"Le corps se tend comme un arc": atteint de la même maladie que Céline Dion, il raconte son quotidien

En France, une poignée de personnes souffrent du "syndrome de l'homme raide", comme la chanteuse Céline Dion, qui ne fait désormais que de rares apparitions publiques. Symptômes, traitement, isolement social... Un Français de 48 ans raconte à BFMTV.com son quotidien avec cette maladie autoimmune rare et très méconnue.

À l'image de Céline Dion, filmée chantant pour la première fois depuis des mois dans les coulisses des Grammy Awards, dimanche 4 février, la vie de Ruben Falkowicz était rythmée par la musique avant qu'il ne soit diagnostiqué du syndrome de l'homme raide en 2017. Chez ce pianiste, aujourd'hui âgé de 48 ans, les premiers symptômes sont apparus quelques mois auparavant, après un grave accident d'escalade.

Lorsqu'il recommence à grimper trois mois après, Ruben Falkowicz remarque d'abord un manque de souplesse étrange au niveau de ses jambes, en plus d'un "mal de dos" devenu chronique. C'est là qu'apparaissent les fameuses raideurs musculaires symptomatiques de la maladie: très vite, il se rend compte qu'il n'arrive plus à plier son dos et qu'il est régulièrement gagné par "des spasmes terribles et incontrôlables" pouvant ressembler à des crises d'épilepsie.

"J'étais si raide que je marchais comme un épouvantail, comme Robocop", se souvient-il. "Et quand je faisais en sorte que ça ne se voit pas c'était encore pire".

Des spasmes également décrits par Céline Dion au moment de l'annonce publique de sa maladie, en décembre 2022. "Ils affectent ma vie de tous les jours à plusieurs niveaux", racontait avec émotion la chanteuse, contrainte d'annuler sa tournée. "J'ai parfois beaucoup de difficultés à marcher et je ne peux pas toujours utiliser mes cordes vocales pour chanter comme je le souhaiterais."

"Comme une crampe de tout le corps"

Au début de la maladie, Ruben Falkowicz raconte qu'il ne parvenait plus à parler ni marcher. "Parfois au milieu d'une rue j'avais absolument besoin de m'allonger sur le dos par terre, tellement la douleur était insupportable", assure ce Français, installé aujourd'hui à Bruxelles.

"Le corps se tend comme un arc. C'est comme une crampe de tout le corps qui va en s'accentuant, tout le corps ne devient plus qu'une crampe horrible", tente de décrire cet ancien musicien professionnel, désormais professeur de piano. "Ça a été l'enfer, véritablement, et ça l'est d'ailleurs toujours un peu".

À cette époque-là, "impossible" pour Ruben Falkowicz de continuer à donner des cours: "Je ne pouvais même plus parler au téléphone. Il m'arrivait de crier avec le dos qui se cambrait, un peu comme la petite fille dans L'Exorciste".

Par chance, le diagnostic est posé assez rapidement, notamment grâce à un test sanguin. Le quadragénaire entame alors un traitement pour soulager ses symptômes, et arrête de travailler pendant trois ans. Mais à ce jour, il n'existe pas de traitement contre les causes de cette pathologie auto-immune.

"Je crois que j'ai appris à vivre avec (...). Ça a été un long chemin pour reprendre petit à petit un semblant de vie normale", raconte Ruben Falkowicz, qui redonne des cours de piano mais n'envisage plus de donner de concerts.

Un syndrome "capricieux" et "difficile à décrire"

Le quadragénaire décrit "un syndrome extrêmement capricieux" qui peut prendre des tas de formes différentes selon les personnes. "Il y en a pour qui seule la jambe est touchée. Elle reste tendue et ils ne peuvent plus marcher, alors que d'autres ont une variante beaucoup plus grave qui touche aussi les organes internes", développe le pianiste, diagnostiqué diabétique de type 1 en parallèle.

De son côté, Ruben Falkowicz explique pouvoir quasiment tout faire normalement, même si ses muscles intravertébraux sont en permanence contractés depuis sept ans.

"Je ne peux pas plier mon dos, il ne se pliera plus jamais", assure-t-il. "Mon corps est comme une planche et c'est pour ça que je peux perdre l'équilibre."

Pour se relever d'une position assise par exemple, il ne peut pas utiliser ses abdominaux mais doit pousser à la force de ses bras. "Comme si j'avais une broche le long de la colonne vertébrale."

"C'est très difficile à décrire", lance-t-il. "Ça multiplie par 100 tout ce qu'on peut ressentir et même une petite interaction prend des proportions hors normes..." C'est la raison pour laquelle "sans s'en rendre compte", Ruben Falkowicz a développé des phobies et peut avoir tendance à s'isoler du reste du monde. Un simple klaxon de voiture peut être pour lui l'élément déclencheur de spasmes musculaires.

"Je vis un peu reclus, ma vie a changé", raconte cet homme. À l'image de Céline Dion, qui ne réalisé plus que des apparitions sporadiques, comme dimanche 4 février, lorsqu'elle est montée sur la scène des Grammy Awards, enveloppée dans un grand manteau brun, dissimulant partiellement son corps et ses mouvements.

"Ça devient insidieux parce que quelque part tout est envisagé sous le prisme de la douleur", explique Ruben Falkowicz. Je traduis tout ce que je vais faire par rapport à la maladie et la douleur que ça va engendrer. On m'invite à des soirées, je n'y vais pas sauf si vraiment je me sens complètement serein."

L'espoir d'une réponse de Céline Dion

Le pianiste ne cache pas que le quotidien avec une maladie rare et invisible peut être lourd. D'un côté, il a envie que ça passe inaperçu mais de l'autre, il peut s'agacer lorsque "les gens oublient ce truc qui (lui) a gâché la vie".

Un certain nombre de médecins ne connaissent d'ailleurs même pas cette pathologie qui touche une personne sur un million, soit une trentaine de cas seulement en France selon le professeur Pierre-François Pradat, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (APHP).

Ruben Falkowicz se réjouit de la prise de parole de Céline Dion, qui donne de la visibilité la maladie. La chanteuse a annoncé la sortie prochaine d'un documentaire dans lequel elle raconte son combat contre la maladie, "pour sensibiliser les gens à cette maladie méconnue et aider les personnes qui partagent ce diagnostic". Le Français a de son côté d'écrire à la chanteuse canadienne pour lui proposer des conseils ou une oreille attentive.

Ésotérisme, thérapies alternatives, magnétiseur, développement personnel... Le pianiste dit avoir "tout essayé" pour tenter d'apaiser ses douleurs et ses phobies, avant d'"arrêter de chercher partout". "À force de chercher on se disperse", confie cet homme, qui dit avoir touché du doigt "les dérives de ce genre de milieu". "On ne sait plus faire la différence entre ce qui marche ou pas".

Pour autant, Ruben Falkowicz comme le professeur Pierre-François Pradat tiennent à rétablir un certain nombre de vérités sur la maladie: bien qu'handicapante, cette pathologie n'est pas neurodégénérative et elle ne met pas directement en danger la vie des patients.

"Ce n'est pas comme si j'avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. La maladie évolue et à un moment, on sait à quoi s'en tenir", détaille Ruben Falkowicz, qui refait même un peu d'escalade et a marché le chemin de Compostelle l'été dernier. "J'essaie de rester vivant", confie le Bruxellois. "Mais c'est très compliqué. Ma vie n'est pas exactement comme j'aurais voulu qu'elle soit."

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Céline Dion racontera son combat contre la maladie dans un documentaire