TOUT COMPRENDRE - Le traitement au plasma est-il une "percée" dans la lutte contre le coronavirus?

Prélèvement sanguin.  - TAUSEEF MUSTAFA
Prélèvement sanguin. - TAUSEEF MUSTAFA

Sous les assauts de la pandémie de coronavirus, les scientifiques sont acculés à une course contre-la-montre bousculant, parfois, le temps de la recherche au profit d'une application rapide à la masse des patients. Ce dimanche, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a ainsi salué la décision de l'Agence américaine du médicament (Food and Drugs Administration, FDA) d'étendre largement, au sein de la population des malades atteints par le coronavirus, l'accès à un traitement au plasma sanguin. Il a assuré y voir une "percée" majeure dans la lutte contre la maladie. Une bataille d'autant plus aiguë aux États-Unis, où le virus cause ses plus grands ravages avec déjà 5.706.449 personnes infectées pour 176.819 morts, selon les statistiques de l'Université Johns-Hopkins, et où la crise sanitaire acquiert une résonance politique très lourde, à moins de dix semaines de la présidentielle.

· En quoi consiste le traitement?

Selon la définition qu'en donne l'Etablissement Français du Sang (EFS), le plasma est la partie liquide du sang, représentant 55% du volume de ce dernier. Il consiste en un "fluide salé", d'après les mots de l'institution, qui porte les fameux globules, blancs comme rouges, et les plaquettes.

Le traitement consiste donc à prélever ce plasma sur les patients qui ont été frappés par le Covid-19 et sont à présent guéris, pour le transfuser auprès des malades actuels. On attend en effet des anticorps circulant alors dans le plasma qu'ils permettent, comme l'explique la FDA sur son site, de "diminuer la sévérité de la maladie", voire de l'abréger.

· Qu'est-ce qui change?

Jusqu'ici, la FDA autorisait l'emploi de cette technique dans des cas très précis. Tout d'abord, la méthode était utilisée dans le cadre d'essais cliniques, les cas ciblés pour les transfusions étant déterminés individuellement. Le traitement au plasma sanguin pouvait aussi être appliqué aux dossiers les plus désespérés. Selon la FDA, 70.000 personnes l'ont ainsi reçu à ce jour.

A présent, les transfusions ont donc toute latitude pour être pratiquées à grande échelle sur la population des malades du Covid-19.

· Le traitement a-t-il fourni la preuve de son efficacité?

C'est bien sûr là la question centrale et elle est vivement débattue. Denise Hinton, qui dirige les équipes scientifiques de la FDA, n'a pas caché les réserves entourant encore le traitement, comme le montre cette déclaration relayée par ABC:

"Le plasma des patients convalescents ne doit pas être considéré comme la nouvelle norme du traitement des malades atteints par le Covid-19. D'autres données doivent nous parvenir en provenance d'autres analyses et d'essais cliniques strictement contrôlés au cours des mois à venir".

Ce lundi, le docteur Scott Gottlieb, ancien patron de la FDA, a posé quant à lui auprès de NBC: "Je pense que ça peut présenter un bénéfice, ça peut être un bénéfice faible, ça ne ressemble pas à un essai transformé. Mais il n'y aura pas d'essai transformé à l'horizon tant qu'on n'aura pas pu rassembler d'autres anticorps thérapeutiques sur le marché et enfin des vaccins".

D'autres scientifiques ne font pas mystère de leur franc scepticisme sur ce chapitre. Peter Bach, directeur du Centre pour les politiques de santé du Mémorial Sloan Kettering, a glissé au Washington Post: "L'urgence de la crise induit l'idée erronée selon laquelle nous devrions passer par-dessus l'examen rigoureux des interventions sous prétexte que nous manquons de temps".

Outre la poursuite des essais cliniques, différents éléments incitent en effet à la prudence: le site de NBC relève ainsi la pénurie, pour le moment, de comparaisons placebo. Enfin, les seules données chiffrées détaillées à l'heure actuelle semblent être celles tirées des 35.000 patients traités ainsi, collectées par la Mayo Clinic, une fédération de CHU américaine en quelque sorte. Si elles ont pointé en direction d'un taux de mortalité plus faible en leur sein, elles ne peuvent être regardées comme des preuves car ces patients étaient disséminés dans de nombreux hôpitaux, où les soins qui leur étaient prodigués recelaient de nombreuses disparités entre eux.

· Le traitement présente-t-il des effets secondaires?

La FDA a listé une série d'effets secondaires que le traitement au plasma sanguin peut faire naître chez le patient concerné: réactions allergiques, des surcharges dans la circulation sanguine liées à la transfusion, des problèmes pulmonaires liés là encore à la pratique de la transfusion, et diverses infections.

L'Agence américaine du médicament doit d'ailleurs établir et adresser aux soignants et aux malades une documentation renseignant sur ces conséquences éventuelles mais aussi sur la posologie précise.

· Existe-t-il une initiative équivalente en France?

Le 7 avril, l'AP-HP mais aussi l'Inserm et l'Etablissement Français du Sang ont lancé l'essai Coviplasm, qui lui aussi examine l'efficience ou non de la transfusion de plasma sanguin.

L'opération a alors été introduite dans trois régions: la Bourgogne-Franche-Comté, le Grand-Est et l'Île-de-France. Un panel de 200 patients guéris depuis au moins 14 jours s'est ainsi vu prélever du sang, celui-ci devant être administré à un groupe de patients de l'AP-HP, six jours après l'apparition des symptômes. Coviplasm doit encore rendre son verdict définitif.

Article original publié sur BFMTV.com