Congrès du PS : des accusations de « triche » qui plombent l’ambiance

Le parti à la rose est reparti dans ses vieux travers, à quelques heures du vote pour son premier secrétaire.

De mémoire d’éléphant, on n’avait « jamais vu ça ». Ce mercredi 18 janvier, à la veille du vote qui doit départager Olivier Faure, premier secrétaire sortant et Nicolas Mayer-Rossignol, son adversaire maire de Rouen et prétendant au poste, la troisième motion s’invite dans la danse. Patrick Mennucci, mandataire national d’Hélène Geoffroy, candidate des « Hollandais », éliminée au premier tour et désormais soutien de Mayer-Rossignol, a écrit à la numéro 2 du parti, Corinne Narassiguin, présidente de la Commission nationale d’organisation du 80e congrès qui se tiendra à Marseille du 27 au 29 janvier prochain.

Dans ce mail que Le HuffPost s’est procuré, on peut y lire que les représentants du texte d’orientation d’Hélène Geoffroy, lui demandent « de modifier l’organisation de la connaissance des résultats des fédérations par les membres de la commission d’organisation », dont Patrick Mennucci fait partie, comme d’autres membres du PS, représentants de chaque texte d’orientation et de la direction actuelle.

Des heures pour connaître le résultat

En cause, la façon dont les résultats ont été remontés lors du premier tour qui se tenait jeudi dernier, 12 janvier, et qui n’ont été connus que le lendemain, vendredi 13 janvier dans la soirée, après une réunion entre toutes les parties qui a duré toute la journée.

« Jeudi dernier les membres de la direction et les représentants d’Olivier Faure sont restés enfermés durant 5 heures, de 22h à 3h le vendredi, sans que les représentants des autres textes n’aient accès en open data aux résultats en temps réel et aux PV fédéraux », déplore l’ancien député des Bouches-du-Rhône dans son courrier.

C’est ainsi que Patrick Mennucci pour Hélène Geoffroy et les représentants de Nicolas Mayer-Rossignol, David Assouline et Jean-Marc Germain, se sont retrouvés « bloqués au troisième étage » du siège d’Ivry-sur-Seine, pendant que la direction recevait les résultats au premier. « Je n’ai jamais vu ça ! », peste Patrick Mennucci qui se souvient des grandes heures du congrès de Reims en 2008 où les représentants de Ségolène Royal et Martine Aubry étaient « tous devant le même ordinateur ». « Ils étaient tous dans la direction sortante à cette époque », corrige Christophe Clergeau, proche d’Olivier Faure, qui se souvient, lui, avoir été une fois dans la minorité, au congrès de Liévin de 1994 « et n’avoir eu accès à rien ».

Les opposants de Faure « bloqués au troisième étage »

« La soirée électorale doit se tenir dans d’autres conditions que celle du 12 janvier », réclame aussi, par mail, le même jour, à la même numéro 2 du parti, David Assouline, mandataire du texte d’orientation de Nicolas Mayer-Rossignol. « Nous demandons que comme par le passé et dans toutes les élections de la République, les remontées des résultats par fédérations se fassent au grand jour et non pas dans un bureau dont l’accès nous a été interdit la semaine dernière », regrette le sénateur de Paris qui souhaite avoir « un libre accès aux procès-verbaux qui ne nous ont jamais été montrés ». « Il en va de la démocratie et du respect des règles minimum dans un scrutin démocratique ».

Les deux camps s’affrontent désormais sans prendre de gants : « Ils savaient qu’ils n’arrivaient pas à 50 %, donc ils ont paniqué » décrit David Assouline, encore offusqué de ne pas avoir été associé à ce moment. « Nous avons eu connaissances de fraudes dès le début de la soirée. Assouline et Mennucci sont des crapules ! Ils auraient pris en photo l’ordinateur, avant toutes les remontées », justifie-t-on chez Faure. Ambiance. Deux habitués décryptent : « quand c’est serré, l’intérêt est de gagner du temps. Personne n’a intérêt à tout faire remonter d’un coup ». « C’est toujours celui qui annonce un résultat le premier qui gagne ». De vieilles techniques de congrès.

