COP 15 : pourquoi détruire la biodiversité nous fait perdre de l’argent

France. Seine et Marne. Coulommiers city. View of beehive in winter in a field. Close up on dead bees at the entrance of the beehive.
France. Seine et Marne. Coulommiers city. View of beehive in winter in a field. Close up on dead bees at the entrance of the beehive.

BIODIVERSITÉ - « Il est urgent d’agir ». Les pupilles écarquillées, Véronique Andrieux, présidente de l’ONG WWF France tire le signal d’alarme alors que la COP15 démarre ce mercredi 7 décembre à Montréal. Cette conférence internationale organisée par les Nations Unies doit permettre de définir de nouveaux objectifs pour freiner la disparition croissante de la biodiversité, qui coûte déjà des milliards chaque année.

Si aucune mesure n’est prise pour inverser la tendance actuelle, un million d’espèces animales et végétales, sur un total de 8 millions, disparaîtront de la Terre dans les prochaines décennies. Un chiffre qui a de quoi émouvoir les amoureux de la nature... mais pas uniquement.

Les problèmes liés à cette extinction vont bien au-delà de voir des espèces mignonnes s’éteindre. La disparition du vivant implique notamment un futur économique alarmant pour tous. En effet, 55 % du PIB mondial dépend de la bonne santé de la biodiversité, selon un rapport de Swiss RE. Si la biodiversité s’effondre, alors une partie de l’économie mondiale aussi.

La France, dixième pays le plus touché

Nous ne l’avons pas forcément en tête, mais ne rien faire pour stopper la disparition des écosystèmes coûte au moins 479 milliards de dollars par an au niveau mondial, soit l’équivalent du PIB de l’Autriche. C’est la conclusion d’un rapport publié par l’ONG WWF et deux universités américaines. Leur constat est sans appel : les économies des pays du monde entier, qu’ils soient développés ou en développement, sont concernées par l’érosion des espèces et des milieux naturels.

Si ces chiffres peuvent surprendre au premier abord, ces pertes financières paraissent en réalité assez logiques lorsque l’on se penche sur des pans précis de notre économie. Les populations marines ont par exemple fortement décliné ces derières années. Or le secteur de la pêche s’évalue à plusieurs millions d’euros, rien qu’en France. Si on retire la matière première de cette activité, toute une partie de notre économie s’effondre.

Ainsi, la France se classe au dixième rang des pays le plus touchés économiquement par le recul de la biodiversité. Si la trajectoire actuelle se poursuit, nous perdrons chaque année 8,4 milliards de dollars chaque année d’ici 2050.

Une tendance aussi pointée du doigt à l’échelle internationale par la banque mondiale dans son rapport publié en 2021 : « l’effondrement de la biodiversité pourrait entraîner une baisse significative du PIB mondial de 2,7 trillions de dollars en 2030 » estime l’institution. Mais comment peut-on en arriver à de telles sommes ?

Remplacer les abeilles coûterait 3 milliards d’euros par an

« La perte de la biodiversité a un impact direct notre économie car de nombreux secteurs dépendent des espèces sauvages : l’alimentation bien sûr, mais aussi la santé, pour trouver nouvelles molécules pour nos médicaments, la filière bois, pour produire de l’énergie, construire des bâtiments...» détaille Jean-Marc Fromentin, chercheur écologue et co-auteur du rapport IBPES 2022, considéré comme le GIEC de la biodiversité.

Selon cette étude, une personne sur cinq dans le monde dépend des espèces sauvages pour ses revenus et son alimentation. Ainsi, nous sommes des milliards à bénéficier chaque jour de ce que les scientifiques appellent des services écosystémiques : des services rendus gratuitement par la nature.

Problème : si la biodiversité disparaît, il faudra remplacer ces services. « Rien qu’en France, remplacer la pollinisation des abeilles par l’action humaine coûterait 3 milliards d’euros par an » indique Maud Lelièvre, directrice de l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Fertilité des sols, protection des maladies et des aléas climatiques, purification de l’eau... « La biodiversité est indispensable à la sécurité alimentaire » appuie la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Sans elle, les prix de l’alimentation pourraient exploser. Avec la disparition en cours des insectes et des pollinisateurs, l’ONG WWF prévoit déjà une augmentation de 4 % du prix des graines et de 3 % pour les fruits et légumes d’ici 2050.

Objectif : 30 % d’aires protégées d’ici à 2030

« La biodiversité ce n’est pas simplement joli, la nature a une valeur pour notre survie » appuie Maud Lelièvre, directrice de l’UICN. « Plus on arrête tôt la destruction du vivant, moins ça coûte cher et plus c’est réparable » résume-t-elle. La communauté scientifique et les associations de protection de l’environnement attendent beaucoup de cette nouvelle COP, qui a été reportée de deux ans à cause du covid.

« Jusqu’à présent il y a une déconnexion entre ce que l’on sait et ce que l’on fait » déclare Véronique Andrieux, présidente de WWF France. Déterminée à voir les choses changer lors de cette édition, elle ajoute : « cette COP15 doit nous permettre d’inverser la courbe ».

Pour l’ONG les solutions sont clairement identifiées, il ne manque plus qu’à les mettre concrètement en place. Il faut agir à l’échelle internationale sur les cinq menaces qui pèsent sur la biodiversité : l’artificialisation des sols, la surexploitation des ressources, la pollution, le changement climatique et les espèces exotiques.

Les 196 États présents ont deux semaines pour se mettre d’accord sur le texte final, avec une mesure phare déjà attendue : instaurer l’objectif commun de protéger au moins 30 % des zones terrestres et maritimes d’ici à 2030.

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