Déconfinement : le vélo, une solution plus risquée qu'il n'y paraît

De nombreux cyclistes à Paris durant les grèves dans les transports, en décembre 2019

Le vélo est le mode de déplacement plébiscité par les grandes métropoles pour l’après-confinement. Mais cette solution n’est toutefois pas sans risque, selon une étude.

Tous en vélo après le confinement ? Rennes, Grenoble, Montpellier, Lyon, Paris... Plusieurs grandes villes misent sur le vélo pour les déplacements d’après-confinement. La capitale réfléchit à réserver des boulevards aux vélos, Rennes compte accélérer le développement du plan vélo dès la sortie du confinement, Montpellier a déjà mis en place des pistes cyclables provisoires, Lyon travaille à des aménagements en faveur du vélo et Grenoble, ville pionnière en la matière, réfléchit à une extension de son réseau, déjà dense, de pistes cyclables. Une option qui pourrait séduire, avec l’arrivée de l’été.

Car les transports en commun risquent d’être fortement rejetés par les citadins : souvent bondés, il y est impossible d’y respecter les mesures de distanciation sociale. Le PDG de la SNCF explique qu’en Ile-de-France, s'il “est imposé de mettre 1m ou 1m50 entre chaque passager, avec 100% des trains, seuls 20% des passagers que nous transportons d'habitude pourront voyager”, explique Jean-Pierre Farandou. La promiscuité semble donc de mise dans les transports en commun.

En Chine, ruée vers la voiture individuelle

Selon une étude, en Chine, à l’issue du confinement, on note un recours à la voiture individuelle au détriment des transports en commun.

Pour éviter un recours massif à la voiture individuelle dans les villes, les municipalités misent donc sur le vélo. À l’étranger, des villes comme Bogota, Berlin ou New York ont temporairement agrandi les pistes cyclables au détriment des voies de circulation automobile.

Selon plusieurs études, le vélo a une capacité de transport sept fois plus importante en ville que la voiture, en raison notamment de sa faible emprise au sol et de la relative vitesse de déplacement en centre-ville.

Comme le relève Mathieu Rabaud, ingénieur spécialiste en mobilité, même si les vélos sont davantage espacés afin de respecter les mesures de distanciation, la capacité de transport est plus importante qu’en voiture.

Face au possible boycott des transports en commun, le vélo semble donc la situation idéale pour se déplacer en ville.

Des distances à respecter en vélo

Mais attention, ce mode de déplacement, s’il est moins à risque que les transports en commun, n’est pas sans risque de contagion. Selon une étude menée par des chercheurs de Belgique et des Pays-Bas, il faut respecter une distance de plusieurs mètres entre les cyclistes, pour éviter l’éventuelle contamination via la propagation de gouttelettes, émises lors de l’effort.

Les chercheurs, spécialistes en ingénierie et non pas en virologie, alertent surtout sur le phénomène de “slipstream”, le flux d’air généré par le cycliste qui se déplace. Ce flux a pour conséquence une dispersion des gouttelettes qui peuvent transmettre le virus, sur un périmètre encore plus large, plus la vitesse est élevée. Un phénomène qui peut encore être amplifié en cas de vent de face, comme l’illustre cette modélisation.

Attention lors du dépassement

Les chercheurs, qui ont basé leurs recherches sur la course à pied, recommandent une distance de 4 à 5 mètres entre les joggeurs. Une distance qui doit être encore plus importante pour les cyclistes, précisent-ils, le flux d’air étant plus important en raison de la vitesse. Il faudrait donc envisager une distance d’une dizaine de mètres entre chaque cycliste.

L’un des chercheurs à avoir participé à cette étude recommande aux cyclistes, lors d’un dépassement “d’anticiper au maximum pour être à bonne distance au moment du dépassement. Le mieux étant de se déplacer latéralement puis de dépasser sur une ligne droite, sans changer de trajectoire", explique Bert Blocken, professeur à l’université d’Eindhoven et à l’université de Louvain.

Des secteurs saturés de vélos en temps normal

Des mesures qui risquent d’être difficiles à prendre dans certains secteurs comme à Paris où l’on observe parfois des files d’attente de vélo aux feux rouges, comme le montrent ces vidéos de cyclistes prises avant le confinement. Un afflux de cyclistes a notamment été constaté durant les grèves dans les transports en commun.

Eviter l’engorgement des pistes cyclables

Pour éviter un engorgement des cyclistes dans certains secteurs, auxquels devraient s’ajouter les utilisateurs d’autres modes de déplacement comme les trottinettes électriques, l’étalement des horaires de travail et l’ouverture de boulevards entièrement dédiés aux vélos, auxquels la région Île-de-France et Paris réfléchissent, pourraient permettre d’atténuer ce problème de la distance entre les cyclistes. Mais aux heures de pointe, doubler en respectant la distanciation recommandée par les chercheurs pourrait s’avérer un casse-tête dans certains secteurs.

Le port d’un masque obligatoire pour les cyclistes pourrait être une mesure afin de limiter les propagations des gouttelettes émises lors de l’effort.