions qu'en mars, mais avec cette fois le port du masque obligatoire dans les lieux clos, cela peut produire rapidement des effets".

"Mais à Paris comme dans les grandes villes, avec les mouvements de population de toute la France et le nombre d'habitants, trois semaines risquent d'être insuffisantes", remarque le docteur en épidémiologie, qui juge que cette mesure serait plus appropriée à des territoires avec moins de mouvement de population venant d'autres régions. Lors des deux premiers confinements, on estime que les premiers effets sur les chiffres de contaminations ont été ressentis au bout de deux semaines. Mais la donne pourrait avoir changé. Plusieurs études suggèrent que les malades touchés par le variant britannique pourraient être contagieux plus longtemps.

"Tout rouvrir après trois semaines serait une erreur"

Un confinement strict qui imposerait notamment la fermeture des écoles comme au printemps 2020. "On aurait pu faire ce confinement de trois semaines autour des vacances scolaires, pour limiter l'impact sur les écoles, et on a loupé le coche, regrette Michaël Rochoy, dont le collectif prônait une fusion des vacances scolaires d'hiver associée à des restrictions pour faire baisser la circulation du virus.

Mais surtout, ce qui l'inquiète le plus dans la stratégie évoquée par Emmanuel Grégoire, c'est l'idée de "tout rouvrir" après le confinement. "Rouvrir les lieux culturels après un confinement avec un protocole strict, quand le virus circule moins, c'est une bonne idée. Mais penser rouvrir les restaurants et bars immédiatement après, c'est une grosse erreur. Ce sont des lieux où l'on ne porte pas le masque, cela ne ferait qu'accélérer la reprise de l'épidémie", pointe du doigt Michaël Rochoy.

Ne pas reproduire l'erreur du Portugal et du Royaume-Uni

Une idée qui a été expérimentée à l'étranger. Constatant un faible nombre de cas, le Royaume-Uni et le Portugal ont ouvert les restaurants cet hiver. L'épidémie s'est emballée et les pays ont du refermer et confiner de nouveau. "Si on rouvre bars et restaurant immédiatement et qu'on se retrouve comme au Royaume-Uni à confiner un mois plus tard, c'est un stop and go violent qui n'a aucun sens. Il vaudrait mieux observer l'évolution de l'épidémie à la fin du confinement avant d'envisager de rouvrir", remarque le docteur en épidémiologie.

Plutôt que l'idée d'un confinement strict, Catherine Hill estime qu'un changement de stratégie des tests permettrait de combler un manquement dans la lutte contre le Covid. "Plutôt que de penser au confinement, il faut regarder les tests. On teste n'importe comment. Il faudrait tester massivement et simultanément la population pour repérer les patients positifs et asymptomatiques, au début de leur contagion", prône l'épidémiologiste de l'institut Gustave Roussy, qui rappelle que plus de la moitié des contaminations viennent de gens qui n'ont pas de symptômes, et reçoivent leur test positif trop tard, lorsqu'ils ont déjà eu leur pic de contagiosité.

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