La contre-offensive ukrainienne a-t-elle déjà commencé?

La contre-offensive ukrainienne a-t-elle déjà commencé?

Les grandes manoeuvres ont-elles débuté? Au moins deux civils ont été tués et deux autres blessés ce vendredi après un bombardement survenu sur la région russe de Belgorod, près de la frontière, selon le gouverneur local. Alors que depuis plusieurs semaines, la Russie est visée à la fois par des frappes, des attaques de drones et des incursions sur son sol, se pose la question de l'évolution du conflit: la contre-offensive a-t-elle déjà été lancée par Kiev?

"Entre deux phases de la guerre"

Pour le général Jérôme Pellistrandi, consultant Défense pour BFMTV, il semble que le conflit soit plutôt entré dans une étape un peu particulière, durant laquelle les attaques ukrainiennes se multiplient, mais restent ponctuelles.

"On est entre deux phases de la guerre. On a une phase, la bataille de Bakhmout, qui s'est achevée et côté ukrainien, on attend cette contre-offensive", estime-t-il auprès de BFMTV.com.

La région russe de Belgorod, stratégique pour Moscou, est notamment la cible de nombre d'attaques ces derniers jours, dont l'une particulièrement notable durant laquelle des hommes armés venus d'Ukraine ont pénétré sur le sol russe, une première depuis le début du conflit.

Un groupe se faisant appeler le "Corps des volontaires russes", qui se dit composé de combattants russes soutenant Kiev, a revendiqué cette incursion la semaine dernière, avant d'assurer jeudi qu'il livrait des combats dans la région de Chebeniko en Russie.

Des attaques russes d'un effet limité

Les récentes incursions ukrainiennes sur le territoire russe n'ont pas été revendiquées par Kiev, mais les auteurs de ces attaques ne font guère de doute.

"Cela permet d'entretenir une ambiguïté et d'envoyer un message aux Européens pour dire: 'on n'utilise pas vos armes pour attaquer le sol russe'", analyse Jérôme Pellistrandi.

Une stratégie adoptée par les Ukrainiens depuis le début du conflit, afin de ne pas aller ouvertement à l'encontre des injonctions occidentales de ne pas s'en prendre directement au territoire russe. Kiev continue aussi de cette façon d'entretenir le même discours, soit de se dire attaqué par les Russes et ne faire que se défendre.

"Pour nous (Occidentaux), c'est un vrai problème, parce que ça change un peu la donne. Les Russes vont dire 'les Occidentaux utilisent leurs armes pour frapper les civils russes'. Ce n'est pas vrai, mais ça change le paradigme", souligne Ulysse Gosset.

Côté russe, les troupes ne restent pas dans l'attente, l'armée a bombardé des localités ukrainiennes ces derniers jours, dont la capitale, Kiev. Pour autant, selon le général Pellistrandi, ces attaques restent d'une influence limitée.

"Il y a des victimes civiles, mais elles sont d'un nombre réduit et (les frappes) n'ont pas d'utilité militaire", estime-t-il.

Des attaques qui "déstabilisent" la Russie

Sans qu'on puisse parler de contre-offensive, les attaques survenues sur le sol russe ont bel et bien une utilité pour Kiev qui dit depuis plusieurs semaines préparer une attaque de grande ampleur.

"La guerre des drones déstabilise le côté russe parce que Moscou doit se préparer à la contre-offensive sur la ligne de front, mais on ne sait pas où, et la ligne de front fait 1000 km. Et en même temps, ces attaques à la frontière obligent les Russes à bouger leurs forces", assure le général.

Pour notre consultant, le rapport de force est actuellement en faveur de Kiev. Les troupes ukrainiennes choisissent de mener une guerre d'usure pour fatiguer l'ennemi.

"Les Russes subissent, ce sont les Ukrainiens qui ont l'initiative", résume-t-il.

Autre intérêt de ces attaques ukrainiennes, c'est de créer un "climat de tensions" et de toucher au "moral des forces russes" qui se savent bientôt sous le coup d'une contre-offensive d'ampleur.

"C'est la première fois depuis le début de la guerre que les Russes sont mis en danger sur leur propre territoire (...). C'est préoccupant pour la Russie", abonde notre éditorialiste politique Ulysse Gosset.

Une contre-offensive annoncée depuis des semaines

Si la date du début de la contre-offensive ukrainienne reste inconnue, son lancement ne devrait pas faire de doute, selon Jérôme Pellistrandi.

"On aura un communiqué (de Kiev) qui dira que les forces ukrainiennes ont entamé les grandes manoeuvres" qui devrait être corroboré par des "informations des renseignements", indique-t-il.

Si plusieurs hauts responsables ukrainiens se sont exprimés ces dernières semaines sur la contre-offensive à venir, en laissant planer le doute sur la date de son lancement, voire même sur le fait qu'il ait, ou non déjà eu lieu.

"Un succès à un coup"

En réalité, pour le général Pellistrandi, les Ukrainiens ont tout intérêt à entretenir le flou sur cette question. "Quand la contre-offensive va se déclencher réellement, ce sera un succès à un coup", estime-t-il. Il ne s'agira donc pas de se rater.

"C'est une décision lourde à prendre, une fois qu'elle est lancée, on ne peut pas faire machine arrière", martèle-t-il.

Le dilemme pour les Ukrainiens est donc le suivant: "Jusqu'à quand attendre de nouvelles livraisons d'armes occidentales sachant que les Russes pendant ce temps renforcent leurs fortifications sur la ligne de front?"

Article original publié sur BFMTV.com