Coupe du monde au Qatar : "le sport est politique par essence"

Le président de la FIFA, Gianni Infantino, et les présidents Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors de la Coupe du monde en Russie, le 15 juillet 2018.
Le président de la FIFA, Gianni Infantino, et les présidents Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors de la Coupe du monde en Russie, le 15 juillet 2018.

"Il ne faut pas politiser le sport", a estimé Emmanuel Macron à l’approche du début de la Coupe du monde au Qatar. Pourtant, sport et politique ont en réalité toujours été intimement liés. Explications.

A quelques jours du coup d’envoi de la Coupe du monde de football au Qatar, Emmanuel Macron a estimé que politiser le sport était "une très mauvaise idée". "Ces questions-là, il faut se les poser quand on attribue l'événement", a-t-il lancé aux journalistes à Bangkok (Thaïlande), en marge du sommet du Forum de coopération Asie-Pacifique. Précédemment, le chef de l’Etat a écarté l’idée d’un boycott de la compétition et se rendra au Qatar si les Bleus parviennent à atteindre les demi-finales ou la finale de la compétition.

Pour le géopolitologue Jean-Baptiste Guégan, auteur du livre La République du foot, "le sport est politique par essence". Par ce discours, le président "a voulu dégager l'équipe de France de la politisation et soigner les relations franco-qatariennes".

Les compétitions sportives comme instrument de puissance politique

Les grandes compétitions sportives ont toujours été un moyen pour les pays de rayonner. "Les compétitions sportives internationales catalysent les ambitions de puissance des États-nations, et ce, surtout depuis les années 1930, souligne Carole Gomez, Directrice de recherche à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) et Coordinatrice du projet Sport Lab’, dans un document. Elle cite l’exemple des Jeux olympiques de Munich de 1936 qui ont été l’occasion pour l’Allemagne d’Adolf Hitler d’utiliser le sport comme outil de propagande internationale.

"Organiser des grandes compétitions sportives s'inscrit dans une logique de puissance, ajoute Jean-Baptiste Guégan. En organisant la Coupe du monde la plus cher de l'histoire, le Qatar prépare l’avenir et montre qu'il est capable d'accueillir le monde." Avec six stades flambant neufs dotés d'un système de climatisation ultra moderne, trois nouvelles lignes de métro, un aéroport et une nouvelle ville, entre autres, le pays a ainsi déboursé pas moins de 220 milliards de dollars pour l'organisation de la compétition.

Le sport pour affirmer sa souveraineté

"Disputer la Coupe du monde, participer aux Jeux olympiques, c’est affirmer sa souveraineté, c’est démontrer son existence et son indépendance aux yeux du monde entier", écrit Pascal Boniface dans son livre Géopolitique du sport. La Palestine en est le parfait exemple. "Comme il y a ce mythe de l’apolitisme dans le sport, la Palestine s'est servie du sport pour se faire reconnaître par les instances sportives puis internationales", précise Jean-Baptiste Guégan.

Ainsi, le comité olympique de la Palestine a été reconnu par le Comité international olympique bien avant que le pays ne soit reconnu par les instances internationales. Les premiers athlètes palestiniens ont pu ainsi représenter leur pays en 1996 à Atlanta alors que la Palestine a été reconnue comme État observateur non-membre de l'ONU qu'en 2012. "Le sport est un moyen pour des pays qui n’existent pas encore ou qui veulent faire une scission de tenter d’exister. C’est une première reconnaissance avant l’ONU", ajoute le géopolitologue français. La Catalogne l'a bien compris et a tenté de déposer un dossier pour devenir membre officiel des instances internationales (UEFA et FIFA), tout comme le Pays-Basque.

Le sport, pour unir un peuple

Le sport, et le football en particulier, est aussi un puissant outil de rassemblement. "Il rassemble l’humanité et touche toutes les classes sociales", souligne Jean-Baptiste Guégan. Les grandes compétitions sportives sont l’occasion de mettre les différends politiques de côté pour soutenir l’équipe nationale. Emmanuel Macron n'a pas hésité à se mettre en scène avec les Bleus lors du dernier Mondial en Russie. Avant lui, Jacques Chirac, qui n’a jamais été un grand amateur de football, s'est peu à peu rapproché des footballeurs français après l'Euro de 1996. Une proximité qui lui a servi lors de sa réélection en 2002.

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