Contexte terroriste, politiques en nombre: le casse-tête sécuritaire de la marche contre l'antisémitisme

Des anciens chefs d'Etat, des ministres en exercice, un contexte tendu et une menace terroriste accrue: la marche contre l'antisémitisme, prévue dimanche, est un défi de taille pour les forces de l'ordre.

Contexte terroriste, politiques en nombre: le casse-tête sécuritaire de la marche contre l'antisémitisme

C'est un défi sécuritaire de plus qui attend les forces de l'ordre, ce dimanche 12 novembre, lors de la grande marche contre l'antisémitisme. Plus de 3.000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour encadrer le cortège qui reliera symboliquement le Palais Bourbon et celui du Luxembourg, a annoncé Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, ce vendredi sur BMFTV.

Si le locataire de Beauvau mise sur "un très gros dispositif de sécurité", c'est que l'événement est sous haute tension. Selon les services de renseignement, 200.000 personnes devraient participer à cette marche sur toute la France, dont 60.000 uniquement à Paris, a appris BFMTV.com de source policière.

"La hantise de tous les services de police"

Un très grand nombre de représentants de partis politiques sont attendus aux côtés des présidents de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et du Sénat, Gérard Larcher, qui mèneront le cortège. Mais c'est surtout la présence de deux anciens présidents de la République, François Hollande et Nicolas Sarkozy, de la Première ministre, Elisabeth Borne, du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et d'une trentaine de membres du gouvernement qui va complexifier encore plus la tâche des policiers.

Si les forces de l'ordre ont "l'habitude d'avoir des politiques dans un cortège", c'est assez rare d'en avoir autant, reconnaît Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative police nationale, auprès de BFMTV.com: "on a l'habitude, ce n'est pas la première fois, c'était le cas pendant la réforme des retraites, mais effectivement, là, on est sur un très grand nombre de personnalités".

"C'est un peu la hantise de tous les services de police, car il y aura quasiment tout le gouvernement, des anciens présidents et des personnalités publiques", ajoute Jean-Christophe Couvy, secrétaire général SGP Police FO, auprès de BFMTV.com.

Pour assurer leur sécurité, le ministère de l'Intérieur n'a pas lésiné sur les moyens. En plus du traditionnel service de la protection (SDLP) de la Police nationale, chargé d'assurer la sécurité rapprochée de personnalité - dont les anciens chefs d'Etat -, des unités d'élite, et notamment la BRI, seront également déployées. Des effectifs en civil, ainsi que des drones et des hélicoptères, seront également mobilisés, selon nos informations.

"Le SDLP, c'est le premier rempart de protection. Ensuite, il y aura les effectifs classiques de gendarmes et de CRS autour, puis la BRI (brigade de recherche et d'intervention), avec des tireurs d'élite positionnés sur les toits. Le but, c'est de créer un sas autour d'eux, une bulle de protection", détaille Jean-Christophe Couvy.

"Il faut une capacité d’intervention extrêmement rapide si on a une attaque au corps-à-corps. Il faut du monde physiquement autour", ajoute auprès de BFMTV.com Grégory Joron, secrétaire général Unité SGP Police.

D'autant que, à l'inverse des manifestations traditionnelles, comme celles contre la réforme des retraites ou celle du 1er-Mai, il n'y aura pas de syndicats. "Ça veut dire qu'il n'y aura pas de service d'ordre comme on a habituellement", poursuit Jean-Christophe Couvy, précisant néanmoins que les chefs des partis politiques, eux, "devraient venir avec leurs propres officiers de sécurité".

"Ça peut dégénérer en quelques secondes"

Et si cette marche est "sensible", c'est avant tout parce que "le sujet est inflammable", affirme Eric Henry, délégué national d'Alliance Police Nationale, auprès de BFMTV.com. "Les esprits pourraient s'échauffer" en premier à l'intérieur du cortège, entre les participants eux-mêmes, selon Jean-Christophe Couvy.

"C'est un sujet très politisé, les esprits sont exacerbés. Ça peut partir d'une phrase ou d'une insulte. Dans ce cas-là, ça peut dégénérer en quelques secondes, il faut intervenir très vite", poursuit le secrétaire général SGP Police FO.

Mais la menace peut également venir de l'extérieur, explique Denis Jacob: "On n'est pas à l'abri d'une contre-manifestation de militants pro-palestiniens ou d'individus qui viendraient perturber la marche".

"Il y a une importation par certains individus du contexte de la guerre entre Israël et le Hamas. C'est une manifestation très sensible", estime Eric Henry.

Néanmoins, les forces de l'ordre ne s'attendent pas à la présence dans le cortège "de blacks bloc ou d'antifas", précise le délégué national d'Alliance Police Nationale. Mais les autorités préviennent tout de même, tout individu qui viendrait perturber la marche sera immédiatement interpellé.

La crainte d'un individu isolé

Et le trajet, qui doit relier l'Assemblée nationale au Sénat, en partant de l'esplanade des Invalides à 15 heures, ne va pas faciliter la tâche des policiers.

"Forcément, l'Assemblée nationale et le Sénat sont des cibles potentielles, car ce sont des lieux sensibles, symboles de la République", estime Eric Henry.

Mais c'est surtout le point de départ qui inquiète le délégué national d'Alliance Police Nationale: "l'esplanade des Invalides, c'est un espace ouvert. Plus c'est ouvert, plus c'est compliqué à sécuriser, un peu comme la place de la République". Une fois le cortège élancé, il empruntera l’avenue du Maréchal Gallieni, le quai d’Orsay, les boulevards Saint-Germain et Saint-Michel.

"C'est un trajet classique qu'on connaît bien, on a l'habitude. Mais ce qui aurait été l'idéal pour nous, c'est que le trajet suive les quais le long de la Seine, car il n'y a qu'un côté à sécuriser", estime Denis Jacob.

En plus du risque lié à la présence d'un grand nombre de personnalités politiques et au contexte international - notamment de la recrudescence d'actes antisémites -, les forces de l'ordre doivent composer avec une menace terroriste accrue. Tout juste un mois après l'attentat d'Arras, la principale crainte des autorités, c'est l'attaque d'un individu isolé, en dehors de tous les radars, qui voudrait "s'en prendre à des manifestants ou à une personnalité politique", explique Jean-Christophe Couvy.

Pour parer à toute éventualité, "les services renseignements sont déjà à pied d'œuvre depuis plusieurs jours pour identifier les menaces potentielles", affirme Denis Jacob. "Il y a un travail de veille sur les réseaux sociaux et une surveillance accrue des individus déjà fichés qui pourraient vouloir se rendre à la manifestation", poursuit-il.

Article original publié sur BFMTV.com

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