Couper les réseaux sociaux comme l’a évoqué Macron, est-ce vraiment l’apanage de dictatures ?

RÉSEAUX SOCIAUX - « Ok Kim-Jong Un » ! Mathilde Panot, députée insoumise de la 10e circonscription du Val-de- Marne, n’a guère tardé à comparer Emmanuel Macron au leader de la Corée du Nord mardi 4 juin. La raison de ce parallèle peu flatteur ? La menace par le président de la République de « couper » les réseaux sociaux temporairement en cas de crise comme celle que la France a connue au début de l’été.

La phrase s’est immédiatement attiré de nombreuses critiques, et pas seulement de la part de l’élue de gauche : responsables politiques, associations et simples utilisateurs desdits réseaux n’ont guère apprécié de voir les WhatsApp, Snapchat ou autre Telegram coupé sur une décision politique.

Ce mercredi 5 juillet, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a précisé les contours des interdictions auxquelles songe le gouvernement. S’il ne s’agit pas forcément de couper l’accès total à des réseaux sociaux en France en cas d’émeutes, il pourrait y avoir « des suspensions de fonctionnalité », par exemple « des fonctions de géolocalisation sur certaines plateformes qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel endroit en montrant des scènes et comment mettre le feu etc. », selon lui.

Le porte-parole du gouvernement a également confirmé que l’exécutif souhaitait la mise en place d’un groupe de travail « transpartisan, qui regroupe des parlementaires de tous les bords politiques des deux assemblées », pour « envisager toute modification au projet de loi qui traite de la cybersécurité et de la régulation des outils numériques ». Plus précisément, députés et sénateurs seront chargés de plancher sur d’éventuels « outils ou précisions pour permettre d’intervenir à nouveau » auprès des différentes plateformes, « dans de telles situations », toujours selon les mots d’Olivier Véran.

Un outil de gestion de crise aiguë

Pour les observateurs et critiques de tels projets, limiter l’accès à des réseaux sociaux est tout simplement la marque de fabrique des régimes dictatoriaux. C’est un fait indéniable que les États les moins démocratiques sont souvent ceux qui ont la gâchette la plus facile en la matière, à commencer par la Chine : depuis la fin des années 2000, le pays s’est doté de son propre internet, excluant Google, Facebook ou Twitter pour les remplacer par des applications chinoises. Des programmes prêts à livrer les données personnelles de leurs utilisateurs à Pékin.

Le géant est-asiatique est loin d’être le seul à bannir tout ou partie des réseaux sociaux les plus connus de la planète, comme le montre le classement de la liberté sur internet établi par l’ONG Freedom House. Turquie, Iran, Bangladesh… Le plus souvent, les restrictions mises en place le sont dans une crise politique, un moment où le pouvoir se sent en danger ou bascule.

C’est également le cas d’un autre pays, bien plus démocratique pourtant, et surtout notre voisin direct : l’Espagne. Véritable épine dans le pied de Madrid depuis plusieurs décennies, la question de l’indépendance de la Catalogne a débouché sur une crise aiguë en 2017. Emmenés par Carles Puigdemont, les indépendantistes ont organisé, puis gagné, un référendum sur l’autodétermination des Catalans. L’indépendance a même été proclamée dans la foulée, débouchant sur une destitution du gouvernement et du parlement catalans.

Pendant cette crise, les responsables espagnols ont agi pour interdire les initiatives des indépendantistes sur les réseaux, bannissant les sites internet du référendum, bloquant l’accès à de nombreux sites en « . cat », et coupant l’accès à certaines discussions, sur WhatsApp notamment.

Deux ans après cette crise, le pouvoir du gouvernement a été formalisé dans un décret-loi lui permettant de couper temporairement l’accès à des sites ou aux réseaux sociaux, dans le cas où le pays serait en danger. Depuis, le texte a été amendé mais cette possibilité subsiste, bien que mieux encadrée.

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