Coronavirus : à quoi ressemblerait la stratégie "zéro covid" en Europe ?

La stratégie "No Covid" en Australie permet une vie "normale".

Les partisans de cette stratégie, qui a montré son succès en Asie et en Océanie, sont de plus en plus nombreux en Europe.

Abandonner l’idée de vivre avec le virus et opter pour une stratégie de suppression du Covid-19. L’idée, adoptée depuis le début de la pandémie en Asie et en Australie et Nouvelle-Zélande, séduit de plus en plus en Europe. Une idée qui pourrait devenir indispensable alors que l’apparition de mutants, favorisée par une circulation élevée du virus, peuvent mettre à mal l’efficacité des vaccins.

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“Viser l’objectif zéro Covid constitue un moyen clair de traverser la pandémie en minimisant les dégâts”, explique un groupe de scientifiques internationaux, des sociologues ou encore des économiste dans une tribune publiée dans plusieurs médias européens : Le Monde en France, mais aussi le Süddeustche Zeitung en Allemagne, El Pais en Espagne, La Repubblica en Italie, De Volkskrant aux Pays-Bas ou encore Rzeczpospolita en Pologne.

Une vie “normale” dans les zones vertes

L’idée est simple : un code couleur pour différencier des zones, au niveau régional ou départemental par exemple en France, des Länder en Allemagne, selon la circulation du virus. À l’instar de la carte présentée au printemps dernier lors du déconfinement, mais qui serait mise en place à l’échelle européenne, pour différencier les zones vertes, où la vie pourrait reprendre. “Plus ces zones seront de taille réduite, plus vite elles pourront retrouver un fonctionnement normal et éviter des mesures contraignantes”, insistent les auteurs de la tribune.

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La carte de circulation du virus au 30 avril 2020.
La carte de circulation du virus au 30 avril 2020.

“Sanctuariser les zones vertes”

“Contrairement au printemps, il faudra cette fois concentrer les efforts sur les zones ‘vertes’, les ‘sanctuariser’ avec des restrictions de mobilités pour les protéger des régions où le virus circule plus”, explique Miquel Oliu-Barton, Maître de conférences en mathématiques à l’université Paris-Dauphine et signataire de la tribune.

Dans les zones vertes, où le virus circulerait très faiblement, en dessous de 10 cas pour 100 000 habitants par exemple, la vie serait “normale”, avec une ouverture des restaurants, des bars et lieux de culture.

Un isolement obligatoire à l’entrée des zones “vertes”

Mais pour y venir en provenance d’une zone où le virus circule plus activement, zone orange ou rouge par exemple, des restrictions strictes seraient mises en place, pour éviter la réintroduction du virus : “des tests PCR obligatoires voire un isolement”, poursuit Miquel Oliu-Barton, qui proposait une telle solution en octobre dernier, dans Les Echos. En revanche, la circulation entre zones vertes pourrait se faire librement, sans restriction.

Dans ces zones vertes, la circulation de l’épidémie serait plus facile à contrôler : le triptyque “tester tracer isoler”, serait plus efficace en se concentrant sur les quelques cas positifs, les dépistage préventifs permettraient de repérer les cas positifs et le séquençage pour identifier de potentiels variants devraient être renforcés afin de “sanctuariser” les zones vertes et de poursuivre cette stratégie, développent les auteurs d’une stratégie européenne de suppression du Covid, parue dans The Lancet.

Agir rapidement dès les premiers cas

En cas de résurgence de l’épidémie dans une zone verte, rapidement détectée grâce aux tests qui y sont menés, des mesures doivent être rapidement prises, insistent les auteurs de cette stratégie européenne, afin d’empêcher une flambée de l’épidémie dans cette zone, avec l’isolement obligatoire pour les personnes positives.

C’est par exemple ce qui se fait à Auckland, où 2 millions de Néo-Zélandais ont entamé ce lundi 15 février un confinement de trois jours à cause de trois cas recensés de Covid-19. En Australie, l’état de Victoria a décidé de 5 jours de confinement après l’apparition de seulement 19 cas de Covid.

Un accompagnement financier en cas d’isolement

Pour s’assurer du respect de cette stratégie, une aide pour les plus vulnérables, contraints de s’isoler, doit accompagner ces restrictions, poursuivent les auteurs du plan européen. Les auteurs de ce plan européen recommandent de “définir clairement les objectifs à atteindre pour que les restrictions soient levées et expliquer la logique qui les sous-tend”. Ainsi, ils prônent de “définir et de communiquer des objectifs communs qui mettront fin au confinement lorsqu'ils seront atteints, plutôt que de fixer des dates précises”.

C’est par exemple ce qu’a initié l’Italie, en mettant des couleurs selon la circulation du virus dans les régions, et qui ont permis une réouverture des restaurants dans plusieurs régions, où le virus circule moins.

“Une fois une zone verte établie, en voyant les bénéfices sanitaires et économiques, les autres régions ou pays autour seraient séduits et incités à avoir une politique pour eux aussi passer en zone verte”, espère Miquel Oliu-Barton, qui rappelle qu’une telle décision doit être prise à l’échelle nationale, puis déclinée localement. Une stratégie étudiée par Angela Merkel en Allemagne, où le confinement a été prolongé ces dernières semaines malgré un taux d’incidence en forte baisse.

Ce qu’il faut faire pour mettre en place cette stratégie

Mais avant de mettre en place une telle stratégie, il faut d’abord réduire la circulation du virus à un niveau très faible, autour de 10 cas pour 100 000 habitants. Or, la France compte en moyenne 18 000 cas par jour, avec de fortes disparités territoriales. En Bretagne, le taux d’incidence est de 83,8 cas pour 100 000 habitants contre une moyenne de 188,4 au niveau national.

Preuve que cette faible circulation du virus est atteignable, “à l’été 2020, la plupart des régions et des pays étaient des zones vertes à la suite des mesures strictes et simultanées qui avaient été instaurées” rappellent les auteurs de la tribune parue dans Le Monde.

Des conditions trop strictes ?

Une telle stratégie nécessite également un traçage très important de la population, via notamment l’application Tous Anti Covid, mais également une coordination et une mise sous cloche de certaines régions. “Il faut mettre cette question au coeur du débat démocratique, et pousser les dirigeants à y réfléchir”, souhaite Barbara Serrano, maître de conférence et cosignataire de la tribune.

Alors que l’idée d’un passeport vaccinal divise, des mesures strictes avec des tests obligatoires voire un isolement à l’entrée d’une zone verte, que l’on imagine difficilement réalisables au sein d’un pays, pourrait entraîner un rejet de cette stratégie au sein de la population.

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