Ces couples se parlent avec une voix de bébé et c’est à la fois une source de joie et de honte
VIE DE COUPLE - « Ceux qui disent qu’ils ne le font jamais mentent, ou alors ils ne s’en rendent pas compte ». À 34 ans, Élodie* assume parfaitement d’utiliser, à l’occasion, une petite voix mielleuse et enfantine quand elle s’adresse à son conjoint. Cette manière régressive de parler a un nom : les anglophones l’appellent le « baby talk », en référence à la voix perchée qu’utilisent les parents pour gazouiller à leur bébé.
Mais le baby talk se prête aussi très bien aux conversations avec ses animaux de compagnie, ses plantes… ou, donc, son partenaire. Pourquoi tant de couples utilisent-ils cette fameuse voix de bébé ? Et pourquoi cette pratique courante dans l’intimité est-elle aussi dérangeante devant les autres ? Le HuffPost a donné la parole à cinq personnes pour parler de ces moments aussi embarrassants que précieux pour leur vie de couple et de leur gêne quand ils voient les autres faire la même chose.
Surnoms débiles et voix haut perchée
Béa* a du mal à décrire la manière dont elle et son partenaire Benoît* communiquent dans certains moments d’intimité. « On utilise des surnoms mignons - pour ne pas dire complètement débiles - avec un genre d’accent de bébé, décrit la trentenaire. Parfois, quand ça fait cinq minutes qu’on se parle comme ça, on se moque un peu de nous-mêmes et on sait que s’il y avait un œil extérieur sur cette conversation, on serait super embarrassés. »
Biwlioup, Pavavon, Taitai… Leurs surnoms, symboles de leur complicité, sont composés d’onomatopées et ils les utilisent souvent avec humour. L’ironie, c’est que cette manière de s’adresser l’un à l’autre a commencé en se moquant gentiment des autres couples. « On voyait ceux qui s’appelaient chaton, bébé, qui se parlaient avec des voix débiles et on les imitait… Mais maintenant, il n’y a plus de moquerie quand je fais du baby talk, c’est sérieux. »
Pour Benoît, c’est une manière de communiquer autrement dans le quotidien « Ça peut servir à dédramatiser une situation ou à mettre l’emphase sur quelque chose de chou qui ne devrait pas autant attendrir un adulte… Ça passe beaucoup mieux avec une voix de gaga, explique-t-il. Et dans des moments de tension ou de tristesse, ça attire l’attention de l’autre. »
Je me suis dit « oulah, il ne faut pas qu’on fasse ça en public »
Pour Nora* et son mari, le baby talk est synonyme de douceur, mais aussi de soin apporté à sa moitié. « Quand je lui demande un service, disons, de me faire un jus d’orange pressé le matin, je lui dis “est-ce que je peux être ta princesse ? Est-ce que je peux avoir du jus d’orange ?” avec une toute petite voix et des intonations enfantines, ça passe mieux. » Le terme « princesse » est d’ailleurs devenu un code pour le couple : si l’un des deux a passé une journée difficile, il ou elle aura droit à une « soirée de princesse » où l’autre prendra tout en charge.
Pendant longtemps, ils ont utilisé cette manière de se parler sans s’en rendre compte. Jusqu’au jour où, sans y faire attention, ils ont utilisé ces petites voix en famille. « Il y avait mes parents et d’un seul coup, j’ai réalisé ce qu’on faisait et je me suis dit “Oulah, il ne faut pas qu’on fasse ça en public”. » D’ailleurs, la plupart des personnes interrogées jugent le baby talk comme un peu honteux. « Je ne le fais pas du tout devant des gens, précise Béa. Je crois que je suis un peu embarrassée d’être comme ça ».
La seule exception est Élodie*, qui n’y voit rien de mal. « Quand on passe du temps avec ses proches, c’est normal d’assister parfois à des moments un peu plus intimes… Sans en faire des tonnes, je préfère faire partie des couples qui se parlent avec une voix toute douce plutôt que de ceux qui s’engueulent devant les autres tout le temps. »
Une intimité qui peut mettre les autres mal à l’aise
Si la majorité des interrogés évite de montrer cet aspect de leur vie de couple en public, c’est aussi parce qu’assister aux mimiques amoureuses de leurs amis ou de leur famille n’a rien de confortable pour eux. Benoît est catégorique : « Quand les gens vont trop loin et prennent des voix trop niaises comme s’ils avaient 4 ans et demi en public, ça peut me dégoûter un peu. »
Nora*, elle, trouve ça plutôt mignon chez ses amis. Chez sa famille en revanche, elle est un peu plus gênée. « Quand je vois ma sœur le faire avec sa copine, je sens que c’est un peu intime, j’ai presque envie de leur dire “faites ça entre vous”. »
Pour Anissa*, cela peut même poser problème quand elle passe du temps avec des couples d’amis. « Bien sûr que je le fais aussi parfois, soupire-t-elle. Mais quand je suis en week-end avec des potes - à qui je parle comme à des adultes -, leur petite voix de bébé, c’est la dernière chose que j’ai envie d’entendre. Ça me donne l’impression de me faire exclure et je n’ai qu’une envie, c’est de m’enfuir très loin. »
Un sentiment d’altérité qui semble logique puisque pour les interrogés, parler en baby talk est une manière de s’isoler dans « leur bulle », leur lieu de complicité exclusif. « Ça fait la distinction avec le reste du monde, on dit des choses que seule la personne en face peut comprendre », explique Benoît. Alexandra Vatimbella, thérapeute de couple et sexologue, le constate dans sa pratique et y voit « quelque chose qui montre qu’il y a un lien fort entre deux personnes, qui se font assez confiance pour se sentir “ridicule” l’une avec l’autre. C’est un signe de complicité, et dans des contextes particuliers de tendresse, ça peut être très bénéfique ».
Elle alerte toutefois sur l’utilisation exclusive du baby talk pour s’adresser à un partenaire, dont elle a pu constater certains effets néfastes en consultation. « Tout le monde est différent et il faut rester dans la nuance. Mais dans certains cas, cette familiarité peut devenir un frein à la sexualité dans le couple. Le baby talk est tendre, mais est-ce que c’est excitant ? Pour certaines personnes, à terme, cela peut devenir un blocage. » En amour comme en nutrition, le miel est donc recommandé avec modération.
*Les prénoms ont été modifiés
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