« Il y a eu de la triche »

Dès ses vœux à la presse le 16 janvier, Olivier Faure déclare du bout des lèvres que son camp a « laissé passer beaucoup de situations ». « Il y a eu de la triche », affirme alors plus explicitement l’une des ses soutiens devant une poignée de journalistes. « Il y a 1600 voix litigieuses qu’on n’aurait jamais dû laisser passer », précise ce 18 janvier l’entourage du premier secrétaire qui explique ne pas avoir voulu « perdre encore 48 heures pour tout passer en revue et salir l’honneur du parti », alors que chaque camp était d’accord sur le résultat final. Et d’énumérer les cas comme à Elbeuf où ils ont envoyé un huissier, dans l’Hérault ou l’Ariège où la participation serait plus élevée qu’à l’accoutumée, des noms ajoutés à la dernière minute sur les listes d’émargement ou encore des « intimidations » en Moselle.

Chez Refondations, le texte de Nicolas Mayer-Rossignol, on pointe du doigt les Bouches-du-Rhône où la participation serait anormalement élevée, « deux fois plus que dans l’Hérault », La Courneuve, en Seine-Saint-Denis où une mauvaise adresse aurait été donnée aux militants pour aller voter ou encore un bureau de vote ouvert à 20h au lieu de 17h.

Des accusations qui ne remettent pas en cause le résultat mais qui font tache dans un parti qui se veut « le plus démocratique de France » et où « les chiens ne votent pas », rappelle-t-on à la direction actuelle, en référence au Congrès de LR en décembre 2021 pour désigner sa candidate à la présidentielle.

« Je n’ai jamais vu ça, à part chez Poutine », Mennucci

« À 3 heures du matin, vous avez refusé de fournir une totalisation même partielle », accuse encore dans son mail Patrick Mennucci. « Nous avons décidé d’ouvrir la discussion quand nous avons eu les résultats complets », défend Christophe Clergeau pour qui « cela se passe toujours comme ça ». Patrick Mennucci insiste et affirme n’avoir jamais vu ça « à part chez Poutine » et déplore une « LFIsation du PS ». Dans le camp d’Olivier Faure, on dénonce les « gruges industrielles, enfin artisanales poussées », vu l’état des troupes, émanant de chez Mayer-Rossignol, quand les plus modérés y voient « des litiges comme dans toutes les élections, mais beaucoup de bruit pour rien, alors que personne ne conteste les résultats ».

L’enjeu est donc fort en vue du scrutin du jeudi 19 janvier qui pourrait être serré si les reports de voix se font de la motion d’Hélène Geoffroy vers celle de Nicolas Mayer-Rossignol. Chaque camp a renforcé la venue de ses mandataires locaux dans les zones tendues où ils n’en avaient pas.

Dans leurs courriers, les deux opposants d’Olivier Faure réclament désormais « le libre accès à la pièce où sera installé l’ordinateur qui reçoit les résultats de nos fédérations », selon les mots de Patrick Menucci et « un libre accès aux procès-verbaux qui ne nous ont jamais été montrés », pour ceux de David Assouline. « C’est totalement faux, ils ont les PV ! », s’étrangle-t-on chez Faure.

À l’heure où nous bouclons ces lignes, les deux expéditeurs de courriers n’avaient pas encore reçu de réponses. « On va leur répondre », promet-on à Ivry-sur-Seine, siège du PS. Si c’est serré, « ça va très mal se passer » prédisent déjà les challengers. « Ça ne sera pas serré », veulent croire les partisans du premier secrétaire qui affichent leur confiance pour leur réélection. Encore de grandes heures du PS qui arrive au moins encore à feuilletonner son propre acte de décès.

Lire sur le HuffPost

Lire aussi

Grève du 19 janvier : Clément Beaune recommande le télétravail pour surmonter une « journée de galère »

Avant le second tour au PS, Faure refuse le débat, ses opposants vent debout

VIDÉO - Qatargate : l'eurodéputé Marc Angel élu vice-président